Par Houria Ait Kaci
En cette période d’élection, il est coutumier que des candidats fassent des promesses « électoralistes », destinées à attirer la sympathie d’un maximum de votants ou a ignorer certains thèmes pour ne pas afficher leur position.
Cette pratique qui s’apparente à la « politique politicienne » consiste pour les politiciens et les partis politiques à se préoccuper plus des affaires et des arrangements de Pouvoir que des questions qui touchent réellement la vie des électeurs. Elle tourne le dos au peuple et finit par éroder la confiance du citoyen envers « la chose politique ».
Et s’il y’a bien un sujet qui ne figure pas en bonne place dans les discours de campagne des candidats aux élections présidentielles du 7 Septembre 2024, c’est bien celui de la lutte contre la corruption et la mauvaise gestion, qui sont relégués au second plan. Or, cette question a un impact direct et indirect sur la vie des citoyens et de l’économie nationale.
On se souvient comment sous le règne du Président Abdelaziz Bouteflika, tous « les élus » et les entrepreneurs qui voulaient « faire des affaires » devaient payer « un droit de passage » à son frère Saïd. « La politique » était un moyen pour accéder au maitre du moment et un tremplin pour se faire de l’argent. Or le mariage de la « politique » et de l’argent sale finit toujours par un divorce aux allures de scandale.
Le Président Abdelmadjid Tebboune, qui a succédé à Bouteflika et qui est aujourd’hui candidat à un second mandat, a encore du mal à récupérer les milliards volés par les oligarques de la mafia politico-financière, dont une bonne partie déposée dans des comptes à l’étranger.
Le président Tebboune, dès son arrivée à El Mouradia, a engagé des actions en justice et mis en place également des instruments juridico-administratifs, dont la Haute autorité de transparence et de lutte contre la corruption prévue par la Constitution 2020 et comprenant une plate-forme numérique, le « Réseau algérien de transparence « Narakom ». La société civile et les citoyens sont appelés à utiliser ce réseau pour « participer à la lutte contre la corruption à travers des témoignages documentés, des dossiers et des preuves » et cette autorité « assure la protection des lanceurs d’alertes et garde l’anonymat ».
On assiste régulièrement à des arrestations de personnes impliquées dans des scandales de corruption et de détournements. La dernière en date, concerne l’affaire de collecte des signatures des formulaires à la prochaine élection présidentielle! Pas moins de 77 suspects ont été traduits devant la justice pour « octroi d’un indu privilège, trafic d’influence, offre de promesse de dons en numéraires en vue d’obtenir des voix d’électeurs, abus de fonction, obtention de dons en numéraire ou de promesses de voix électorales et escroqueries ».
La lutte contre la corruption et pour la transparence dans la gestion des affaires publiques qui a fait l’objet de réformes institutionnelles et juridiques en vue de renforcer les principes de « l’Etat de droit », a enregistré des résultats probants, mais malgré tous ces efforts, il semble que rien ne peut venir à bout de ce fléau.
Les candidats à la Présidentielle du 7 septembre 2024, pourront-ils venir avec de nouvelles propositions, une nouvelle vision et nous expliquer comment ils comptent éradiquer ce phénomène endémique – qui n’est pas propre à l’Algérie- mais qui a pris une grande ampleur ces dernières années.
La corruption sévit non seulement dans la sphère économico-politique mais aussi sociale, culturelle et sportive. Elle représente un frein au développement, une menace à la cohésion sociale. Elle appauvrit les couches les plus pauvres et à faible revenu qui bénéficieront de moins d’aides de l’Etat car il y’aura moins d’argent à distribuer. C’est un phénomène anti-démocratique et anti- économique.
Elle entraine une perte de confiance de la société dans l’Etat national et ses capacités à assurer la justice et l’ordre républicain. De ce fait, la lutte contre la corruption constitue une question d’intérêt national car elle érode la confiance entre les élus, le Gouvernement et les classes populaires et peut mener à l’effondrement de l’Etat-nation. Elle doit donc être fermement combattue par les politiques, le Gouvernement et toute la société pour contrer et éradiquer cette « vermine ».
Cette vermine est souvent liée à des réseaux à l’échelle internationale mis en place par des multimilliardaires liés à l’oligarchie financière mondiale, pour « aspirer », détourner, l’argent public et le transférer dans des comptes anonymes, dans des Banques offshore et des paradis fiscaux où n’existe pas de contrôle fiscal et appartenant généralement à ces même milliardaires.
Les candidats doivent s’éloigner des discours creux qui ne les engagent en rien et indiquer à leurs électeurs quelle importance ils accordent à la lutte contre ce mal et quels sont les outils, les moyens et les garde- fous qu’ils comptent mettre en place pour mettre fin à la grande corruption.
Que comptent faire ces candidats pour faire participer les citoyens à la lutte contre ce phénomène devenu social, touchant les différentes franges de la société même les plus basses qui pratiquent « la petite corruption », la « tchipa ». Pour résoudre n’importe quel problème, si on ne connait pas, des parents, des amis biens placés, on est amené à recourir à de tels procédés.
La lutte en amont est nécessaire pour éradiquer ce phénomène, cette maladie du siècle touchant tous les pays, développés et moins-développées. Les travailleurs, les retraités, les syndicats, les enseignants peuvent aider à contre ce phénomène, par la rééducation des jeunes générations en revoyant la place de l’argent et le sens des valeurs dans la société. Il ne suffit pas de dire aux jeunes : « travaillez, investissez, faites de l’argent, des affaires », il faut aussi leur expliquer comme gagner cet argent honnêtement, dans le respect des valeurs morales, dont l’honnêteté, la probité, le respect et la confiance font partie et servent de ferment pour souder une société.
Les candidats doivent expliquer à leurs électeurs quelles sont les passerelles à établir entre les élus politiques au niveau des communes et du Parlement pour que le peuple puisse les contrôler, leur demander des comptes et pouvoir les révoquer, s’ils ne remplissent pas leurs engagements. Ne dit-on pas que la démocratie c’est « le Pouvoir au peuple » ?
Comment comptent-ils améliorer la vie quotidienne des citoyens qui subissent la bureaucratie, le favoritisme, le népotisme, la « hogra » (l’injustice) qui empêchent l’accès équitable des jeunes à l’emploi, à la promotion professionnelle, au logement et autres conditions de vie et de travail décente.
Ces candidats pourront-ils empêcher que des citoyens soient victimes de l’arbitraire et des brimades de l’Administration et des organismes publics (Poste, Sonelgaz), censés servir le public. Des agents indélicats privent les usagers de leurs droits et les font « courir », d’un service à l’autre comme une balle de ping-pong, leur faisant perdre le temps et leur argent, souvent à cause des erreurs commises par des agents de ces même organismes, indélicats, incompétents, mais intouchables, car recrutés par « piston ».
Le plus grave est qu’il n’existe pas d’agents ou de structure intermédiaire qui peuvent jouer aux bons offices au sein des administrations, où le citoyen peut se plaindre et recouvrer ses droits. Il est renvoyé d’un service à l’autre comme une balle de ping-pong. D’ailleurs ces bureaucrates le savent puisqu’ils rabrouent les gens en leur disant : « Si cela ne vous plait pas, aller vous plaindre » !
Il faut espérer que le prochain Président s’attèlera en profondeur à ces phénomènes et enregistrer des avancées dans ce maillon faible, qu’est la réforme de l’administration et de la gestion alors que le pays a enregistré de grandes avancées au plan économique avec de grands projets structurants et au plan social avec le relèvement des bas revenus et une aide aux démunis.
Ce sont sans doute ces avancées qui ont fait ressurgir à nos frontières les pressions et les menaces extérieures exercées par des forces et des pays qui cherchent la déstabilisation de l’Algérie pour provoquer à l’occasion de cette élection, un changement de régime en leur faveur. Le décor est déjà planté, avec les mêmes acteurs que lors des scrutins précédents. Mais les Algériens sont « rodés » par ces « printemps » arabes devenus des hivers interminables comme en Lybie.
Les slogans sur « la démocratie » ne prennent plus car les pays occidentaux et capitalistes, impérialistes cités comme exemple dans le monde, découvrent leur vrai visage, à travers leur politique interne répressive, les agressions, le terrorisme, le fascisme, les guerres avec des armes prohibées, les génocides menés contre les peuples comme à Gaza en Palestine occupée et d’autres régions du monde.
On voit comment ces sociétés occidentales modernes, « démocratiques » avec des économies capitalistes basées sur le profit et la puissance de l’argent, qui dominent le monde depuis le 18 siècle, traversent aujourd’hui une grave crise économique, identitaire et civilisationnelle qui risque de mettre fin à leur suprématie et de provoquer leur effondrement. Ceci explique leur acharnement à user de tous les moyens contre des Etats souverains et progressistes comme l’Algérie qui refusent qu’on leur dicte la politique à suivre. « A bon entendeur, salut ».
Houria Ait Kaci