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8 mai 1945: histoire d’un drapeau témoin de l’un des plus grands massacres des temps modernes

L’emblème national arboré par le chahid Saâl Bouzid un certain mardi 8 mai 1945 à Sétif pour revendiquer l’indépendance de l’Algérie flotte à ce jour haut au musée du moudjahid de la même ville.

Cet emblème occupe une place toute spéciale dans les cœurs des habitants de la région car il demeure attaché à une horrible tragédie humaine perpétrée par la machine de mort française qui avait fauché la vie à 45.000 victimes dont le seul tort a été de descendre à la rue pour revendiquer pacifiquement leur liberté et émancipation. Dans une déclaration à l’APS, à la veille de la célébration du 75e  anniversaire du 8 mai 1945, le directeur du musée du moudjahid, Kamel Feria assure que la majorité des visiteurs du musée est curieuse de voir ce drapeau qui constitue « un témoin majeur d’un des plus horribles massacres commis en ces temps modernes contre un peuple désarmé ».

Document matériel et symbole d’une époque, ce drapeau intéresse tout autant les chercheurs en histoire de la révolution algérienne, soutient M. Feria qui souligne que ce drapeau c’est aussi cette force symbolique qu’avait poussé le préfet de police française d’alors, Olivieri, de tenter d’arracher ce drapeau aux mains de Saâl Bouzida qui était en tête de la marche des Algériens réclamant à la France d’honorer sa promesse de reconnaître l’indépendance de l’Algérie. »Depuis 1945, ce drapeau a été préservé jalousement, passant d’une main à une autre jusqu’en 2008 date de l’ouverture du musée du moudjahid de Sétif où il fut déposé », assure Feria qui affirme que les militants qui avaient encadré la marché du 8 mai 1945 avaient œuvré à  protéger cet emblème national jusqu’à l’indépendance et bien après.

Les documents et témoignages vivant recueillis par le musée s’accordent à indiquer que la levée du drapeau national et les slogans de liberté lancés par les manifestants, avaient suscité l’ire de l’administration coloniale dont la machine de mort avait stoppé la marche partie de la mosquée « Abidher » anciennement appelée de la gare à hauteur de l’avenue George Clemenceau (8 mai 1945, actuellement) où commença le bain de sang.

La tentative d’enlever ce drapeau aux manifestants a été le point de départ d’une répression sanglante pendant plus de deux mois durant lesquels l’armée française avait multiplié les exécutions sommaires individuelles et collectives à travers les villages et campagnes pour briser la revendication d’indépendance.

Des centaines de personnes furent jetées dans des fosses communes à El Ouricia, El Kherba, Behira et Ain Abassa et ailleurs.

Des heures de témoignages sur les massacres du 8 mai 1945

Depuis 2008, le musée a recueilli des heures d’enregistrement de témoignages vivants de moudjahidine dans le cadre de la mission de préservation de la mémoire nationale assumée par ces établissements muséaux, a indiqué son directeur.

Des moudjahidine connus pour avoir encadré la marche du 8 mai 1945 à Sétif ont accepté de confier leurs témoignages au musée de Sétif dont Lakhdar Taarabit, Mohamed Bouguessa, Aïssa Cheraga et autres.

Enfant alors, le moudjahid Feria Mokhtar Bensaïd raconte dans son témoignage, l’horreur qui s’est abattu sur son village Ouled Zeghouane de la région d’El Mouane lorsque les soldats français rassemblèrent tous les hommes du village et commencèrent à les exécuter un à un y compris son père dont la tête fut explosée par les balles devant ses yeux.

« Avant de repartir, les soldats français avaient brûlé les maisons et s’étaient emparés des troupeaux des villageois laissant les survivants dans un total dénuement », confie-t-il.Pour ce moudjahid, les véritables raisons de ce massacre étaient que son  père et son proche, Hadj Feria, étaient les animateurs de la section d’El Anasseur (commune d’Ain Arnet) du Parti du peuple algérien (PPA) alors que la France oeuvrait de couper les campagnes du mouvement nationaliste qui prenait corps dans les agglomérations urbaines.

L’opération de collecte de témoignage, menée avec le concours de l’association 8 mai 1945 et les sections communales de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), a touché à ce jour, 60 moudjahidine et manifestants dont Lahcène Bekhouche de Kherata (Bejaia) dont tous les membres de sa famille furent exécutés, ajoute encore M. Feria.

Bien que beaucoup de ceux qui avaient vécu cet épisode horrible ne sont plus de cette vie, le musée continue de rechercher les rares survivants pouvant contribuer à « documenter » ces évènements charnières de l’histoire nationale, ajoute encore Feria. Une encyclopédie du chahid contenant la liste des chouhada de toutes les communes a été élaborée avec le concours de la direction des moudjahidine et des structures locales de l’ONM, outre la réservation d’un stand spécial aux massacres du 8 mai 1945 et la diffusion sur Facebook de publications multimédia intitulées « Amdjad El Ouma » (Gloires de la nation).

Les massacres du 8 mai 1945 avec leurs charges de douleurs et de tragédies pour les familles sétifiennes, ont obtenu une grande part de l’intérêt consacré par le musée de Sétif à la « documentation » et la préservation de la mémoire nationale, assure encore son directeur.

 

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