Rencontré au siège de l’espace de l’histoire et de la mémoire de la ville d’Oran à l’occasion de sa visite en Algérie(Oran et Alger), l’élu député de la 7e circonscription des Bouches-du-Rhône issu de la formation politique LFI, livre à Algérie 54, l’objectif de sa visite en Algérie, la crise diplomatique entre Alger et Paris, l’avenir des relations entre les deux pays et les deux peuples, la violation du droit international de la France au sujet de la question du Sahara Occidental, l’extrême droite française et ses plans néocoloniaux ainsi que la répression menée contre les membres de son parti et les militans des droits de l’homme qui dénoncent et condamnent le génocide du peuple Palestinien par l’armée la plus “démocratique” de l’entité sioniste.
Algérie54: Pouvez-vous nous dire quel est l’objectif de votre visite en Algérie ?
Sebastien Delogu: Je souhaitais me rendre en Algérie depuis plusieurs années. Comme beaucoup de français, je partage avec l’Algérie une relation intime et familiale. Pour ma part, mon grand-père maternel. Je me suis donc rendu sur la sépulture de mon arrière grand père dès mon arrivée pour rendre hommage à mes ancêtres.
Ensuite, je suis venu promouvoir, en tant que représentant du peuple français, l’amitié et la fraternité avec le peuple Algérien. Des milliers de franco-algériens se démènent chaque jour pour braver les obstacles et créer des ponts entre nos deux peuples, malgré les insultes et les outrances de certains dirigeants français. Je veux affirmer ici que le peuple français n’est pas comme certains de ses dirigeants, et que celui-ci souhaite dans son immense majorité le bonheur commun de nos deux peuples.
Algérie54: Ce jeudi 26 juin, les proches députés de l’UDR d’Eric Ciotti ont déposé un projet de résolution visant l’annulation des accords de 1968 avant de le retirer. S’agit-t-il d’une manœuvre politicienne ou d’une nouvelle provocation ?
Sebastien Delogu: Je crois pouvoir dire que ce texte, déposé par le groupe UDR n’a qu’un seul objectif : envenimer toujours plus des relations qui, à mon grand regret, sont déjà largement dégradées. Aujourd’hui, la droite française et les macronistes se ridiculisent tous les jours un peu plus en s’alignant sur l’extrême droite. Comme vous avez pu le constater, ce texte a heureusement été retiré avant qu’il ne soit examiné. C’est donc une défaite cuisante pour Eric Ciotti, Bruno Retailleau et Gabriel Attal, et une victoire pour nos deux peuples.
Algérie54: Les relations entre Alger et Paris sont dans une phase de crise jamais atteinte depuis l’indépendance de l’Algérie, en raison de la décision d’Emmanuel Macron de se ranger à côté de l’occupant des territoires du Sahara Occidental. Une position de Paris qui viole le droit international pour un pays qui est censé le protéger en sa qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU. Qu’en pensez-vous?
Sebastien Delogu: Quand la France tient des positions qui ne sont pas celles du droit international, elle affaiblit sa voix et creuse un fossé de défiance entre elle et son peuple, et entre elle et les autres peuples du monde, qui n’est bénéfique pour personne. La France insoumise dénonce et critique, dès qu’elle y est confrontée, les deux poids deux mesures de notre diplomatie et de celle des pays occidentaux.Nous nous plaçons toujours du côté du droit international.
Dans un monde qui a entamé un réarmement dangereux et où les propos bellicistes s’expriment de façon décomplexée, nous devons soutenir les mécanismes internationaux qui permettent de résoudre de façon juste et pacifié les différends. Car lorsque ceux-ci échouent, par intérêt, cynisme ou manque de courage politiques des dirigeants, ce sont toujours les mêmes qui paient le prix du sang, à savoir les peuples qui sont enrôlées malgré-eux dans des combats fratricides.
Algérie54: La France criminalise violemment les militants qui défendent la juste cause anti-coloniale du peuple palestinien, notamment en légiférant à travers la circulaire Alliot Marie, concernant les militants BDS (Boycott Sanctions Désinvestissements). Cela ressemble à une protection sans limite au courant pro-israélien (sioniste) en France. La justice française ne serait donc pas libre, dans ce cas de figure et serait-elle instrumentalisée par Israël ?
Sebastien Delogu: La répression et la criminalisation des soutiens du peuple palestinien en France n’est malheureusement pas nouvelle. Elle s’est drastiquement intensifiée depuis le 7 octobre 2023. De nombreux syndicalistes et des militants pour la paix ont subi une intense répression judiciaire dans le seul but de les faire taire. Récemment, je pense à Urgence Palestine qui afait l’objet d’une procédure de dissolution par le ministère de l’intérieur, pour le motif fallacieux d’apologie du terrorisme.
Notre famille politique, qui dénonce sans sourciller la colonisation, l’apartheid et le génocide du peuple palestinien en a également fait les frais. Je veux rappeler par exemple les convocations pour apologie du terrorisme de Rima Hassan, qui était à l’époque candidate à la députation européenne, et celle de Mathilde Panot, présidente du premier groupe d’opposition en France. Si la justice française est indépendante du pouvoir politique, l’opportunité des poursuites, elle, dépend du parquet, et donc du ministère de la justice. On constate heureusement que souvent, comme c’est le cas pour Mathilde Panot et Rima Hassan, les intimidations du pouvoir exécutif sur la base de l’apologie du terrorisme sont totalement fantasques, et donc, ne convainquent pas les juges.
Je soutiens particulièrement les militants de BDS qui agissent pacifiquement et qui ont fait plus pour protéger le peuple palestinien que l’ensemble des dirigeants au pouvoir en France. S’ils se situent aujourd’hui du mauvais côté du règlement, ils seront pour toujours du bon côté de l’histoire !
Algérie54: Vous avez été héroïque en brandissant le drapeau palestinien à l’Assemblée Nationale Française. Ce qui vous a valu des sanctions. Que retenez-vous de cet événement en tant qu’élu en France ?
Sebastien Delogu: J’ai déjà beaucoup commenté et expliqué les motivations de ce geste, pour lequel j’ai reçu la plus haute sanction de la part de la Présidente de l’Assemblée nationale. Je tiens d’ailleurs à préciser qu’un recours est en cours devant la Cour européenne des droits de l’homme, contre cette sanction indigne qui m’a été infligée. Mais ce que j’en retiens aujourd’hui, c’est l’immense soutien que j’ai reçu, en France et de la part de citoyens des quatre coins du monde. Il témoigne, non pas d’un soutien à ma petite-personne, mais bien d’un soutien énorme et populaire à la lutte du peuple palestinien. Leur cause, la lutte contre la colonisation et contre le génocide est ultra-majoritaire dans la population mondiale qui ne se laisse pas berner par les discours officiels de certains dirigeants soumis à l’impérialisme nord-américain. Il y a aujourd’hui une cassure entre le peuple et nombre de ses gouvernants car ils appliquent un deux poids deux mesures indignes, irresponsable et meurtrier. En France et à l’international, plus personnes ne comprends la position honteuse de notre gouvernement. Et aujourd’hui, de plus en plus de dirigeants politiques acculés dénoncent, comme nous l’avons fait depuis le 7 octobre, le génocide du peuple palestinien, l’apartheid et la colonisation. C’est une très grande victoire populaire contre une classe politique cynique, et je m’en réjouis.
Algérie54: Quelles sont les raisons profondes du refus de la reconnaissance des crimes coloniaux, crimes contre l’Humanité, commis par la France en Algérie ? Serait-ce en raison du retour en force des descendants de l’OAS ?
Sebastien Delogu: La droite française est aujourd’hui aux mains des nostalgiques de la colonisation et coure derrière l’extrême droite. C’est une faillite morale et politique, puisqu’elle nous entraine dans un conflit avec un peuple avec lequel tant de chose nous rassemble. La guerre est terminée depuis 62 ans. Nos deux peuples ont droit d’avoir enfin une relation normale, faite de respect mutuel et d’apaisement. Aujourd’hui, les descendants de l’OAS siègent en face de moi à l’Assemblée nationale, et je les combattrai, comme mon grand-père, dans l’intérêt de nos deux peuples, et pour la justice.
Interview réalisée par M.Mehdi