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December 6, 2025

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De la Transition à la Junte Ad Vitam æternam et du Panafricanisme au War-Starisme

Depuis le second coup d’État de mai 2021 (un coup d’État dans le coup d’État) et l’accaparement du pouvoir par le général Assimi Goïta, un « système politique à problèmes en spirale » s’est installé au Mali, reposant sur une forme de révisionnisme des actions menées par les régimes précédents, issus de coups d’Etat. Incapable de concrétiser pleinement ce projet révisionniste, la junte malienne, maquillée derrière quelques figures civiles des anciens régimes comme Maïga et Diop, s’est enlisée dans ses propres contradictions, tout en verrouillant l’espace politique.

Terrorisme et Stratégie de Lutte, Version junte malienne

« Nyaa kɔrɔ bɛ kɛ dugawu tɛ » (Une peur, si vieille soit-elle, ne fonde pas de village durable)

Dr. Benali

Depuis le second coup d’État de mai 2021 (un coup d’État dans le coup d’État) et l’accaparement du pouvoir par le général Assimi Goïta, un « système politique à problèmes en spirale » s’est installé au Mali, reposant sur une forme de révisionnisme des actions menées par les régimes précédents, issus de coups d’Etat. Incapable de concrétiser pleinement ce projet révisionniste, la junte malienne, maquillée derrière quelques figures civiles des anciens régimes comme Maïga et Diop, s’est enlisée dans ses propres contradictions, tout en verrouillant l’espace politique.

Sous couvert de rupture, brandissant les étendards du panafricanisme et du souverainisme, la junte a instauré un climat de vase clos où toute critique interne est systématiquement stigmatisée : « Si tu n’es pas avec nous, tu es terroriste ou complice ». Ce glissement rhétorique dangereux brouille volontairement la frontière entre contestation politique et terrorisme, justifiant ainsi arrestations arbitraires, disparitions forcées, verrouillage du champ politico-médiatique, instauration d’une dictatureet la désignation de boucs émissaires extérieurs, comme l’Algérie et la Mauritanie, pour masquer ses propres échecs. Cette conception binaire, qui érige toute opposition en ennemi intérieur ou agent de l’étranger, s’apparente moins à une stratégie du colonialisme et de contre-terrorisme qu’à une véritable guerre contre l’opposition et toute voix dissonante.

Cette junte n’est pas innocente ou raisonnable : nombre de ses officiers et civils ont servi sous les régimes précédents, eux-mêmes gangrenés par la corruption et les compromissions (négociations obscures avec des groupes armés, financements opaques, versements de rançons, trafics de drogue et d’or). 

En filigrane, on perçoit la permanence d’« agendas » étrangers ou personnels : ces officiers ne sont pas des experts du contre-terrorisme, mais bien souvent les héritiers de réseaux politiques qui se sont nourris de l’instabilité chronique du pays. Leur parcours professionnel, tissé de collaborations avec des régimes « corrompus », laisse planer le doute sur leur réelle volonté d’éradiquer le terrorisme plutôt que d’en instrumentaliser la menace.

C’est précisément en cultivant cette menace que la junte a fait appel, en 2021, aux mercenaires du groupe Wagner, tout en négociant de manière tacite ou par des « accords » informels avec le groupe terroriste État islamique au Grand Sahara (EIGS) afin de mener une guerre contre ses opposants. L’objectif principale était d’instaurer une trêve mutuelle pour neutraliser le JNIM (Jama3at Nousrat al-Islam wal-Muslimin), un groupe terroriste rival à caractère éthno-religieux, et surtout d’éliminer les factions actives dans l’Azawad, tout en obtenant la libération de ressortissants maliens retenus par l’EIGS

Cette stratégie diabolique visait, dans le même temps, à déplacer l’insécurité et le terrorisme vers les pays voisins, comme le Niger, le Burkina Faso, voire d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, afin de se dédouaner et de donner l’impression que la menace terroriste n’a pas pour seul objectif d’ébranler les fondements du Mali, mais bien l’ensemble des pays de la région.

Dans ce contexte, certaines voix au Burkina Faso ont exprimé leur crainte que le pays ne devienne la principale victime de l’accord entre Bamako et l’EIGS, inquiétude également partagée au Niger.

Ces craintes étaient justifiées, car au Burkina Faso, par exemple, les opérations terroristes de l’EIGS, qui étaient avant avril 2023 marginales et peu préoccupantes, ont commencé à se multiplier au-delà de la frontière malienne. Le groupe avait en effet étendu son contrôle sur de vastes zones du nord-est du Mali, s’emparant de nombreux villages et territoires ruraux. Avec cette emprise territoriale, l’EIGS dispose désormais d’une base solide lui permettant de s’étendre dans de larges régions du Burkina Faso et du nord-est du Niger.

Depuis cet accord, la spirale de violence s’est nettement accélérée, redéfinissant l’équilibre des forces dans la région. Le Burkina Faso et le Niger font face à une intensification sans précédent des attaques, exacerbée par la création de l’Alliance des États du Sahel, qui a provoqué un repositionnement tactique des groupes armés. Au Mali, le JNIM, ayant rapidement perçu la manœuvre insidieuse de la junte, à savoir l’utilisation de Wagner et de l’EIGS pour affaiblir ses positions, a adapté sa stratégie. Plutôt que de se disperser, il a concentré ses efforts sur des frappes directes et spectaculaires contre les Forces armées maliennes (FAMa), visant à infliger des pertes massives et à miner leur moral. Cette approche s’est traduite par une série d’assauts coordonnés d’envergure, touchant simultanément sept localités de l’ouest du Mali : Kayes, Nioro du Sahel, Niono, Molodo, Sandaré, Gogui et Diboli, démontrant une capacité opérationnelle élevée et une lecture fine des failles sécuritaires créées par les choix stratégiques de Bamako.

C’est dans cette optique que la junte malienne a procédé, entre le 30 juin et le 2 juillet 2023, à la libération de sept terroristes de l’organisation État islamique au Grand Sahara (EIGS), parmi lesquels figuraient notamment les redoutables Oumeya Ag El Bekaye, Dadi Ould Chouaib (alias Abou Dardar), précédemment capturés par les forces françaises. A relever que Oumeya Ould El-Bekay a été conduit directement dans la région Ansongo près de la frontière avec le Burkina Faso et le Niger le 3 juillet 2025: Sa libération a été suivie par une attaque terroriste dans la région où une vingtaine de civils ont péri sous les coups des attaques terroristes.

Certaines sources font état, aussi, de versement de rançons de la part de Bamako aux terroristes comme gage de bonne volonté pour l’exécution de ce qui a été convenu entre les deux parties. 

Et le « hasard » veut qu’Abou Dardar se trouve au centre des magouilles des rançons. Cet ancien narcoterroriste du MUJAO s’est rendu de son propre grès aux forces françaises au début de l’année 2014 pour se constituer en prisonnier puis remis aux forces de sécurités maliennes le 15 mars de la même année puis libéré, en octobre 2020, en échange de l’otage française Sophie Pétronin évidemment avec versement d’une rançon de 30 millions d’euros.

Mais la « loi du stratagème » veut qu’il soit arrêté de nouveau par les forces françaises Barkhane en juin 2021 et remis aux membres de la junte malienne qui étaient en charge de la lutte anti-terroriste et en contact permanent avec les forces françaises au Mali avant le coup d’Etat de 2020 (sic). 

La fourberie de la junte a entraîné la formation d’alliances circonstancielles entre le JNIM et certains groupes communautaires ou milices locales, notamment parmi les Touaregs et certaines communautés peules, bouleversant ainsi les plans des généraux autoproclamés au pouvoir au Mali.

Tout en révélant une volonté de marchandage tactique de la part de la junte, cette opération visait paradoxalement à accentuer l’instabilité et à attiser les rivalités entre groupes armés concurrents. Il s’agit d’un accord cynique — « s’allier avec le diable pour abattre un ennemi » — poursuivant plusieurs objectifs afin de :

– Créer un climat de conflit permanent entre les deux principaux groupes djihadistes de la région, l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), en les dressant l’un contre l’autre.

– Permettre aux Forces armées maliennes (FAMa), appuyées par les mercenaires de Wagner, de mener une guerre totale contre les rebelles Touaregs signataires de l’Accord d’Alger de 2015, dont les revendications trouvent toujours un certain écho auprès de la communauté internationale et qui exigent simplement l’application des engagements pris par Bamako depuis les premières négociations de 1964.

– Légitimer la confiscation du pouvoir au nom d’une souveraineté. La junte malienne consolide un régime de plus en plus fermé, combinant le découplage institutionnel du pluralisme politique et la criminalisation systématique des opposants. En assimilant toute dissidence non armée à du terrorisme, elle impose un strict encadrement des libertés publiques et neutralise les mécanismes de régulation démocratique. La conséquence directe en est l’effacement progressif des espaces de contestation et une transition sans perspective démocratique.

– Créer un espace terro-fertile pour les groupes armés dans le Sahel, en exportant l’instabilité vers ses voisins directs, notamment le Niger, le Burkina Faso, mais aussi la Mauritanie et l’Algérie, exposées aux flux transfrontaliers. En optant pour des arrangements ponctuels avec des groupes terroristes, la junte malienne sape la confiance entre partenaires sahéliens, au moment même où la coordination régionale reste le seul rempart contre la propagation continue de la violence au Sahel et en Afrique de l’Ouest.

– Exécuter un « agenda makhzeno-franco-émirati-sioniste » : dans un Mali transformé en théâtre d’influences croisées téléguidées contre l’influence historique d’Alger dans le Sahel, la junte se pose en tant qu’acteur régional grâce à des alliances aussi discrètes que toxiques. Dans cette logique cynique de survie de son régime militaire, cette junte noue des alliances sournoises et toxiques, semant au passage une instabilité généralisée dans la région, dont la recomposition régionale avec son projet de l’Alliance des Etats du Sahel (AES).

Pour comprendre le jeu de la junte malienne à travers cette libération, passons en revue les objectifs sus-cités, que je présenterai dans les prochaines parties.

Et c’était”Qui sème le vent récolte : la tempête… ou l’escampette.” 

Je m’en tiens à cela…et à la suite. Le feuilleton sera long

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