L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne CJUE d’octobre 2024 a porté un coup fatal à la colonisation des territoires du Sahara Occidental et aux opérations de pillage et d’exploitation illégale des ressources du peuple sahraoui, par les sponsors et soutiens du régime du Makhzen, en violation flagrante du droit international.
Aujourd’hui, face à la réalité imposée par la décision de justice de la CJUE, des pays comme l’Espagne et la France, historiquement responsable des souffrances du peuple sahraoui depuis un dei siècle, tentent bien que mal de conourner cette décision de justice faute de l’annuler.
Près d’un an après que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a invalidé les accords de pêche et de commerce avec le Maroc pour y inclure le Sahara Occidental, la Commission Européenne s’apprête à rouvrir les négociations avec l’occupant marocain, sur iniiative des gouvernements français et espagnol dirigés respectivement par Emmanuel Macron et Pedro Sanchez,auteurs de la reconnaissance du “plan marocain de colonisation” en violation des résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU, dont la France est membre permanent, sachant que l’organisation onusienne garante de la mise en oeuvre du référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.
Selon Western Sahara Resource Watch, Paris et Madrid tentent de maintenir l’approvisionnement en produits agricoles et halieutiques d’un territoire occupé, tout en bénéficiant des mêmes avantages tarifaires dont bénéficie l’occupant marocain.
Le 22 juillet, la Commission européenne a présenté au Conseil européen une proposition visant à ouvrir des négociations avec Rabat et à adapter l’accord de 2018 à l’arrêt de la CJUE. Selon un document daté du 20 août et transmis par la présidence danoise du Conseil, l’idée est claire : préserver les échanges commerciaux avec le Sahara Occidental dans le cadre d’un nouveau cadre juridique , en théorie conforme au droit européen et international. À cette fin, la Commission européenne a demandé au Conseil de l’Union européenne un mandat lui permettant de renégocier le pacte.
“La proposition de la Commission d’ouvrir des négociations avec le Maroc vise à mettre l’accord en conformité avec l’arrêt de la CJUE, le droit de l’UE et le droit international, tout en préservant les relations commerciales existantes et en permettant ainsi aux importations de produits en provenance du Sahara Occidental de se poursuivre aux mêmes taux tarifaires préférentiels que ceux applicables au Maroc”, indique le document de la commission européenne.
Mais cette manœuvre reste controversée après le processus judiciaire qui a abouti à la victoire du Front Polisario en tant que représentant légitime du peuple sahraoui. Les arrêts de la CJUE ont été accablants : le Sahara Occidental, ancienne colonie espagnole illégalement occupée par le Maroc pendant un demi-siècle, est un territoire séparé et distinct du Maroc.
Aucun accord ne peut y être mis en œuvre sans le consentement explicite du peuple sahraoui, non pas de la population résidente – principalement des colons marocains – mais de l’ensemble de la population, dont une grande partie vit en exil.
Selon la doctrine de la CJUE, cela serait possible si deux conditions strictes étaient remplies : que l’accord ne crée pas d’obligations pour les Sahraouis et qu’ils reçoivent des avantages concrets, substantiels et vérifiables. Pour le prouver, Bruxelles veut imposer un mécanisme de contrôle certifiant que ces avantages bénéficient tant aux Sahraouis restés sur le territoire qu’à ceux qui ont été expulsés. La Cour a noté que la majorité des Sahraouis vivent en exil et que seulement environ 25 % de la population résidant actuellement au Sahara occidental est sahraouie.
Des sources du Polisario ont déclaré au média espagnol ibérique El Independiente qu’elles s’opposaient à toute tentative de relancer l’accord. « Nous sommes prêts à l’affronter avec la loi en main, sur la base de l’arrêt de la CJUE », ont-elles souligné, après avoir reconnu que Bruxelles « prépare de nouvelles manœuvres pour voir s’ils peuvent parvenir à un nouvel accord UE-Maroc sur les ressources sahraouies avant octobre, date limite pour l’accord agricole actuel. »
Les verdicts d’octobre 2024 sont les derniers d’une série de dix arrêts dans lesquels la Cour a systématiquement statué que les accords entre l’UE et le Maroc ne peuvent s’appliquer au Sahara occidental sans le consentement du peuple de ce territoire.
Le Polisario appelle cependant également les agriculteurs européens à prendre part au combat. « Les agriculteurs espagnols, portugais et d’Europe du Sud en général doivent se mobiliser pour faire face à ce dumping pratiqué en catimini par le Maroc et certains pays complices de l’Union européenne », rétorque un responsable du mouvement sahraoui.
En juillet dernier, deux organisations professionnelles ibériques ,la Fédération des Consommateurs et Usagers et la Coordination des organisations d’agriculteurs et d’éleveurs COAG, ont déposé une plainte auprès de la Direction générale de la consommation du ministère des Droits sociaux, de la Consommation et de l’Agenda 2030 concernant le prétendu non-respect de la réglementation sur l’étiquetage des tomates cerises vendues dans les établissements de l’une des principales chaînes de distribution en Espagne et vendues par Azura, une entreprise qui cultive des tomates cerises dans plus de 400 hectares de serres situées au Sahara occidental.
Ces produits sont vendus dans les supermarchés de toute l’Union européenne avec des étiquettes indiquant « Maroc » comme pays d’origine, y compris dans les magasins Carrefour en Espagne. Dans leur plainte, la CECU et la COAG ont demandé une enquête sur cette pratique et, si des irrégularités sont identifiées et confirmées, que les entreprises responsables soient sanctionnées pour fraude potentielle à la consommation.
Des avertissements émanent également d’organisations de défense des droits humains. Western Sahara Resource Watch accuse Bruxelles d’avoir « torpillé » l’arrêt de la CJUE.
« Toute négociation commerciale ou mécanisme de surveillance ne peut être crédible que s’il garantit la pleine participation du Front Polisario, reconnu par la Cour de justice de l’UE comme représentant du peuple sahraoui et légitime devant la Cour pour défendre son droit à l’autodétermination », insiste Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch .
Et de poursuivre « Sans la participation du Front Polisario, ces mécanismes et négociations négligent les populations dont les droits sont en jeu et ne rempliraient pas l’obligation de l’UE de respecter l’autodétermination. Nous exhortons les États membres de l’UE à rejeter toute proposition de la Commission utilisant le concept de “consentement présumé” pour contourner le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. L’UE doit respecter le droit international et ne pas récompenser les pires violations de l’ordre juridique international. »
La WSRW avait précédemment averti que Bruxelles et Rabat discutaient de « moyens de contourner les décisions de la Cour sur le Sahara Occidental ». Parmi les propositions en discussion figuraient des mécanismes permettant de prétendre que le peuple sahraoui bénéficiait des échanges commerciaux entre l’UE et le Maroc, tout en évitant l’obligation d’obtenir son consentement. « La nouvelle demande de mandat de la Commission semble directement inspirée de ces idées », préviennent-ils.
Le Comité des représentants permanents (COREPER) examinera la proposition le 10 septembre. Une majorité qualifiée au Conseil suffira pour que les négociations avancent, même si tout accord final nécessitera l’approbation du Parlement européen. Bruxelles travaille contre la montre. Le protocole actuel expire le 4 octobre 2025. Sans accord avant cette date, les produits agricoles et halieutiques du Sahara Occidental seraient exclus des avantages tarifaires. Rabat fait pression pour empêcher cela.