Les jeunes marocains révoltés contre la corruption et la spoliation de leurs droits légitimes et la stratégie de la monarchie visant à neutraliser les élites politiques, sont parvenus à briser le mur du silence et à surmonter la peur dans un contexte de colère populaire croissante.
Cette situation a poussé le Makhzen à recourir à une rhétorique confuse et à des instruments politiques usés et rejetés par une rue en ébullition.
Depuis plus d’une semaine, le mouvement de la jeunesse protestataire, actif dans plusieurs villes du Maroc, a réussi à rompre le silence imposé à la population et faire entendre sa voix.
Ce mouvement a catégoriquement refusé tout dialogue avec un gouvernement désavoué, accusé d’avoir trahi ses engagements et multiplié les promesses non tenues, estimant que “le temps des manœuvres politiques est révolu et que celui des comptes et de la reddition est venu”.
Tout en exprimant sa perte totale de confiance envers le gouvernement, accusé de négliger les revendications sociales du peuple au profit de ses propres intérêts, la jeunesse a également pointé la responsabilité partagée des partis politiques, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, pour leur silence et leur absence de contrôle ou de défense des droits des citoyens.
Affirmant que sa voix n’est pas une simple explosion de colère passagère, le mouvement a présenté une série de revendications pour des réformes globales, appelant notamment à lier la responsabilité à la reddition de comptes et à sanctionner tout responsable défaillant dans l’exercice de ses fonctions.
Le président du Mouvement marocain Tawhid wa Islah (Unicité et Réforme), Aous Remmal, a indiqué que “la confiance ne se reconquiert pas par des paroles, mais par des résultats tangibles dans la vie quotidienne des citoyens”, appelant à rompre avec la logique d’un “gouvernement d’hommes d’affaires” qui mesure ses succès à l’aune des marchés et des profits, plutôt qu’au niveau de la justice sociale et de la dignité des citoyens.
Pour sa part, le Réseau marocain de l’alliance civile pour la jeunesse a dénoncé “le ton hautain et provocateur de certains ministres, ainsi que la diffusion de contre-vérités”, estimant que cette attitude ne fait qu’alimenter la tension.
La même source a jugé “injustifiée la stratégie sécuritaire déployée face à des manifestations pacifiques, pourtant garanties par la Constitution”.
Le Makhzen s’est vu contraint -après plus d’une semaine de manifestations enflammées- de sortir de son silence, publiant des communiqués “maladroits dans la forme et le fond” pour exprimer sa compréhension des revendications de la jeunesse, selon l’écrivain marocain Anas Ben Saleh.
Dans un article diffusé par plusieurs médias locaux, il a souligné que “ces déclarations creuses, tout comme les propos du chef du gouvernement et de ses responsables, n’ont pas apaisé la colère bouillonnante dans les veines de milliers de jeunes éclairés”, ajoutant que le “séisme profond” provoqué par cette jeunesse contestataire dans le paysage politique marocain “stagnant” a de nouveau placé le système du Makhzen face à ses responsabilités envers le peuple.
Il a affirmé que “la stratégie du silence des tombeaux face aux troubles sociaux n’est plus efficace et que la surdité volontaire face aux revendications des citoyens, leur répression et la confiscation de leur droit d’expression, tout comme la rhétorique de la trahison et de la subversion, ne permettront plus de museler la population, car le mur de la peur et de la soumission s’est effondré”.
De son côté, l’écrivain marocain, Abdelkader El Afsassi, a affirmé, dans un article publié sur plusieurs plateformes médiatiques, que les manifestations représentent “une illustration vivante et directe de l’effondrement du récit officiel”, soulignant que “les systèmes au pouvoir ont réussi, pendant des décennies, à construire un consensus silencieux, non pas uniquement par la répression, mais aussi en créant un réseau complexe d’institutions intermédiaires jouant le rôle de soupapes de sécurité”.
El Afsassi a précisé que “ce que réclame cette génération n’est pas une simple série de réformes techniques dans l’éducation ou la santé, mais bien la destruction des idoles”. “Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas la fin de l’histoire, mais peut-être son véritable commencement (… ). Il annonce clairement que l’ancien modèle est mort, même si son cadavre continue encore de nous gouverner”, a-t-il conclu.