Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a confirmé ce mardi au président des îles Canaries que la région serait absente aux discussions de la réunion de Haut niveau marcoco-espagnole qui setiendra les 3 et 4 décembre à Madrid.
Le président du gouvernement des îles Canaries, Fernando Clavijo, a déploré aujourd’hui mardi que le gouvernement central ait exclu leur participation à cette joute prévue les mercredi et jeudi, dans un contexte marqué par les ambitions expansionnistes de Rabat concernant les eaux des Canaries et leur frontière maritime avec le Sahara Occidental occupé .
Clavijo a déclaré que le ministre des Affaires étrangères, le socialiste José Manuel Albares, lui avait confirmé ce matin que le gouvernement des îles Canaries serait exclu , malgré son insistance écrite sur la pertinence de la participation de l’archipel au sommet. Le ministre estime toutefois que, bien que les questions relatives aux îles Canaries soient abordées, celles-ci relevant de la compétence du gouvernement central, les îles Canaries ne devraient pas y être incluses, a indiqué Clavijo.
Selon Clavijo, cette exclusion est non seulement injustifiée, mais elle contrevient également à l’accord conclu dans le cadre de ce qu’on appelle « l’agenda des îles Canaries ». Il ajoute que le gouvernement central se contente de garantir la participation des îles à des groupes de travail « qui ne sont jamais réellement constitués ». « Par souci de transparence et de cohérence, nous devons être présents pour savoir ce qui est discuté », a-t-il affirmé.
L’absence des îles Canaries intervient à un moment particulièrement délicat, alors que les eaux adjacentes sont au cœur du différend diplomatique entre les deux pays. Ces derniers jours, le régime du Makhzen a publié une liste de revendications visant directement l’archipel, exigeant le transfert de l’espace aérien saharien contrôlé depuis les Canaries et des eaux proches des îles, riches en minéraux stratégiques et en terres rares, que l’Espagne revendique depuis des années.
Rappelons, que la tactique du régime du Makhzen consiste à légiférer unilatéralement, à exercer des pressions diplomatiques et à imposer des interprétations extensives de son domaine maritime, misant sur l’absence de réaction de l’Espagne pour transformer ces mesures en faits accomplis.
Faiblesse de Pedro Sanchez et gabegie du Makhzen
Trois ans après la dernière réunion de haut niveau et suite au changement de position historique du gouvernement sur le conflit du Sahara Occidental ,une décision qualifiée par tous les partis espagnols, à l’exception du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol), le Maroc arrive à cette réunion avec une liste de nouvelles exigences .
Le Maroc, de son côté, aspire à consolider, avec le soutien du gouvernement espagnol, son contrôle sur le Sahara Occidental et la zone maritime environnante.
Il le fait en se fondant sur des raisons de sécurité, convaincue comme le soutiennent les partis politiques et experts espagnols qu’il ne trouvera plus jamais à Madrid un gouvernement aussi favorable à ses intérêts que celui de Sánchez, une position unilatérale qui a suscité des critiques et des condamnations non seulement du Parti populaire (PP), mais aussi de ses partenaires de coalition (Sumar) et de ses alliés au Parlement (Parti nationaliste basque, Gauche républicaine de Catalogne et Bloc nationaliste galicien) . « Le Maroc doit croire, à juste titre, avec une certitude absolue, qu’une telle situation de politique étrangère, avec un Premier ministre aussi favorable au Maroc, ne se reproduira plus jamais », a déclaré Alejandro del Valle, professeur de droit international à l’Université de Cadix et expert reconnu des relations hispano-marocaines, toujours tumultueuses, interrogé par le média espagnol El Independiente .
« Il faut garder à l’esprit que Sánchez mène une politique étrangère totalement autoritaire envers le Maroc, sans consulter l’opposition, sans obtenir de consensus interne, sans dialogue avec l’organe de souveraineté nationale, sans respecter le plan de politique étrangère et sans en débattre au Parlement. Le Maroc sait qu’une telle situation ne se reproduira pas dans les années à venir et entend exploiter cette affinité de notre président du Conseil, qui ressemble davantage à Mohammed VI que Mohammed VI lui-même, pour tenter d’obtenir le maximum sur des questions illégales, comme l’espace aérien au-dessus du Sahara, sur lequel nous n’avons aucun droit de transiter quoi que ce soit, et sur des questions maritimes totalement illégales ou quasi-légales, fondées sur des présomptions erronées », affirme Del Valle.
Le Maroc doit légitimement croire, avec une certitude absolue, qu’une situation de politique étrangère de cette ampleur, avec un Premier ministre aussi favorable au Maroc, ne se reproduira plus jamais.
Le Maroc arrive avec une conviction inébranlable et son propre calendrier. Il estime que le moment est venu d’avancer, car il sait qu’il est peu probable de trouver un autre Premier ministre espagnol vulnérable, faible et aussi réceptif à ses propositions.
Ces dernières semaines, la presse inféodée au régime makhzenien a publié une liste de ses revendications, telles que la cession du mont sous-marin Tropique , extension des îles Canaries riche en minéraux critiques et en terres rares ; à la délimitation des eaux, le Maroc occupant celles du Sahara Occidental, territoire autonome dont l’Espagne conserve de jure l’administration et donc, sur la carte, les eaux espagnoles ; jusqu’à l’espace aérien au-dessus du Sahara Occidental, géré depuis les îles Canaries.
Par ailleurs,ilfaut souligner que le chef de la diplomatie espagnole Albares a admis auprès d’Atalayar un média madrilène proche du régime du Makhzen avoir entamé des négociations secrètes avec Rabat concernant le transfert de l’espace aérien au-dessus du Sahara Occidental.
Fin 2018, des sources fiables ont indiqué que 15 % et 20 % de l’espace aérien sahraoui géré depuis les îles Canaries conformément aux dispositions de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), agence des Nations Unies chargée de la supervision de l’aviation civile internationale – était déjà de facto contrôlé par le régime alaouite. Les autorités marocaines ont instauré des zones d’exclusion aérienne pour de prétendus exercices militaires, tels que des tirs d’entraînement, qui ont progressivement empiété sur l’espace aérien et modifié les cartes reconnaissant le contrôle espagnol de l’espace aérien du Sahara occidental en vertu du droit international et son statut de territoire non autonome en attente de décolonisation.
Outre l’espace aérien sahraoui, l’occupant marocain s’est fixé comme défi la frontière maritime atlantique, l’extension du plateau continental, les zones économiques exclusives, l’exploration et l’exploitation future du mont sous-marin Tropique.
Au sud-ouest des îles Canaries, la chaîne de montagnes de Las Abuelas recèle d’importantes ressources en tellure, cobalt et terres rares, éléments essentiels à la transition technologique mondiale. L’Espagne soutient que cette formation géologique est un prolongement des îles Canaries et a demandé aux Nations Unies d’étendre son territoire maritime à 350 milles marins.
« la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer oblige l’Espagne à ne pas prendre de décisions concernant les territoires en cours de décolonisation qui ne profitent pas à leurs habitants d’origine ».
Juan Soroeta, professeur espagnol de droit international public, ajoute, à titre d’avertissement : « Tout accord entre l’Espagne et le Maroc concernant les eaux ou l’espace aérien sahraouis serait nul et non avenu sans le consentement exprès du peuple sahraoui, car il violerait le droit à l’autodétermination, qui est une norme impérative. » « Le caractère impératif de ce droit a été confirmé en octobre 2024 par la Cour internationale de Justice. Le Sahara Occidental ne fait pas partie du Maroc , et sa délimitation ne peut être négociée sans la participation de sa population », insiste-t-il.
Le sommet se déroule en coulisses. Rabat, qui a instrumentalisé les migrations et la lutte contre le terrorisme et le trafic illicite au cours de la dernière décennie, durcit sa position et exige de nouvelles concessions.