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December 8, 2025

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Xavier Driencourt et l’Algérie

Par Djeha

L’ancien ambassadeur français en Algérie a publié un article dans le Figaro hier. Il mérite une lecture, une analyse et un décryptage contextualisé.

Xavier Driencourt et l’Algérie

Le Figaro, L. 09 janvier 2023

 Le problème.

« L”Algérie nouvelle’, selon la formule en vogue à Alger, est en train de s’effondrer sous nos yeux et qu’elle entraîne la France dans sa chute. » « … plus fortement et subtilement que le drame algérien n’avait fait chuter, en 1958, la IVe République. »

Démonstration.

« L’Algérie va mal, beaucoup plus mal que les observateurs ou les rares journalistes autorisés le pensent »

            1.- A quoi le voit-il ?

« Sont aujourd’hui dans les prisons algériennes non seulement les politiques, fonctionnaires et militaires liés à l’ancien régime – et auxquels l’Armée nationale populaire doit son statut actuel -, mais aussi les journalistes. » « Des associations comme Caritas, fondé par l’Église catholique avant 1962, sont dissoutes. »

« Les choix désastreux de 1962, la crise économique, la corruption née de la rente pétrolière, le découragement non seulement des élites des grandes villes du Nord, mais aussi du peuple des campagnes et de l’Algérie profonde, découragement stimulé par la générosité de la France, font qu’à ce rythme-là peu de gens resteront en Algérie. »

Des arguments ultra usés, datant de bien avant l’indépendance (par le colonat et l’OAS qui alertait sur les conséquences de la faiblesse de Paris, dès le début des négociations d’Évian), repris depuis régulièrement, y compris par une partie des opposants algériens, plus nettement depuis 1965.

            2.- Conséquences : la France va être envahie et déstabilisée.

« 45 millions d’Algériens n’ont qu’une obsession : partir et fuir. Partir où, si ce n’est en France. »

            3.- La solution.

« Pourquoi ne pas s’en tenir à une ligne de fermeté, la seule que l’Algérie comprenne, le rapport de force, plutôt que l’angélisme. »

Contre-analyse.

– Sans doute la situation algérienne n’est pas paradisiaque.

– Il est entendu que l’accroissement des prix des matières premières, à la faveur de la crise ukrainienne et de la reprise économique consécutive à la fin des perturbations qui ont affectées les chaînes logistiques à la suite de la pandémie pendant deux ans, donne une respiration (provisoire) à l’économie algérienne et à la politique budgétaire du gouvernement qui sait bien que la politique sociale est la pierre de touche de la stabilité du pays ;

– Bien sûr, la politique économique algérienne demeure obscure et confuse, oscillant entre ouverture libérale à la turque ou à la chinoise et contrôle des pans stratégiques de l’économie sans planification ni objectifs clairs.

Mais décrire l’Algérie comme un vaisseau en perdition que les 45 millions d’habitants ne rêvent que quitter pour franchir la Méditerranée et se réfugier en France, reste un délire postcolonial dont fantasmaient les pieds noirs avec cette amertume d’anciens colonisateurs qui n’ont rien appris : « Après notre départ, ils vont se bouffer entre eux. »

La situation algérienne n’a rien à envier à celle des pays voisins régulièrement donnés pour modèle.  Nous ne dirons par amitié rien de l’état de la Tunisie. La monarchie à l’ouest, soutenu par les États-Unis, Israël (et donc) par l’Union Européenne, est portée à bout de bras par les finances internationales et pétromonarchiques. Les Marocains importent l’essentiel de leur nourriture et s’endettent pour devenir l’arrière cours de l’industrie européenne et notamment française qui perd l’essentiel de ses usines.

Ce modèle de développement, très dépendant des capitaux transnationaux, n’a que peu d’avenir. Les compétences marocaines, comme leurs footballeurs, fuient à l’étranger et l’émigration majoritairement algérienne depuis des décennies est largement débordée par les sujets de sa Majesté qu’on voit partout en Europe.
C’est en Europe que les manifestations se multiplient et contestent les ordres politiques établis. Le gouvernement français, minoritaire, particulièrement impopulaire va faire face dans les semaines et les mois à venir à des vagues de contestations jaunâtres qui devraient davantage préoccuper l’ancien diplomate à la retraite.

Avec un peu plus d’intelligence et de fermeté politique qui aurait remis le système colonial vorace à sa place, dans les années 1930, la France aurait pu se maintenir en Algérie. Les « patrons » de l’Algérie française ont fait la pluie et beau temps à Paris jusqu’en 1958 contre les intérêts de la France.

Il y avait des « élites » algériennes qui ne demandaient que cela. F. Abbès le déclarait ouvertement alors (23 février 1936) avant son revirement acrobatique plus tard qui le portera à la tête du GPRA.

Imagine-t-on la puissance française de Lille à Tamanrasset si les lois Blum-Violette avaient permis une totale égalité de droit entre tous les habitants en Algérie avant 1945 ?

Ce sont les mêmes qui ont détruit toute possibilité de coopération mutuellement avantageuse entre la France et l’Algérie souveraine. Et qui continuent de la saper méticuleusement aujourd’hui.

Et toujours les mêmes qui excluent les jeunes des banlieue d’une réelle citoyenneté et les pousse dans les bras de leur pays qui -contre les intérêts de l’Algérie- ne fait grand chose pourtant pour se les concilier.

Il n’y a pas qu’en France que prolifèrent les imbéciles.

Les mots, le raisonnement et les arguments de Xavier Driencourt en portent la marque. La couleur de ses pieds ne souffre d’aucune ambiguïté.

Pourquoi aujourd’hui ?

L’armée française dès la fin des années 1940 a basculé dans l’atlantisme sous contrôle américain. On l’observe dans deux circonstances.

– D’abord au Viêt-Nam, jusqu’en mai 1954 la France y faisait une guerre par délégation. Les États-Unis fournissaient l’essentiel de l’aide militaire. La déroute de Dien-Bien-Phû a donné le relais aux troupes américaines.

La France y a perdu une précieuse présence en Asie. Le démantèlement de l’Empire avait commencé. Pourtant, avant la défaite prévisible, l’Oncle Hô était venu à Paris exposer un projet opportun qui aurait préservé l’influence française. Personne ne l’a reçu.

– Ensuite en Algérie. Le statut militaire du Général et son uniforme, purement décoratif, a abusé les généraux français et leurs amis américains qui ont oublié que de Gaulle n’était plus un soldat depuis le « 18 juin ». Ils croyaient « avoir été compris ».

D’où la tentative de putsch en avril 1961. Trop tard ! L’Algérie était perdue pour eux et pour la France malgré le « il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants: il n’y a que des Français à part entière, des Français à part entière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. »

Aujourd’hui, toute la « classe politique » française a rejoint les généraux qui défilent sur les plateaux de TV. Tout le monde est derrière l’Amérique contre la Russie.

Le papier de l’ancien ambassadeur peut s’expliquer par les liens entre la Russie et l’Algérie qui demeure non alignée, c’est-à-dire non alignée derrière Washington.

Ce qui revient à demeurer comme tous les membres de l’organisation née à Bandung en 1955, derrière la Russie et la Chine qui n’ont jamais colonisé personne.

La France, pour son malheur et contre la mémoire du Général dont hypocritement tout le monde se réclame, y compris ceux qui l’auraient volontiers occis (ils ont essayé), se range sagement derrière les Yankees.

Tant pis pour eux.

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