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ANALYSE, DÉCRYPTAGE

De l’importance d’une industrie cinématographique algérienne

Le 7ème art n'est pas un art comme les autres et son impact n'est pas anodin, l'on pourra même dire qu'il est immédiat, que son message soit subliminal ou manifeste.

Par Mil Boumaza

Le 7ème art n’est pas un art comme les autres et son impact n’est pas anodin, l’on pourra même dire qu’il est immédiat, que son message soit subliminal ou manifeste.

Une expérience s’est par exemple proposée d’étudier les réactions de téléspectateurs au sortir de films violents (épouvante, etc) et sentimentaux. Les premiers auraient pour effet de faire ressortir l’agressivité véhiculée ou de susciter des réflexes égoïstes, sans doute induits d’instincts de conservation suite à des scènes morbides. Quant aux seconds, ils seraient plus enclins aux actions altruistes (accompagner des personnes âgées traversant des voies, faire l’aumône spontanément, etc).

Un cas d’étude : Le cinéma d’Hollywood au service de la propagande états-unienne

Un peu plus d’un siècle après que les réalisateurs Griffith et Cecil B. De Mille eurent décidé de s’installer dans un quartier de Los Angeles, inaugurant l’une des plus grandes pages de l’histoire du cinéma étasunien, le mythe Hollywoodien est toujours vivace dans l’esprit non seulement du cinéphile averti mais également du grand public.

Or, outre la fascination qu’exerce encore aujourd’hui son industrie du rêve et du spectacle, Hollywood a accompagné et largement contribué au façonnement de l’Histoire des États-Unis, servant par ailleurs son idéologie, pour ne pas sa propagande d’un capitalisme triomphant.

De nombreuses productions cinématographiques états-uniennes sont ainsi le reflet des différentes phases et étapes de l’histoire des États-Unis et des préoccupations du peuple américain, ou encore de ses états d’âme.

Des années 1920 au début des années 1960, notamment à travers ses superproductions et ses westerns grand public, c’est le modèle d’une Amérique triomphante, conquérante et confiante qui est véhiculé et qui a grandement contribué à la diffusion d’une soft power irrésistible propagée dans le monde entier et gagnant même des États supposés ennemis.

Le western, particulièrement, aura permis d’exalter le courage, la ténacité, les valeurs du travail du pionnier américain, concourant ainsi à l’élaboration de l’idéal américain du self-made man.

Outil de propagande, Hollywood a porté à l’écran la lutte de l’Occident, des États-Unis en particulier, contre le nazisme et plus tard le combat idéologique de l’Amérique capitaliste contre le communisme soviétique.

Notons à cet égard, une dérive autocratique dans cette confrontation et qui constitue en soi un tournant dans l’histoire des États-Unis écornant son image démocratique et libertaire. Les réalisateurs et acteurs progressistes furent alors victimes d’une véritable chasse aux sorcières durant la période macarthytiste.

Les années 1960 et plus particulièrement les années 1970, à la suite de scandales politiques (Watergate), l’assassinat du président Kennedy et sans doute surtout après la défaite subie au Vietnam, une véritable crise morale secoue l’opinion publique américaine, qui doute dès lors des « valeurs civilisationnelles » sensées incarnées dans le fameux concept de « manifest destiny ».

S’en est suivi une période de repli, que rompt Ronald Reagan, un ancien acteur… de western, avec une nouvelle orientation stratégique (ingérence extérieure, poursuivie jusqu’à nos jours), et une réactualisation de la nouvelle frontière de Kennedy symbolisée par sa fameuse « guerre des étoiles ». 

A la chute du mur de Berlin, et le recul de la puissance russe, l’Empire dut se trouver un nouvel ennemi pour donner du grain à moudre à sa machine de propagande et à son complexe militaro-industriel. Le choc des civilisations est ainsi né et l’Islam en général, l’Arabe en particulier, devenaient l’objet des attaques dans les médias tous supports confondus.

Le cinéma entre autres aura contribué à l’image désastreuse de l’Arabe par son traitement soit sous la forme d’un émir du pétrole multimilliardaire aux caprices extravagants, aux goûts d’une ridicule excentricité et aux pulsions tyranniques, soit sous le prisme racialiste présentant les Arabes comme un peuple sous-développé, barbare, violent, en bref le pendant quasi symétrique des Commanches, Cheyennes et autres Sioux des vieux westerns stéréotypés.

Une industrie cinématographique algérienne, reflet de la nouvelle Algérie

Bien que récent le cinéma algérien n’en est pas moins dépourvu d’une histoire et de prix internationaux prestigieux avec des films emblématiques devenus cultes et véritables références ayant marqué le 7ème art.

Ces acquis ajoutant à l’immense patrimoine national, celui-ci doit être renforcé au travers d’un institut ou une académie du cinéma pour une production de qualité mais également et surtout pour promouvoir la culture, les valeurs, l’histoire de l’Algérie. Cependant une industrie du cinéma ne saurait éclore et prospérer sans un réseau de distribution de qualité et la création de cinémas et de megaramas de haut standing avec des restaurants, des cafés à proximité pour offrir un meilleur confort et expérience culturelle et sociale.

Nous avons évoqué en introduction l’importance du cinéma, notamment son impact sur le comportement des individus, voire le façonnement de leur pensée. Partant de cette observation, sans doute serait-il opportun d’engager une réflexion sur une spécificité algérienne du cinéma algérien en accord avec la culture et les valeurs civilisationnelles du pays (son ADN) et pourquoi pas une esthétique algérienne.

Quelle société voulons-nous bâtir, quel citoyen voulons-nous former et quel cinéma et donc quelle image de l’Algérie souhaitons-nous projeter et exporter, à l’instar du bollywood indien, des mangas japonais,  des productions turques ou chinoises, etc ? Autant de questions et de pistes de réflexion sur lesquelles une attention particulière doit être portée.

La nouvelle Algérie étant en cours de construction, une partie des productions cinématographiques devrait, à notre sens, être orientée pour accompagner cette dynamique et contribuer à la proposition d’un modèle de société et à son amélioration en dénonçant ses travers, ses tares, ses excès, etc.

Ces productions ne sauraient en aucune manière servir à éveiller les bas instincts des spectateurs à l’instar des films occidentaux dont la violence à outrance et le sexe semblent constituer des ingrédients nécessaires. Le but n’est pas de suivre le goût du vulgaire mais pour ainsi dire d’élever les mœurs et non les pervertir. 

Une prédominance de « soap opera » et de spectacles de divertissement dans le paysage audiovisuel ne nous semble pas souhaitable. Voudrions-nous une société oisive ou plutôt cultivée ? C’est dans ce sens que le film historique doit figurer en bonne place non seulement pour mettre en avant la riche culture algérienne avec une attention particulière sur les décors (souci du détail vestimentaire, culinaire, architecturale, etc) mais également pour rétablir des vérités historiques. Ceux-ci doivent galvaniser le téléspectateur, et exalter le patriotisme, l’héroïsme ; et à l’inverse, dépeindre et amplifier dans toute sa laideur et son ignominie le traître (harki ou néoharki) afin qu’il soit honni de tous et execré au plus haut degré.

Est-ce à dire qu’il ne devrait y avoir uniquement que des films « à messages » ou à caractère didactique et éducatif, etc. Cela n’est certes pas le propos et cela va à l’encontre de la créativité. Tous les genres, représentant toutes les facettes de la vie et de la réalité humaine et sa diversité doivent explorés, hormis ceux que la morale proscrit. 

A ce propos, une adaptation du code Hayes à la réalité culturelle algérienne doit être élaborée afin de ne pas verser dans les excès des productions occidentales (explosion de violence, sexe, etc, suite à l’abrogation du code fin 1969), notamment ceux qui heurtent la morale et vont à l’encontre de la culture et des valeurs algériennes. 

Au passage nous réfutons l’idée « d’esthétique de la violence », celle-ci est bien plutôt une déviance et un échec des relations humaines. Il n’y a qu’à voir ses nombreux exemples dans l’histoire coloniale passée et présente avec les cas palestinien et saharaoui. Rien n’est plus laid et odieux.

Aussi, toutes les facilités et aides doivent être octroyées afin de procurer un environnement propice à la créativité du génie algérien dans tous les genres cinématographiques, reflétant son originalité :

– films d’aventure : pirates (issu de notre patrimoine), nos décors avec ses côtes somptueuses se prêtant aisément à ce genre et notre histoire multimillénaire procurant des thèmes inépuisables de la période phénicienne à la résistance à l’occupation en passant par la Numidie, et qui donnerait naissance au péplum algérien, ou encore au « western », plus précisément à un « southern » algérien relatant, romançant, voire imaginant une « Conquête du Sud », avec en lieu et place des cow-boys, des méharistes ou de fiers et intrépides cavaliers du désert chevauchant de majestueuses montures barbes. Le désert offre également un décor idéal mêlant aventures fantastiques dignes des mille et une nuits à l’époque plus ou moins moderne. Seule l’imagination constituerait une limite à la créativité.

– Science fiction : ici encore, le désert avec ses décors irréels et les mystérieuses gravures du Tassili sont propres à inspirer diverses « hypothèses » de visiteurs extraterrestres dans notre grand Sud, d’autant qu’un objet céleste, l’un des plus vieux ayant heurté la Terre et datant de milliards d’années, s’est écrasé dans notre Sahara. 

– le film d’animation et plus globalement une chaîne pour enfants avec des programmes éducatifs (science, culture, histoire, découvertes, etc) avec des équipes et des concepteurs algériens est plus que recommandée, à plus forte raison dans ce contexte de déliquescence des mœurs et où des programmes, sensés destinés aux plus jeunes dans les pays occidentaux (Disney, sans parler de Netflix), promeuvent des idées LGBT dans des dessins animés et des séries.

Comme dans le domaine économique, tous les champs sont propices et ouverts à la créativité car tout ou presque est à faire, à bâtir, notamment dans la nouvelle Algérie où tout un chacun a sa place.

Mais ce qu’il y a de plus inspirant et enthousiasmant, c’est que le génie algérien est susceptible, nous dirions destiné à produire des œuvres originales, et proposer, loin du miroir aux alouettes du « rêve américain » une autre éthique et un autre système de valeurs : le rêve algérien.

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