L’organisation Human Rights Watch a publié, le 12 octobre, à Beyrouth, un rapport accusant les forces armées israéliennes d’utiliser des bombes au phosphore blanc à Gaza et au Liban, les 10 et 11 octobre. HRW en apporte la preuve par des videos et des témoignages qui montrent de multiples explosions aériennes sur la ville de Gaza et sur deux zones rurales le long de la frontière Israël-Liban.
L’utilisation des bombes à phosphore blanc par les forces armées israéliennes viole la loi humanitaire internationale qui veut que les parties en conflit prennent toutes les précautions pour protéger les civils.
En 1980, en effet, l’usage des munitions incendiaires contre les populations civiles est interdit par une convention des Nations unies ainsi que par le droit humanitaire international, prenant sa source dans les Conventions de Genève, qui proscrit toutes armes ne faisant pas la distinction entre les civils et les combattants. Cependant, les textes entretiennent un certain flou.
Le phosphore blanc, comme le napalm, est une substance chimique utilisée dans les obus, les bombes et les roquettes, qui s’enflamme lorsqu’elle est exposée à l’oxygène et dégage une température de 815°C.
Les armes incendiaires comme les bombes à phosphore ne sont pas explicitement interdites par la loi internationale ni considérées comme des armes chimiques car elles agissent par la chaleur et le feu et non par toxicité chimique. Le phosphore blanc provoque des brûlures profondes. Si tous les fragments ne sont pas enlevés de la blessures, ils peuvent à nouveau s’enflammer au contact de l’oxygène. Les personnes qui survivent à leurs blessures – une brûlure de 10 % du corps est fatale – en subissent toute leur vie les conséquences physiques et psychologiques.
Les débris au sol sont, également, un danger permanent pour les populations civiles. Ces armes ont été utilisées au cours de l’histoire des guerres modernes pour brûler les structures civiles, les récoltes ou tuer le bétail et les populations civiles dans diverses parties du monde L’utilisation par les forces militaires israéliennes du phosphore blanc pose à nouveau, selon HRW, la question du réexamen du statut et de la pertinence du Protocole III de la Convention sur les armes conventionnelles (CCW) actuellement la seule loi dédiée à l’utilisation des armes incendiaires.
La Palestine et le Liban sont signataires du Protocole III, tandis qu’Israël ne l’a pas ratifié. Le Protocole III interdit l’utilisation des bombes incendiaires dans les zones de « concentration de population », comme Gaza.
Cependant, il n’interdit pas totalement les bombardements dans ces zones, d’une part, et, d’autre part, il considère comme armes incendiaires les armes dont « la première fonction » est de brûler les biens et les personnes, excluant, donc les munitions multifonctions si elles sont utilisées comme écran de fumée, même si elles provoquent les mêmes effets incendiaires. « Human Rights Watch, comme de nombreux États signataires de la CCW, recommande de combler ces lacunes et de renforcer les restrictions d’utilisation des armes incendiaires sol-sol » rappelle HRW.
L’organisation humanitaire soutient totalement l’appel aux États signataires à discuter de cette question lors de la réunion de la Convention sur les armes conventionnelles (CCW), en novembre prochain.
Les États-Unis qui n’ont signé la convention qu’en 2009, ont utilisées les munitions incendiaires dans toutes les guerres qu’ils ont provoquées ou menées dans le monde, de juin 1944, dans le Pacifique pour la prise de l’île de Tinian, pendant la bataille de Normandie (Saint-Nazaire), sur les villes allemandes (Berlin, Hambourg, Dresde) et japonaise, contre l’Armée démocratique de Grèce, en 1949, ou encore pendant la guerre de Corée et jusqu’en Irak, à Falloujah, en novembre 2004 malgré la présence de la population civile, en passant, bien sûr par le Vietnam dont le nord fut dévasté dans le cadre de la « stratégie de la terre brûlée ».
On se souviendra, notamment, de la photo qui fit scandale à l’époque, de « la petite fille au napalm », la jeune vietnamienne Phan Thi Kim Phuc. L’armée française a utilisé, également, le napalm en Indochine, pour la première fois, lors de la bataille de Vinh Yên, le 17 janvier

Elle en a fait une arme de destruction massive en Algérie, dès 1956, et dans le cadre du Plan Challe, dans les Aurès particulièrement, de 1959 à 1962. Elle vise, alors, « des structures diverses, des rassemblements de troupes, des grottes, des villages qui auraient dû être vides et parfois des convois terrestres », selon les historiens Renaud de Rochebrune et Benjamin Stora (La guerre d’Algérie vue par les Algériens – tome 2, Ed.Denoël, 2016) Ce n’est pas la première fois que les Israéliens, utilisent ces munitions. Selon HRW, du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009, pendant l’opération « Cast lead » (Plomb durci), Tsahal a tiré environ 200 bombes au phosphore sur les zones peuplées de Gaza.
Elles ont utilisé des projectiles de 155mm M8225E1 qui ont la particularité de disperser les projectiles dans un rayon de 125 mètres, dans toutes les directions.
Le ministre israéliens des Affaires étrangères avait déclaré, alors, qu’il s’agissait de tir-écrans de fumée. Cependant, HRW avait constaté des dizaines de blessés dans les six sites où l’organisation avait enquêté, dont des infrastructures civiles tels qu’une école, un marché, un entrepôt de matériel humanitaire et un hôpital.En 2013, en réponse à une plainte devant la Haute Cour de Justice israélienne sur les attaques contre Gaza, l’armée a déclaré qu’elle n’utiliserait plus de phosphore dans les zones peuplées, à l’exception de deux situations qu’elle ne révélerait qu’à la justice. Selon la juge Edna Arbel, les conditions « rendraient l’utilisation du phosphore blanc extrêmement exceptionnelle dans des circonstances très particulières ». Elle appelait Tsahal à mener « une enquête approfondie et complète » et à adopter une directive militaire permanente.
Source: https://www.hrw.org/news/2023/10/12/questions-and-answers-israels-use-white-phosphorus-gaza-and-lebanon