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Le supplice palestinien et la lobotomie médiatique occidentale

Par Betchine Islam Abdessamad

Depuis l’attaque du « Déluge d’al Aqsa » le 7 Octobre par la résistance palestinienne à leur tête le Hamas, Nous assistons à une énième tragédie palestinienne et un carnage génocidaire abominable, sous le consentement de la majorité des pouvoirs occidentaux, maintenu et imposé par les Etats-Unis. Retour sur ce discours occidental dont les termes principaux révèlent nombre de barrières réelles ou artificielles. 

Ethnocentrisme

Amin Maalouf affirmait à une époque que  l’Occident ne voulait pas qu’on le suive, mais qu’on lui obéisse. ( Les identités meurtrières ). Ce n’est pas au nom de grandes valeurs humanitaires que les coalitions se forment, c’est au nom d’une soif inextinguible, celle du pouvoir sur les êtres et les peuples. D’aucuns croyaient que l’ère coloniale était révolue, cependant la complicité et l’ambiguïté à la faveur du Golem colonial et sioniste ( la seule démocratie du Moyen-Orient ) est flagrante et insoutenable. Cette posture délirante est le fait d’une oligarchie qui veut imposer au monde une dictature de la pensée et un seul mot d’ordre. Ce n’est pas nouveau. 

 « L’ethnocentrisme » occidental, en termes simples se résume à la centralité de tout ce que dit, pense, produit sa propre doxa. Il n’y a que cette civilisation, qui tutoie l’Histoire et qui a atteint le nec plus ultra de l’humanité, toutes les autres, doivent attendre docilement sur le banc de l’Histoire que le grand chef daigne leur donner un rôle. Cette « ethno-arrogance » fulmine davantage alors qu’elle vit son déclin. Elle ne cherche ni la paix ni les droits, rongée par ses contradictions, dépassée par ses convulsions. Tant de guerres menées injustement, au nom d’une sacro-sainte démocratie ou d’un prétendu terrorisme. 

Toutefois, la Palestine est visiblement une pierre d’achoppement à cette puissance et peut-être sera-t-elle le dernier clou dans le cercueil  de cette hégémonie, de sorte que le racisme, l’injustice sont devenus ses principaux moteurs.

Propagande 

Cependant face à cette mobilisation mondiale sans précédent, une propagande acharnée est menée, qui est une sorte de barrière illusoire car elle développe un conformisme médiatique dont il est difficile de s’extraire et un « esprit moutonnier »  contre lequel il faut lutter pour reprendre l’expression de De Villepin.

 Cette guerre médiatique se résume à ce que Pierre Conesa nomme « le complexe militaro-intellectuel », en d’autres termes, ce sont tous les distributeurs et vendeurs de guerre sur les plateaux télés, représentants du Bien sur terre et VRP des vendeurs d’armes dans le monde sauf  qu’on omet de dire qu’ils laissent des charniers après leurs harangues médiatiques. Dans le cas des massacres sionistes, il est plus judicieux de parler  des « Sayanim » (mis en scène dans le roman Jacob Cohen), d’un corps censé défendre le sionisme bec et angles dans les différents échelons de la société. Même si l’Occident ne s’est pas fait prier afin d’accorder son blanc-seing aux bombardements, une réelle « sionisation » des médias occidentaux (surtout français) est flagrante, avec les vieilles recettes de diabolisation, omission et déformation. 

Cette stratégie  médiatique est répétée à l’unisson par les mêmes cohortes de personnes, qu’ils affichent : historien, politologue ou journaliste, afin de produire du bruit médiatique et d’étouffer toute voix discordante. Le premier pion déterminant, était avancé par Dominique Moïsi, qui est la comparaison avec le « 11 septembre », pour un politologue qui a écrit « géopolitique de l’émotion » il a touché dans le mile, place alors au « pathos » bien dirigé, pendant une semaine les médias déjà lieu du sensationnalisme et du présentisme devenaient uniquement les temples de l’émotion. Eylon Levy, ancien porte-parole de l’Entité, avait embrayé en citant la Shoah, cet éternel thème ressassé, qui paralyse toute réflexion ou solution, qui est devenu le « cache-massacre » des sionistes, puis  Yonathan Arfi président du (CRIF) avait  martelé quelques jours que c’était « le plus grand massacre de juifs depuis la Shoah ». Horvilleur, rabbine préférée des plateaux, regrette la réalité d’« gouffre empathique »   (juif, aucunement palestinien). Un pathos bien concentré destiné à la population française, qui n’est pas dupe.

La liste est encore longue de ces sophistes du sionisme : Frédéric Ancel, BHL,  Elisabeth Lévy, Georges Bensouissi, Habib Meyer…, qui sont au chevet de l’absurdité.

Terrorisme ?

Le troisième écueil, est d’ordre conceptuel, qui reprend la qualification de « terrorisme », tout acte de résistance, sans pour autant nier les dérives et se réjouir des victimes, force est de constater que ce mot magique, qui d’ailleurs n’a pas de fondement juridique clair,  est utilisé constamment comme une sorte de faire-valoir occidental et de ressort criminel, à toute force s’opposant à son hégémonie. Toutefois, le terme le plus approprié est certainement la « contre-violence » car le fait colonial est bien présent et atroce pour le peuple palestinien et d’autant plus violent que la cause palestinienne  était devenue une quantité négligeable, jetée à la poubelle de l’Histoire par les pays dits arabes et le reste du monde. 

Face à cette abomination coloniale nul besoin de pérorer, interrogeons ceux qui ont vécu dans leur chair le colonialisme, car les colonisateurs, ne conçoivent que leur propre  discours et n’ont conscience que d’eux-mêmes. Le premier témoin est le martyr Larbi Ben M’hidi qui, interpellé sur la question douloureuse des attentats, suggéra ironiquement au colonisateur de céder ses chars et ses avions et qu’en retour il leur donnera ses couffins. Un autre témoin du fait colonial et homme de paix, qui lui-même connut de près la violence de l’apartheid, Nelson Mandela, explique sans détours que : « C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé qui détermine la forme de lutte. Si l’oppresseur  utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime défense. »

Cette problématique alambiquée du cycle de la violence et du colonialisme a mis en scène deux grands intellectuels : Fanon et Sartre, l’un appelant à une violence raisonnée et l’autre à une violence absolue :

 Fanon juge que « le développement de la violence au sein du peuple colonisé sera proportionnel à  la violence exercée par le régime colonial contesté. » 

Le colonisé devient ainsi pour lui : « Fils de la violence, il puise en elle son humanité(…) elle libère en lui et hors de lui, progressivement, les ténèbres coloniales (…) il se connait dans la mesure même où il se fait. ».

Quant à Sartre il est d’une radicalité limpide : « Abattre un européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et opprimé : restent un homme mort et un homme libre… » 

Certainement, ces intellectuels seraient traités aujourd’hui de « terroristes » devant l’échafaud médiatique, si tendre avec le colonialisme.

L’antisionisme

Devant les lourdes accusations qui pèsent sur les sionistes, les rhéteurs s’échinent à hurler à l’antisémitisme, procédé auquel nous ont habitué ces innocents bourreaux.

Avaler ce type de couleuvres reste l’apanage d’une catégorie niaise et ignorante, mais il est bon de rappeler que c’est ce même continent prédateur, qui a de tout temps persécuté les juifs et devant lequel ils n’ont trouvé refuge que sur le sol arabo-musulman, qui vient nous tancer !

Cette éminente sottise est battue en brèche par l’auteur d’Au nom de la Torah, Yakov M.Rabkin qui dans un entretien avec Pascal Boniface rappelle d’abord que «  le sionisme constitue une rupture dans la continuité historique du judaïsme. » puis que des intellectuels sionistes et des rabbins orthodoxes « s’entendent sur le fait que le sionisme représente une négation de la tradition juive. »  

Il cite également  comme référence Yosef Salmon, expert israélien de l’histoire du sionisme : « Le sionisme a posé la plus grave des menaces parce qu’il visait à voler à la communauté traditionnelle, tant au sein de la diaspora qu’en Eretz Israël [Terre d’Israël], tout son patrimoine, à lui enlever l’objet de ses attentes messianiques. Le sionisme défiait tous les aspects du judaïsme traditionnel : dans sa proposition d’une identité juive moderne et nationale, dans la subordination de la société traditionnelle à des styles de vie nouveaux, et dans son attitude envers les concepts religieux de diaspora et de rédemption. La menace sioniste a atteint chaque communauté juive. ». C’est pourquoi il affirme qu’au lieu de parler des juifs, il faudrait parler du « lobby » et de l’état « sioniste ».

Enfin, revenons à un notre trublion national, ce David Kamel plutôt Kamel Daoud, qui pousse la logique jusqu’à l’absurde en  évoquant « un messianisme anti-juif » implanté dans nos sociétés dans une tribune occidentale,  alors comment désigne-t-il : les propos de notoriété publique de nombreux ministres sionistes à leur tête Natanyahou et sa « prophétie d’Isaïe » et sa « lutte de la Lumière contre les ténèbres », si ce n’est pas un messianisme anti-arabe. Une plume « bien trempée » dans une encre bleu Sion.

Le bloc occidentalo-médiatique se dissout  sous la pression populaire mondiale  et les Etats-Unis devront calmer leur « chien enragé » à un moment ou un autre. Reste que le monde arabo-musulman, dont la population de tout temps solidaire avec Palestine, est une broutille et un poids plume devant cette énième injustice alors que ses dirigeants n’usent d’aucun levier ni d’aucune carte économique et dont certains n’ont aucun embarras à fricoter avec le Golem sioniste. Même si l’avenir est incertain, la résistance palestinienne demeure l’unique issue.

Sources :

Commentaire à la préface de Jean-Paul Sartre pour les damnés de la terre de Frantz Fanon. Joseph Mornet.

L’opposition juive au sionisme. Yakov M.Rabkin IRIS éditions.

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