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A qui profite la crise diplomatique entre le Mali et l’Algérie ?

Par Mil Boumaza

Nul n’est besoin de grandes démonstrations ni de grands discours pour répondre à la question et affirmer tout simplement et sans ambages : il est évident que cette crise ne profite ni à l’un ni à l’autre pays. Bien au contraire. Alors que tout les unit pour construire un avenir commun de prospérité et de développement pour l’ensemble de la région et de ses populations : la géographie, la religion, les peuples (on retrouve les mêmes ethnies au nord du Mali et au sud de l’Algérie, et bien souvent les mêmes familles), etc, un esprit malin semble œuvrer sournoisement et méthodiquement pour saboter cette entente et cette promesse d’un futur prospère.

Aux lendemains de la conclusion des accords d’Alger, d’aucunes voix ont fait entendre qu’il y avait là anguille sous roche et y auraient décelé un projet caché visant la partition du Mali. D’une part, il est certain, sans l’ombre d’un doute, que ces colporteurs n’ont pas lu (tout au moins attentivement) ces accords, car leurs articles stipulent clairement et en toutes lettres que les parties signataires ont l’obligation de se soumettre, sans conditions, au principe d’intandibilité et d’intégrité territoriale du Mali.
D’autre part, les allégations de ces colporteurs font preuve d’un manque de profondeur ou à tout le moins de réflexions géostratégiques. Qu’aurait à gagner l’Algérie dans la partition du Mali en privilégiant une partie, s’aliénant par ailleurs l’autre partie ? Cela ne signifierait-il pas la fermeture de sa route du sud, cette dernière entrant dans le cadre de l’initiative « une ceinture une route », dont l’Algérie est partie prenante ?
Les autorités maliennes l’ont répété en maintes occasions :  » les États n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts » et elles ont sans doute raison. Pour l’Algérie, quel serait son intérêt au Mali ? Son souhait est tout d’abord la stabilité du pays en y assurant la paix entre toutes les parties,  ensuite le développement des infrastructures maliennes, dans lesquelles l’Algérie à alloué une somme considérable. Pourquoi ? Pour pouvoir échanger et développer son commerce (et par réciproque celui du Mali) dans un climat de sécurité. Par ailleurs, tout comme la Russie, l’Algérie, qui en est doté en abondance, n’a pas de visée d’accaparement des ressources minières.
Quant à la crise diplomatique, celle-ci est à l’initiative unilatérale du Mali, car l’Algérie, en tant que chef de file du CSA et garante des accords d’Alger est dans son rôle et ne sort pas de ce cadre en accueillant toutes les parties afin d’instaurer un dialogue constant pour une solution de paix définitive aux problèmes que connaît le pays.
D’aucuns compatriotes y voient un prétexte pour une énième trahison, comme on a pu le constater après que l’Algérie ait proposé une force de maintien de la paix assurée uniquement par les États du Sahel, proposition qui a été écartée d’un commun accord entre ces pays et la France, contre les mises en garde de l’Algérie, mais à laquelle elle s’est résignée. L’avenir, comme toujours dans tout ce qui concerne l’Afrique (ex Libye, etc) lui a donné raison.
Soit. Mais sans doute avons-nous manqué de vigilance. Il était peu probable en effet que l’ancien colon et plus largement l’impérialisme se résolvent enfin à quitter le territoire sans s’assurer qu’ils y reviendront ensuite d’une manière ou d’une autre. C’est là qu’intervient leur fidèle allié et leur sous-traitant de toujours, le royaume du Maroc. Ainsi n’est-il pas étonnant que l’on retrouve toujours ce dernier dans tous les dossiers impactant l’Afrique, sa stabilité et son développement et où il prétend présenter une « alternative » aux propositions algériennes : le gazoduc devant relier le Nigeria à l’Europe, le conflit libyen, les accords d’Alger et « l’initiative » du royaume pour désenclaver les pays du Sahel..
Quelques mots à ces sujets. 
Le gazoduc Nigeria-Europe : aucun analyste sérieux ne considère crédible l’alternative « marocaine »,  dont le tracé passe par 13 pays, parmi lesquels le Sahara Occidental, un territoire occupé illégalement par le Maroc (https://lapatrienews.dz/les-faits-et-la-verite-rien-que-les-faits-et-la-verite-dites-je-le-jure/) multipliant ainsi les risques politiques, etc,  par 13 et dont la distance, le délai de construction et le coût représentent le double de celui traversant uniquement le Niger, d’autant que l’Algérie dispose déjà des infrastructures, de la technologie, etc gazières.
Le conflit libyen : la médiation du Maroc est poussée et soutenue par la France, principal acteur du désastre dans le pays et dans la région. Est-il besoin d’en rajouter davantage ?
Les accords d’Alger : tout d’abord il convient, en préambule, de rappeler que, sans ces derniers, les parties aux conflits ne se seraient pas réunis autour d’une table pour discuter des solutions de paix au Mali. Et à contrario, une annulation de ces accords enverrait un très mauvais signal aux cobelligerants qui reprendraient dès lors aux armes pour revenir à la lutte armée. La diplomatie algérienne a déployé toute son énergie et toute son expérience pour réaliser ce qui ne peut être qualifié rien moins que d’exploit dans le contexte extrêmement difficile caractérisant le conflit.
En ce qui concerne la proposition « alternative » de médiation marocaine, comment un pays qui n’a pas non seulement connu les mêmes luttes contre le terrorisme mais a créé des groupes sévissant dans la région :
comment un tel État peut-il prétendre apporter des solutions, d’autant que, de notoriété publique, il est par ailleurs l’un des plus grands exportateurs de drogue au monde, ce fléau alimentant et finançant ces mêmes réseaux terroristes ?
Mais laissons là le Maroc. Il n’est qu’un sous-traitant dans ces affaires. Il n’a en effet ni les moyens matériels, technologiques, etc, ni financiers pour jouer un quelconque rôle en toute autonomie. Qu’en est-il donc en réalité ?
Ce qui se joue dans notre région sahélienne, comme du reste dans tout le continent et partout ailleurs, en Ukraine, en Palestine, à Taïwan, etc, n’est autre que la guerre que se livrent l’ancien monde, représenté par les USA et leurs satellites (OTAN, UE, Israël, etc) et le nouvel ordre mondial tiré par la Chine, la Russie, l’Iran, l’Algérie, etc. N’est-il pas curieux que ces points de tensions (Ukraine, Palestine, Niger, Mali), outre leur importance pour le transport énergétique, sont des territoires par lesquelles transite le projet de « ceinture et de route » ?
Notre pays, bien loin des discours convenus de partenariat, d’intérêts communs, etc, est donc un ennemi déclaré de l’axe atlantiste. C’est pourquoi toutes ses propositions, médiations seront combattues avec la dernière lâcheté et toute la sournoiserie dont sont capables les impérialistes.
Dans cette lutte pour l’avènement de ce monde auquel nous aspirons et qui vise à instaurer la moralité, la justice dans les relations internationales, l’Algérie n’a pas fait mystère de sa position et l’a fait savoir au monde. Au Mali et autres pays du Sahel de choisir leur camp.

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