Par Dr. SACI
Depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron oscille entre gestes d’ouverture, déclarations chocs et volte-face, compliquant ainsi le dialogue avec Alger. Son discours, marqué par la reconnaissance de la colonisation comme un « crime contre l’humanité », n’a pas toujours été suivi d’actes concrets, si ce n’est quelques gestes symboliques comme la restitution des crânes de résistants algériens ou la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans les assassinats de Maurice Audin et de Mohamed Larbi Ben M’hidi.
Cependant, ces initiatives ont été rapidement éclipsées par des déclarations controversées et des maladresses diplomatiques, nourrissant une méfiance persistante de la part de l’Algérie et contribuant à la dégradation des relations entre les deux pays. Plutôt que de s’engager dans une démarche sincère d’apaisement, Macron a multiplié les interventions intempestives sur l’Algérie depuis 2021, provoquant un brouhaha diplomatique et politico-médiatique.
Dans ce contexte tendu, le président français a appelé son homologue Abdelmadjid Tebboune, le 31 mars 2025, pour lui adresser, ainsi qu’au peuple algérien, ses meilleurs vœux à l’occasion de l’Aïd El-Fitr, tout en abordant quelques sujets de discorde dans les relations algéro-françaises.
Pourtant, loin d’être un véritable geste de rapprochement, cet appel s’inscrit dans une stratégie habituelle de Macron, qui excelle dans l’art de la contradiction préventive et du grand écart verbal. Il ne cherche ni à apaiser les tensions ni à apporter des solutions, mais à entretenir l’illusion du dialogue.
Derrière ces feintes tactiques, il tente de manipuler l’opinion, attiser les divisions, consolider son pouvoir en exploitant les réflexes émotionnels et cognitifs du public des deux pays, et, in fine, d’accuser les autorités algériennes de manquer de coopération.
Alors que ces relations se détériorent pour de multiples raisons, Macron et son gouvernement ont exploité un écran de fumée : l’arrestation de Sansal. En réduisant la crise diplomatique à ce seul cas, ils cherchent à travestir la réalité et à justifier les dérapages et les agressions verbales de la droite française, ainsi que celles de Macron lui-même : Une véritable inversion victimaire d’un système affaibli qui se maintient par l’article 49.3 constitution.
Cette manœuvre relève d’une stratégie diplomatique classique de diversion, où un cas individuel est mis en avant pour occulter des responsabilités plus lourdes. En accusant exclusivement Alger d’entraver la liberté d’expression, Paris tente de se poser en victime et d’effacer ses propres erreurs, notamment les provocations récurrentes de Macron et de la droite française, ainsi que leur part de responsabilité dans l’escalade des tensions.
Cette stratégie, qui rappelle celle de la triade, oscille entre opportunisme et indécision et fait de la confusion une arme politique. Elle se manifeste dans les interventions passées et les piques diplomatiques malvenues de Macron, notamment dans les cas suivants :
- Au lendemain de l’appel téléphonique de Macron à son homologue Tebboune, pour la relance de la coopération, le Sénat français a accueilli le terroriste Ferhat M’henni .
- Un jour, il déclare : « Cela fait longtemps qu’elle l’a assumé » suite à une affirmation d’un jeune algérien « Il faut que la France assume son passé colonial ». Puis, le lendemain, il affirme : « Je n’ai pas à demander pardon. »
- Il joue le jeu du « pique diplomatique » : Il invite le président Tebboune à une visite en France, tout en se rendant au Maroc et en réaffirmant son soutien à la “marocanité” du Sahara Occidental.
- Il accuse l’Algérie de se déshonorer en laissant ses ministres « algérophobes » prendre la parole, tout en laissant la presse française mener une « guerre cognitive » contre l’Algérie.
- Il qualifie, d’une part, les autorités algériennes de « système politico-militaire » qui entretiendrait une « rente mémorielle » et « la haine de la France », tout en ajoutant « La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? » D’autre part, il « regrette les polémiques et malentendus engendrés par les propos rapportés » tout en exprimant son « plus grand respect pour la nation algérienne, pour son histoire et pour la souveraineté de l’Algérie » .
- Sur la mémoire, il a assisté à la commémoration des plusieurs faits historiques, dont celui du massacre du 0 juin 1944 d’Oradour-sur-Glane où 643 personnes ont été tuées par les nazis, tout en niant les crimes du 8 mai 1945 où 45000 algériens ont été assassinés par l’armée coloniale.
- Macron, comme ses ministres de la fachosphère s’emploient à recomposer l’Histoire à travers un prisme idéologique, allant du révisionnisme, qui consiste à interpréter les faits de manière biaisée, au négationnisme, qui vise à nier ou à relativiser des crimes historiques avérés, comme les massacres coloniaux ou les génocides.
- Dans le communiqué du service de presse de la présidence française, Macron avait appelé à un geste de clémence et d’humanité à l’égard de Sansal, alors que cet « Honorable correspondant », dont la maladie a été découverte en Algérie, suite à des biopsies pratiquées par l’hôpital Mustapha et pas du tout en France, avait été envoyé sciemment en Algérie. Les Driencourt et Retailleau, etc. avaient-ils caché à Sansal qu’il était malade pour un suicide en vue d’en faire un martyr et souffre-douleur ?
- Lui, qui souhaite voir Sansal élargi afin qu’il puisse mener une campagne contre l’Algérie depuis la France, ferait mieux, d’une part, d’être plus regardant sur la question des anciens responsables algériens corrompus que sa justice protège et, d’autre part, d’assumer sa politique d’accueil envers certains groupes terroristes. Il lui revient également d’expliquer pourquoi l’asile et la nationalité française sont généreusement accordés à des crypto-indigènes et à des pseudo-intellectuels détraqués. Enfin, quelle serait sa réaction si l’Algérie décidait d’offrir refuge à des membres du FLNC (indépendantistes corses) et à des indépendantistes des DOM-TOM, notamment les Kanaks ?
- S’il appelle à un geste de clémence à l’égard de Sansal, n’est-il pas juste et humain de sa part de le faire au profit du libanais Georges Abdellah, âgé de 74, incarcéré injustement dans les prisons depuis 1999, et dont la demande de libération conditionnelle de février 2025 a été rejetée. Comme il devrait le faire aussi pour l’indépendantiste kanak Christian Tein, incarcéré arbitrairement depuis le 19 juin 2024 à Mulhouse au lieu de l’être dans son grand douar Nouméa (Nouvelle Calédonie).
La liste des contradictions et du flou diplomatique est longue dont celle de la loi de reconnaissance et réparation (2022) des Harkis, mais je me contente de ces faits.
Macron n’est pas à ses premières boules seulement avec l’Algérie, mais il tire à tout bout de champ en direction de la Russie. Une question se pose : Pourquoi Macron dit tout et son contraire ? Est-il sincère, mais obligé de revenir sur ses déclarations sur injonction de l’Etat profond qui l’a ramené à la présidence de la France ; ou bien c’est sa nature de contradictoriste ou un janus (dieu romain à deux visages).
En général, Macron jongle entre deux postures totalement antagonistes tout en cherchant à contrôler le récit historique : il honore les mémoires qui l’arrangent, tandis qu’il qualifie de « rente » celles qui le dérangent. Une logique bien commode qui permet d’attribuer les difficultés politiques et socio-économiques à un bouc-émissaire, en l’occurrence l’Algérie, et de légitimer des mesures sécuritaires et diplomatiques au nom de l’intérêt national.
Mais en jouant les équilibristes pour afficher sa victoire en appelant le président Tebboune, il risque de perdre pied, car l’affaire Sansal relève d’un enjeu national lié à la mémoire et à l’intégrité du pays.