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December 8, 2025

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Après l’épouvantail du terrorisme islamiste:un nouveau spectre agité par le pouvoir français : le narcotrafic (I)

Au début du siècle, les attentats du 11 septembre 2001 ont constitué le prétexte à la mise en œuvre des nouvelles reconfigurations politiques et géostratégiques impulsées par l’hyperpuissance américaine.

Par Khider Mesloub 

Au début du siècle, les attentats du 11 septembre 2001 ont constitué le prétexte à la mise en œuvre des nouvelles reconfigurations politiques et géostratégiques impulsées par l’hyperpuissance américaine.

Sur fond de sidération mondiale suscitée par la psychose généralisée, dès le lendemain des attentats, les autorités américaines ont déployé promptement leur stratégie machiavélique : mobilisation de la population derrière l’état de guerre, renforcement de l’appareil répressif de l’Etat, réaffirmation de la puissance de l’Amérique matérialisée par une politique interventionniste impérialiste tous azimuts, opérée au nom de la «lutte contre le terrorisme islamiste».

De fait, immédiatement après les attentats du 11 septembre 2001, les instances politiques et médiatiques américaines  son embrigadées pour enrôler la population dans les entreprises guerrières impérialistes.

Tous les pays stratégiques du tiers-monde étaient susceptibles d’être envahis, toutes les nations économiquement concurrentes, torpillées, toutes les puissances militaires potentiellement rivales, neutralisées. Dans le même temps, au niveau national, en un temps record, l’appareil politique met en œuvre ses plans de durcissement de la machine judiciaire et policière répressive, sa nouvelle législation sécuritaire liberticide. Du jour au lendemain, la crise terroriste sert de stratagème au renforcement du contrôle social au démantèlement des budgets des programmes sociaux.

Tous les fonds sont désormais alloués à l’effort de guerre impérialiste et à la sécurité nationale. La promptitude avec laquelle ces mesures auront été adoptées révèle qu’elles avaient été ficelées depuis longtemps, préparées et planifiées par les cercles restreints opaques américains. Sur le plan international, d’entrée de jeu le dessein réel de la guerre n’est pas tant l’anéantissement du terrorisme islamiste que la réaffirmation de la domination militaire américaine sur tout le globe, implantée au lendemain de l’effondrement du bloc impérialiste rival soviétique.

Durant deux décennies, sous couvert de lutte contre le terrorisme islamiste, les Etats-Unis mèneront plusieurs opérations militaires d’envergure : contre l’Irak, l’Afghanistan, la Serbie, le réseau Al-Qaïda, etc. Dans chacune de ses interventions impérialistes, les Etats-Unis contraindront leurs alliés, telles la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, à s’enrôler sous le drapeau américain ; l’ensemble des pays du monde à se plier au calendrier géostratégique étasunien, à s’incliner devant la volonté de l’Oncle Sam, à se soumettre devant les intérêts de la grande puissance victorieuse de la Guerre froide.

Cependant, avec l’effritement de l’épouvantail terroriste islamiste, devenu inopérant en matière de manipulation idéologique, pour avoir épuisé toutes ses potentialités de dévoiement politique et d’enrégimentement caporalisée, les classes dominantes occidentales se sont résolues à s’octroyer un autre ferment terrorisant pour pérenniser leur gouvernance vacillante.

En effet, pour passer à un degré supérieur en matière de gouvernance par la manipulation médiatique et la terreur de la population, exercée dans le cadre du nouvel ordre mondial chaotique menacé d’éclatement sous l’effet de la crise économique et institutionnelle, les gouvernants occidentaux, notamment les États-Unis et la France, ont créé (ou réactivé pour les premiers) un nouvel épouvantail : le narcotrafic, voire narco-terrorisme. 

Le narcotrafic est devenu le catalyseur de l’aggiornamento policier, l’instrument de dévoiement de la colère sociale et du bâillonnement de la dissidence, le vecteur de psychose généralisée, orchestrée par les médias inféodés au pouvoir. Le prétexte idéal pour adopter des lois d’exception, instaurer l’état de siège, le couvre-feu, intensifier la surveillance technologique, accroître l’armement des forces de l’ordre.

Comment procèdent les gouvernants américains et français pour créer un climat de psychose lié au trafic de drogue ? D’abord, par l’utilisation d’une rhétorique alarmiste à même de susciter l’effroi et l’émoi parmi la population. Par des campagnes médiatiques toxiques.

Par la fabrication de rapports parlementaires catastrophistes propres à être exploités pour accélérer l’adoption de nouvelles lois répressives.

A cet égard, il est utile de rappeler que la première opération de lutte contre le trafic de drogue opérée à des fins politiques et d’offensives contre-insurrectionnelles a été déclenchée par le pouvoir américain au début des années 1970, au lendemain de la publication d’un rapport rédigé par des membres d’une commission gouvernementale.

En effet, à la suite des révoltes urbaines de 1967 qui avaient balayé les États-Unis et, surtout, ébranlé et tétanisé la bourgeoisie blanche américaine, une commission nommée par le président Lyndon B. Johnson publie un rapport en 1968. Le rapporteur, en préambule, décrit de la manière suivante les Afro-américains qui se sont révoltés : « Quant aux émeutiers, ces pillards menaçants et incendiaires dont la violente irruption a précipité cette étude, ils avaient tendance à être, curieusement, quelque peu plus éduqués que les “frères” qui restèrent à l’écart.

Dans leur ensemble, les émeutiers étaient de jeunes Noirs, issus du ghetto (pas du Sud), hostiles à la société blanche qui les entourait et les opprimait, et tout aussi hostiles aux Noirs des classes moyennes qui s’accommodaient de cette domination blanche. Les émeutiers n’avaient pas confiance dans la politique des Blancs, ils détestaient la police, ils étaient fiers de leur race, et particulièrement conscients des discriminations dont ils souffraient. Ils étaient et ils sont une bombe à retardement au cœur du pays le plus riche dans l’histoire mondiale… Ils ne s’en iront pas.

On ne peut que les opprimer ou leur concéder leur humanité, et ce n’est pas à eux de faire ce choix. Ils ne peuvent le faire que contre nous, et ce sur quoi insiste ce rapport est qu’ils sont déjà en train de le faire et qu’ils ont l’intention de continuer ».

Sans surprise, les autorités américaines blanches racistes n’ont pas « concédé leur humanité » aux populations afro-américaines. Elles ont répondu, depuis lors, par l’amplification de l’oppression et le durcissement de la répression.  Et pour justifier et légitimer l’intensification de l’oppression sociale et de la répression policière elles ont décidé de criminaliser les Afro-américains, notamment par le stratagème de «guerre contre la drogue». Le narcotrafic. 

En tout cas, les révoltes des jeunes noirs avaient traumatisé la bourgeoisie et la population blanche américaine. Ces dernières avaient pris conscience de quelle puissance subversive et insurrectionnelle disposait la population noire en révolte. Les jeunes noirs désœuvrés et désespérés peuvent constituer une «bombe sociale à retardement».

Insidieusement, depuis lors, les autorités américaines amalgament drogue et crime, consommation et vente, Noirs et drogue, pour justifier le lancement de leur opération de répressions tous azimuts contre les populations afro-américaines. 

Or, selon toutes les études sérieuses, contrairement à la propagande raciste répandue par les autorités et les médias américains, les Noirs ne consomment ni ne vendent pas plus de drogue que les Blancs. Comme du reste en France. Mieux : les jeunes blancs américains de la classe moyenne et supérieure consommeraient plus de drogues que les jeunes noirs pauvres. Et pas n’importe quelle drogue : la cocaïne, cette drogue de luxe des Blancs des classes aisées américaines. 

Pourtant, les Noirs, majoritairement consommateurs de cannabis (crack), cette drogue du pauvre, ont cinq plus de risque d’atterrir en prison que les Blancs, grands consommateurs d’héroïne, de cocaïne. 

En effet, en matière d’infraction aux stupéfiants, aux États-Unis, «pays des droits de l’homme et de l’égalité», une loi fixe des peines minimales obligatoires pour la cocaïne. Il faut 100 fois plus de cocaïne que de crack pour encourir la même peine. Autrement dit, un Blanc appréhendé avec presque 99 fois plus cocaïne qu’un noir arrêté en possession d’un petit bout de crack n’encourt aucune peine d’emprisonnement.

Tandis que le noir est sans autre forme de procès incarcéré. Preuve que la lutte anti-drogue n’est pas motivée par des raisons sanitaires mais sécuritaires et discrétionnaires. La « lutte contre la drogue» est la variable d’ajustement de stigmatisation et de neutralisation des populations afro-américaines. 

Ironie de l’histoire, aux États-Unis 80% des consommateurs de drogues (cannabis, crack, cocaïne, héroïne) sont Blancs. Pourtant, seuls les 20% des Afro-américains défrayent régulièrement la chronique judiciaire, font les Unes des journaux. Car ils sont les principales cibles des autorités, c’est-à-dire de la police, des tribunaux. Le même phénomène répressif discrétionnaire s’observe également en France où les populations issues de l’immigration maghrébine et subsaharienne sont particulièrement ciblées. 

Depuis le début des années 1970, la «guerre contre la drogue» est le prétexte fallacieux invoqué pour justifier le quadrillage des quartiers populaires noirs, l’intimidation et le harcèlement des jeunes, notamment les contrôles policiers permanents, les descentes et rafles policières, les arrestations arbitraires, les assassinats d’afro-américains déguisés en bavures.

C’est de cette façon oppressive et répressive que l’ordre, mis à mal par les révoltes, a été énergiquement et violemment rétabli aux États-Unis au lendemain des révoltes de 1967, et durant les années 1970.

Ainsi que le préconisait le rapport de 1968, l’État et la société blanche américaine pouvaient soit «réprimer, soit concéder son humanité» à la population noire qui s’était révoltée. Du fait de son indécrottable racisme séculaire profondément ancré dans sa mentalité et dans ses institutions, et, surtout, pour n’avoir pas pardonné aux Noirs d’avoir défié et effrayé la population blanche, la société américaine a choisi la seconde option :  ne pas «concéder son humanité» aux Noirs. Donc continuer à les réprimer. 

Le conseiller de Nixon, John Ehrlichman, expliquera plus tard le choix de cette voie répressive de la manière suivante : «Bon, nous comprenions que nous ne pouvions rendre illégal le fait d’être jeune ou pauvre ou noir aux États-Unis, mais nous pouvions criminaliser leur plaisir commun. Nous savions que la drogue n’était pas le problème de santé publique que nous prétendions, mais c’était un sujet tellement parfait… que nous n’avons pas pu résister.» 

Tout est résumé dans ce propos du conseiller de Nixon. La drogue n’est pas un problème de santé publique mais un paravent pour justifier la politique de criminalisation des jeunes et pauvres afro-américains. Non désireuse de rendre illégale la pauvreté des Noirs, la bourgeoisie américaine préfère criminaliser les Noirs. Au lieu de faire la guerre à la pauvreté des Afro-américains, elle livre la guerre aux Afro-américains. Autrement dit, elle les massacre par la pauvreté et par la répression policière, judiciaire et carcérale.

Avec cette politique de criminalisation des Noirs, les autorités américaines officialisent dorénavant le préjugé raciste selon lequel crime et population noire sont synonymes. Sous le prétexte d’enrayer la propagation de la drogue, toute une frange de la population noire est ainsi criminalisée. Pire, progressivement la cible des arrestations pour drogue passe des dealers aux utilisateurs.

Avec cette outrancière criminalisation des populations afro-américaines, il n’est pas étonnant de relever que, en matière d’arrestation et d’incarcération, les Noirs soient surreprésentés. La présence massive des Noirs dans les prisons ne s’explique pas autrement que par le racisme institutionnel, la criminalisation des populations afro-américaines.  Depuis cette période on assiste en effet à une forte inflation carcérale. Le taux d’incarcération par habitant a quintuplé entre 1970 et aujourd’hui. Aux États-Unis, on parle d’incarcération de masse de la population, en majorité afro-américaine. Pour une population étasunienne de 333 millions de personnes, 2,3 millions sont emprisonnées ou en probation (plus de 3,5 millions), ou en liberté conditionnelle (près de 900 000).

Pour compléter cet arsenal répressif contre les populations noires, notamment certaines franges accusées de constituer une «entreprise criminelle agissante», le gouvernement américain a voté au des années 1980 des lois permettant la suspension de leurs droits sociaux. 

Ainsi, avec ce stratagème de lutte anti-drogue, la bourgeoisie américaine s’active à encadrer les populations afro-américaines pour maintenir l’ordre, pour prévenir toute révolte. 

Sous couvert d’endiguer la diffusion de la drogue, toute une partie de la population américaine est criminalisée, quotidiennement victime d’intimidations, de harcèlements, de brimades xénophobes, d’interpellations arbitraires, et de meurtre commis par une police qui «tire d’abord et pose les questions ensuite».

Les États-Unis sont devenus une prison à ciel ouvert pour des millions d’Américains dont «le seul tort» et la seule infraction est d’être noirs.

Khider Mesloub 

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