A la une, Contribution

TRIBUNE

Chine : l’empire du Milieu vise crânement à se positionner au Centre du monde

Dans l’interminable histoire des empires, chaque nouvelle formation sociale, candidate à l’hégémonie mondiale, s’invente des ancêtres illustres. Un ancêtre commun à l’humanité, qu’elle prétend dorénavant incarner et représenter. Éclairer, conduire et élever vers le progrès. Un nouvel ordre salutaire.  

Par Khider Mesloub

Dans l’interminable histoire des empires, chaque nouvelle formation sociale, candidate à l’hégémonie mondiale, s’invente des ancêtres illustres. Un ancêtre commun à l’humanité, qu’elle prétend dorénavant incarner et représenter. Éclairer, conduire et élever vers le progrès. Un nouvel ordre salutaire.  

Et, pour se conformer à ce nouvel univers baptisé solaire, l’histoire est revisitée à l’aune de la nouvelle rayonnante conjoncture géopolitique émergente, du basculement du monde et du bousculement des paradigmes dominants.

En tout cas, chaque hégémon se pointe à la porte du monde qu’il entend transformer et dominer avec une nouvelle philosophie. Une nouvelle conception de la vie. Un nouveau paradigme politique, géopolitique et stratégique. En résumé, un nouvel ordre mondial conçu à son image. Par sa supposée brillante intelligence. Son extraordinaire cerveau. 

Au reste, tout nouvel empire ne s’érige-t-il pas en cerveau du monde ? La tête pensante de l’univers ?

La Chine, cet empire du Milieu, candidate à l’hégémonie mondiale, vise à placer son pays au milieu de l’évolution humaine. À se positionner comme l’unique pôle mondial.

La Chine, pays longtemps demeuré archaïque, est entré tardivement dans la modernité, le capitalisme. Avec fracas. D’aucuns diraient par effraction, à la faveur d’une conjoncture économique occidentale en quête d’une masse salariale asiatique corvéable et exploitable à merci. Une main-d’œuvre chinoise sous payée. 

En trois décennies, grâce à l’Occident, la Chine devient l’Atelier du monde. D’Atelier du monde, dorénavant la Chine vise naïvement à devenir la Locomotive du monde. Le centre de la planète économique. De l’univers financier. De la galaxie technologique. L’ordinateur et l’ordonnateur du monde.

Comment réécrire l’Histoire de l’humanité en pleine mutation, sinon en inventant un récit mondial retracé à l’image de la nouvelle puissance économique émergente. Une puissance qui entend se couronner de gloires ancestrales. S’attribuer une lignée immémoriale qu’elle entend imposer à toute l’humanité. 

Comme le rapporte le site GEO, une équipe d’archéologues chinois aurait découvert un crâne d’enfant susceptible de « réécrire l’Histoire de l’évolution humaine ». Rien que ça.

En effet, la découverte de ce crâne ancien chinois postule, selon les têtes pensantes de l’empire du Milieu, l’existence d’une « nouvelle lignée d’ancêtres ». Autrement dit, cette thèse chinoise prétend que l’arbre généalogique de l’évolution humaine serait doté d’une branche chinoise, « mélange d’humain moderne et d’homininé inconnu », qui aurait existé en Chine il y a au moins 300 000 ans.

Cependant, pour mieux accréditer cette thèse, l’équipe d’archéologues chinois affirme que le visage de cet homininé, baptisé HLD 6, semble présenter des caractéristiques humaines modernes, dotées néanmoins d’une calotte crânienne plus primitive. 

N’est-ce pas la caractéristique essentielle de la Chine capitaliste contemporaine ? Une société côtière hyper-modernisée, entourée par des territoires intérieurs plongés encore dans la « féodalité ». Un pays technologique enraciné encore dans la ruralité.

« Le visage de l’homininé présente une structure similaire à celle de la lignée humaine moderne, qui s’est séparée de l’Homo erectus il y a déjà 750 000 ans. Mais l’absence de menton de l’individu ressemble davantage à celui d’un Denisovan, une espèce éteinte d’homininé ancienne d’Asie qui s’est séparée des Néandertaliens il y a plus de 400 000 ans », écrit GEO.

À l’heure où la Chine entend sonner le glas de l’Occident déclaré décadent, elle nous annonce la renaissance de l’humanité, portée par ses têtes pensantes maoïstes qui entendent révolutionner le monde. Y compris sa généalogie, dorénavant placée dans le continent asiatique, selon les nouveaux maîtres du monde de Pékin, déterminés à façonner les crânes des enfants du monde entier selon leur idéologie maoïste affairiste conquérante.

La Chine maoïste milite pour un monde multipolaire, autrement dit segmenté et fragmenté, pour mieux imposer son système unipolaire d’hégémonie économique et, dorénavant, généalogique. Comme tout empire dont la puissance repose sur l’agrégation de pays hétérogènes qu’il domine, l’empire du Milieu œuvre au morcellement (balkanisation) du monde, qu’il désigne sous l’appellation de « Monde Multipolaire », pour mieux consolider son emprise, fortifier son empire économique, s’approprier le contrôle des ressources humaines et matérielles.

L’Occident, pour justifier et légitimer son hégémonie mondiale, a longtemps affirmé qu’il était le berceau de la pensée humaine grâce à la Grèce (matrice du logos), la locomotive du Progrès, grâce aux Lumières de ses intellectuels issus de la Renaissance européenne (cheville ouvrière de l’industrialisation).

La Chine s’apprête-elle à justifier et légitimer son hégémonie par la puissance de son économie et l’exceptionnel héritage généalogique de sa lignée primitive universelle ?

Pour autant, la Chine solaire ne compte pas s’arrêter en si bon chemin pour s’ériger en première brillante puissance mondiale. Elle entend devenir également une puissance polaire. La Chine, pour devenir la première puissance, s’applique non seulement à réécrire l’Histoire de l’humanité en plaçant idéologiquement son ancêtre dans son pays, mais aussi à redessiner la cartographie universelle.

Sur ce chapitre géographique, selon les spécialistes, Pékin s’active à faire de l’Himalaya un « troisième pôle ». Une façon de s’affirmer comme une puissance polaire,  un pays solaire où les lumières du Progrès irradient le monde entier. « À mi-chemin entre les deux pôles, la Chine, au cœur du monde, fait graviter l’Arctique et l’Antarctique autour d’elle, et ce de manière d’autant plus légitime que la carte fait valoir que le troisième pôle, le plateau tibétain et le massif himalayen, au centre de la carte, se trouve en bonne part sur son territoire », écrit le magazine Géoconfluences. 

L’Himalaya est également surnommé « le toit du monde ». La Chine aspire ainsi devenir « la cime du monde », l’apogée de l’univers en matière économique, technologique, scientifique, culturelle.

Dans la guerre d’influence que se livrent la Chine et l’Occident, Pékin milite « pour la révision de la conception de l’espace et de sa représentation graphique, fortement influencées, selon elle, par la vision et les références « occidentales ». Il s’agirait d’une « révolution copernicienne et de la connaissance », selon un scientifique chinois.  

La nouvelle cartographie chinoise vise à se démarquer du paradigme géographique imposé par les Occidentaux, centrée sur l’Europe. Selon les observateurs, la Chine instrumentalise la notion de troisième pôle pour légitimer sa revendication de participation à la gouvernance de la région arctique, et donc mondiale.

Au vrai, ce concept de troisième pôle revêt des dimensions politiques et culturelles. Pour Pékin, aujourd’hui, après l’Europe et l’Amérique, ce serait au tour du « troisième pôle culturel » chinois de rayonner sur le monde.

Pour s’imposer dans la politique et dans le monde, il existe des méthodes fortes et brutales ou des méthodes plus douces.  Ces dernières méthodes permettent de gagner plus rapidement et plus sûrement la légitimité et la loyauté. La Chine a opté pour la méthode douce afin d’influencer les autres pays. D’assurer sa mondiale royauté. 

La Chine, pour séduire et étoffer son audience internationale, manie avec intelligence le soft power aux fins de se positionner comme puissance centrale dans le monde. En d’autres termes, sans employer de méthodes coercitives, c’est-à-dire ouvertement militairement interventionnistes.

En conformité avec les préceptes polémologiques de son maître à penser, le stratège Sun Tzu, auteur de l’Art de la guerre, un traité où sont compilés les principes de la poursuite intelligente d’une guerre victorieuse (fondée sur une stratégie indirecte, toute d’économie, de ruse, de connaissance de l’adversaire, d’action psychologique), le pouvoir maoïste de Pékin poursuit cette stratégie de la guerre (économique et culturelle) indirecte victorieuse. Sans effusion de sang. 

L’objectif est d’entamer la confiance et la défense de l’adversaire au point de lui faire perdre toute envie de résister. En termes idéologiques et propagandistes, « L’art de la guerre (idéologique, culturelle), c’est de soumettre l’ennemi sans combat ».

Le stratège chinois Sun Tzu professe : « Il faut plutôt subjuguer l’ennemi sans donner bataille : ce sera là le cas où plus vous vous élèverez au-dessus du bon, plus vous approcherez de l’incomparable et de l’excellent. »

Tous les impérialismes (géopolitiques, culturels, linguistique, religieux) s’insinuent subrepticement dans les pays, colonisent discrètement les consciences nationales et mentalités individuelles.

Par l’érection de la Chine en première puissance mondiale, incarnée par les BRICS qu’elle domine, le monde (du Sud) s’apprête à changer de maître, et non à mettre un terme à la servitude capitaliste.

Le modèle chinois ne cesse de s’ingénier à singer les pays occidentaux dans chaque secteur, y compris dans le domaine de la fabrication de l’Histoire, longtemps confectionnée à leur image impérialiste, avantage financier. 

Khider MESLOUB

Partager cet article sur :

publicité

Articles similaires