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Les répercussions psychiatriques de la gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19

Par Khider Mesloub

Dans son récent rapport consacré à la santé mentale, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne que près d’une personne sur huit dans le monde vivrait avec un trouble mental. Et dans les zones de conflit, une personne sur cinq serait en proie aux troubles psychologiques.

Avant le déclenchement de la pandémie de Covid-19, près d’un milliard de personnes vivaient avec un trouble mental, indique l’agence des Nations unies. Et pendant la première année de pandémie, les taux de dépression et d’anxiété ont augmenté de 25 %. Ce rapport révèle à quel point « la souffrance est énorme » à travers le monde. Mais l’investissement financier pour y remédier n’a pas augmenté, s’inquiète l’OMS. Seulement 2 % des budgets nationaux de la santé, et moins de 1 % de toute l’aide internationale à la santé, sont consacrés à la santé mentale, pointe le rapport de l’OMS. « Tous ces chiffres sont très, très bas », a déploré M. Van Ommeren, de l’unité de santé mentale de l’OMS, lors d’une conférence de presse.

Ainsi, l’OMS vient de reconnaître l’ampleur de la détresse psychologique d’une grande partie de la population mondiale. Dans certains pays, cette souffrance psychologique s’illustre par l’augmentation exponentielle de la consommation des psychotropes, des hospitalisations en unités psychiatriques, et surtout par la flambée des suicides.

Globalement, le recours aux urgences psychiatriques a augmenté de 40 % en 2020, et la tendance a été encore pire pour 2021 et 2022. Selon l’étude de l’OMS, les troubles anxieux et dépressifs « sont les plus répandus », affectant, respectivement, 31% et 28,9% du total des personnes touchées par des problèmes de santé mentale. La bipolarité 4,1% du total, et la schizophrénie 2,5%. Parmi les concernés par des troubles psychiques, l’OMS compte une petite majorité de femmes (52,4%). Par ailleurs, l’agence des Nations-Unies affirme que les hommes et les femmes atteints de troubles psychiques sévères ont une espérance de vie de dix à vingt ans plus courte que celle de la population générale. L’OMS rappelle en outre que le suicide « représente plus d’un décès sur cent », et qu’il s’agit de « l’une des premières causes de décès chez les jeunes ».

Pour prendre l’exemple de la France qu’on pourrait extrapoler à l’ensemble des pays développés atlantistes, l’année dernière, sur les 3 premiers mois de 2022, Santé Publique France a enregistré 6418 passages aux urgences, en hausse de 27% sur la même période en 2021. Du Canada à l’Australie en passant par la Corée du Sud et les États-Unis, on constate, comme en France, une très forte croissance des gestes suicidaires recensés pour les jeunes de 10 à 19 ans depuis fin 2020. En particulier les filles. En effet, on constate une très forte augmentation des pensées suicidaires et des tentatives de suicide chez les adolescentes et jeunes femmes. Dans de nombreux pays, les centres de prévention des maladies avaient observé « un bond de 50 % » des hospitalisations hebdomadaires pour tentatives de suicide chez les adolescentes entre février 2021 et mars 2021, par rapport la même période en 2019. En Espagne, les tentatives de suicides des adolescentes ont augmenté de 195 % sur la période courant de septembre 2020 à mars 2021, comparée à la même période une année plus tôt. De telles tendances se retrouvent dans de nombreux pays. En Australie, selon une étude publiée courant 2022, rapportée par le journal Libération : « chez les jeunes femmes (10-24 ans), la croissance des taux de présentation aux urgences pour automutilation ou idées suicidaires s’est accélérée depuis le Covid-19, pour atteindre 31,7 % par an. Les adolescentes âgées de 13 à 17 ans sont à l’origine de la majeure partie de cette augmentation, les taux augmentant de 47,1 % par an ».

Comme le rapporte un article paru dans le Monde, « la crise sanitaire et le climat anxiogène qu’elle a engendré ont particulièrement affecté la santé mentale des enfants, des adolescents et des jeunes adultes dans la plupart des pays ».

Cette dégradation de l’état psychologique de larges couches de la population mondiale est la conséquence directe des démentielles mesures restrictives prises par les gouvernants de la majorité des pays. Avec leur gestion criminelle de la crise sanitaire, symbolisée par l’enfermement et l’isolement, ces méthodes moyenâgeuses selon l’expression du professeur Didier Raoult, les gouvernements ont en effet précipité dans la détresse psychologique des centaines de millions de personnes. Plus grave encore, cette dramatique situation est intervenue dans un contexte sanitaire marqué par l’effondrement du système de santé, sacrifié depuis des décennies sur l’autel des restrictions budgétaires. Le délabrement du secteur hospitalier est victime de l’abandon de l’État, plus intéressé à soigner financièrement le secteur militaire (dont le budget a considérablement augmenté) que la santé de la population.

L’hôpital est dans une situation de crise profonde. La situation est explosive. En particulier le secteur de la santé mentale, c’est-à-dire l’hôpital psychiatrique. Dans la majorité des pays, pendant une grande partie de la pandémie marquée par les mesures restrictives, notamment l’interdiction de déplacement, les structures pour les troubles mentaux, neurologiques et liés à la consommation de substances ont été les plus perturbées parmi tous les services de santé essentiels, y compris pour la prévention du suicide. Or, en dépit de l’augmentation de la prévalence des troubles mentaux, encore aujourd’hui, en 2023, plus de trois ans après l’apparition de la pandémie, le manque chronique de ressources en santé mentale au niveau mondial perdure dans tous les pays. Le dernier rapport de la santé mentale de l’OMS montre qu’en 2022, les gouvernements du monde entier ont dépensé en moyenne à peine plus de 2 % de leur budget de santé pour la santé mentale et de nombreux pays à faible revenu ont déclaré ne pas disposer d’un agent de santé mentale pour 100 000 habitants.

Assurément, les successifs confinements, les couvre-feux, les fermetures des écoles et des universités, et des lieux de loisirs, décrétés sur fond d’une psychose collective délibérément amplifiée par les médias, ont engendré immanquablement des troubles psychologiques parmi les populations confinées. L’arrêt de l’économie a également contribué, avec la précarisation et la paupérisation de centaines de millions de travailleurs, couplé à l’assombrissement de l’horizon professionnel et social, à l’émergence de maladies mentales. L’incurie des gouvernants a ainsi engendré non seulement une dégradation socioéconomique et une insécurité financière, mais une détresse psychologique.

Outre les préjudices socio-économique occasionnés par la gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19, l’incurie des gouvernants aura également engendré des troubles psychologiques irréversibles. Sans conteste, l’imposition des mesures restrictives durant deux années consécutives, symbolisées par les confinements et les couvre-feux, l’arrêt économique et la fermeture d’entreprises, auront eu des effets délétères sur la santé mentale de centaines de millions d’individus.

Du fait de l’isolement social anormal (inhumain), de la rupture des liens sociaux, de l’inactivité professionnelle, de la frustration et de l’ennui, aggravés par l’insécurité financière due à la perte de l’emploi, des millions de personnes, fragilisées par la crise sanitaire et économique, ont développé des pathologies psychiatriques. À cet égard, la durée du confinement est un facteur aggravant : une durée supérieure à dix jours est prédictive de symptômes post-traumatiques, de troubles psychiatriques. Quand on sait que les gouvernants de nombreux pays ont imposé des confinements démentiels de plusieurs mois au cours des années 2020-2022, on mesure l’ampleur des répercussions psychiatriques sur des millions de personnes.

En tout état de cause, tout isolement social, autrement dit confinement, a des effets à long terme. Une étude scientifique chinoise, portant sur des employés confinés à la suite du SRAS (l’épidémie mondiale de 2003-2004), avait mis en lumière la présence d’affections post-traumatiques et des symptômes de dépression trois ans après le « déconfinement ». L’étude avait relevé également l’augmentation exponentielle de la consommation d’alcool et l’explosion des addictions. De surcroît, le personnel mis en quarantaine avait développé de multiples pathologies :  épuisement professionnel et émotionnel, sentiment de culpabilité, anxiété, irritabilité, impulsivité, nervosité, colère, insomnie, tristesse, difficultés de concentration, tendance à la procrastination, baisse d’efficacité et de motivation au travail. Dans les formes graves : déconnexion mentale d’avec la réalité (dépersonnalisation, déréalisation). Certains comportements adoptés pendant l’épidémie perdurent des mois, voire des années, tels lavage compulsif des mains, l’évitement des personnes, « confinement autistique ».

D’autres études canadiennes avaient montré que la mise en isolement prolongé provoque par la suite des conduites d’évitement, de l’agoraphobie. Les enfants confinés présentent également des symptômes post-traumatiques. La situation de confinement crée aussi ses propres troubles, matérialisée par le dérèglement alimentaire. En effet, l’anxiété provoque des effets secondaires, caractérisés par la boulimie, la consommation excessive de sucreries, de tabac, d’alcool, induisant la prise de poids, avec comme corollaires ultérieurs des problèmes de diabète, des maladies cardiovasculaires, etc. Le confinement devient a posteriori, lui-même, vecteur de pathologies.

À l’évidence, subir à la fois une pandémie et un confinement est une expérience particulièrement traumatisante. Néanmoins, face à certaines imprévisibles perturbations sociales ou psychologiques, les personnes réagissent différemment. Certaines populations sont plus vulnérables que d’autres. Notamment du fait de leurs conditions sociales et économiques, leurs antécédents médicaux, leur situation financière, mais aussi leurs capacités de résilience. De surcroît, le confinement réveille d’autres traumas. Les personnes fragiles sont parfois celles qui ont vécu d’autres traumatismes. En outre, être confiné en famille dans un logement exigu ou avoir des enfants constitue un facteur aggravant de stress.

Sans conteste, le confinement prolongé de quatre milliards de personnes aura eu un impact dramatique sur la santé mentale, comme l’étude de l’OMS vient de le démontrer. Accablés par un sentiment d’angoisse et d’impuissance, tourmentés par l’érosion de leurs pouvoirs d’achat, épouvantés par un présent sombre et un avenir incertain, des milliards de personnes auront, par la faute des gouvernants psychopathes et sadiques, sombré dans la dépression. Dans un contexte socioéconomique marqué par l’impécuniosité et les pénuries alimentaires, par la vulnérabilité psychiatrique, des millions de personnes ont également développé de multiples pathologies invalidantes, notamment les cancers et les maladies cardiovasculaires. Pathologies qu’ils ne pourront pas soigner par la faute des gouvernants, responsables du démantèlement méthodique et tragique du système de santé, du délabrement catastrophique des hôpitaux, de l’érosion des personnels soignants.  Une profession médicale rendue répulsive du fait de la dégradation des conditions de travail et du manque de moyens sanitaires et médicaux. Le secteur hospitalier souffre d’une pénurie d’effectifs de médecins et d’infirmiers, en particulier en psychiatrie qui n’attire plus les étudiants en médecine en raison de la détérioration des conditions d’exercice du métier, induites par le manque de moyens sanitaires et de personnels soignants.

La vétusté des hôpitaux n’est plus à démontrer. Et les patients sont les premières victimes du délabrement des hôpitaux. Notamment les hôpitaux psychiatriques qui manquent cruellement de lits d’hospitalisation. En France, faute d’accueil, selon les syndicats du secteur psychiatrique, 60 % des malades mentaux errent en dehors de toute institution et de tout domicile. Un collectif de spécialistes du secteur psychiatrique a souligné que « près de 30 % des postes de psychiatres sont vacants en France », estimant que la santé mentale reste « le parent pauvre de notre système de santé ». Un manque de moyens sanitaires et médicaux qui a conduit la contrôleuse des lieux de privation de liberté Dominique Simonnot à pointer des « dysfonctionnements graves portant atteinte à la dignité des patients et à leurs droits fondamentaux » dans ses rapports sur certains établissements.

Pour revenir aux répercussions psychologiques de la gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19, des travaux scientifiques tirés de précédentes épidémies avaient montré que l’émergence des troubles psychiatriques nécessitent une prise en charge médicale chez 5% de la population au bout de trois semaines de confinement. Le Covid-19 provoque moins de 0,01% de décès, majoritairement parmi les populations âgées et vulnérables.

Les confinements auront précipité dans les hôpitaux et les cabinets psychiatriques au moins 15% de la population mondiale, auparavant en bonne santé. Définitivement exclues de la vie sociale et professionnelle. Autrement dit, elles sont désormais psychologiquement et socialement mortes.

Ainsi, comme le prouve l’étude de l’OMS, l’impact du confinement sur la santé mentale est incontestablement important. De la détresse émotionnelle aux troubles mentaux graves, plusieurs symptômes se manifestent chez les personnes confinées. Avec des effets durables. Parmi les symptômes les plus invalidants, nous avons cité les troubles d’évitement. En effet, de nombreuses personnes continuent de développer des comportements d’évitement longtemps après la période de la levée du confinement. Elles évitent les endroits clos ou bondés. La rupture de la routine habituelle et la réduction des relations sociales et physiques, corrélées au sentiment d’isolement du monde, voire de fin du monde, induisent un dérèglement psychique, favorisant les conduites d’évitement. L’ennui et la frustration contribuent également à la fragilisation psychologique. La frustration est d’autant plus grande avec la perte d’activité professionnelle, l’insécurité financière, la pénurie des produits de première nécessité.

Comme dans l’après-guerre perdue, le « déconfinement » se vit avec le sentiment d’une défaite personnelle, d’une débâcle nationale, d’une calamité économique, d’un échec social, d’une faillite médicale, d’une déroute psychologique, d’un désenchantement existentiel, d’un naufrage humain.

À l’anémie alimentaire vient se greffer l’anomie sociale, la vilenie politique, l’inertie économique, l’infamie morale, l’ignominie culturelle. Et désormais les conflits militaires barbares.

L’au-delà du confinement aura eu un goût funèbre d’outre-tombe.

Si le confinement était un remède pire que le mal, le déconfinement se révèle être un mal pire que le confinement. La sortie du confinement aura été brutale pour l’économie menacée d’apoplexie, létale pour la population impécunieuse en proie à la famine, fatale pour la santé mentale en butte à la folie.

La santé est une affaire trop importante pour être laissée à la médecine vénale et à la gouvernance létale du capital. Avec les médecins et les politiciens, nous avons droit aujourd’hui à l’ordre sanitaire qui confine au terrorisme médical et à l’État totalitaire qui affine son omnipotence sécuritaire. Le capitalisme est non seulement belligène, mais également pathogène. « La gloire amène la folie jusqu’au génie. », a écrit un auteur canadien. Ayons le génie de développer la folie de la subversion contre le capitalisme jusqu’à la gloire. Un autre auteur, François de la Rochefoucauld, a écrit « C’est une grande folie que de vouloir être sage tout seul. » Pour le paraphraser mais à rebours, je dirai que c’est une grande sagesse que de vouloir être fous collectivement, pour se soulever contre les responsables de notre aliénation, les dominants, les puissants.

 

 

 

 

 

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