Les propos tenus par l’historien français Benjamin Stora au sujet de la participation de l’ancien président du Front National FN (extrême droite française ) aux tortures en Algérie durant la guerre de libération nationale (1954-1962) suscitent à la fois la polémique et l’indignation; ôtant au passage toute crédibilité à celui qui avait été chargé par le président français d’élaborer un rapport sur la mémoire, sachant que Benjamin Stora n’est pas à sa première bévue historique, comme nous l’avons déjà souligné dans un article intitulé « Rapport de Benjamin Stora : « Le conte » n’est pas bon, en date du 27 janvier 2021.
La technique du faux mea-culpa
Dans l’épisode 2 du podcast « Jean-Marie Le Pen, l’obsession nationale » que Philippe Collin consacre à l’ancien leader du Front national, mis en ligne fin février, l’historien Benjamin Stora estime que : « Jean-Marie Le Pen n’a sans doute pas pratiqué la torture en Algérie. »
Depuis jeudi 9 mars au matin, voici ce que l’on peut lire en cliquant sur la page de l’épisode 2 de la série que Philippe Collin consacre à Jean-Marie Le Pen sur France Inter : « Dans l’épisode 2 de notre série consacrée à Jean-Marie Le Pen, et en accord avec l’historien Benjamin Stora, nous avons décidé de préciser son propos quant à Jean-Marie Le Pen et la torture en Algérie. Nous avions initialement utilisé la formule “Jean-Marie Le Pen n’a sans doute pas pratiqué la torture en Algérie” mais nous avons finalement fait le choix d’utiliser les mots suivants pour être plus explicites : “On ne peut pas prouver que Jean-Marie Le Pen a torturé en Algérie mais c’est une possibilité.” »
Des déclarations qui ont réagir deux autres historiens, André Loez et Fabrice Riceputi. Le premier s’exprime dans un tweet : “Bien que minime en apparence “l’affaire” du podcast affirmant que Le Pen n’a pas torturé en Algérie me paraît importante pour les historien-nes : politiquement pour ne pas minimiser ces actes bien sûr, mais aussi et surtout pour ce qui constitue une “connaissance historique.”
Le Monde a contacté Benjamin Stora et explique : “L’important pour moi n’était pas de dire si Jean-Marie Le Pen avait torturé ou non. Ce qui m’intéressait, c’était la fabrication du récit de lui-même pendant la guerre d’Algérie, comment il se fabrique un personnage pour plaire à sa clientèle électorale d’extrême droite. J’ai peut-être fait une erreur, j’aurais dû dire que Le Pen a torturé, comme des témoins l’ont dit à Florence Beaugé. Je l’ai fait de bonne foi, comme un historien qui n’a pas vu d’archives écrites.”
Sur ce point, il est nécessaire de souligner que Benjamin Stora avait déjà des antécédents en matière de blanchiment des commanditaires et terroristes de l’OAS, comme ce fut avec André Rossfelder intime ami d’Albert Camus, partisan de l’Algérie-Française, dont l’engagement auprès des chefs de l’OAS n’est plus un secret pour personne. Il a été condamné à mort par contumace pour sa participation à la tentative d’assassinat du premier président de la 5ème République française, Charles de Gaulle, au mont Faron, à Toulon, le 15 août 1964. Jean-Philippe Ould Aoudia, dans sa contribution du 24 janvier 2021, écrit :« C’est le terroriste Rossfelder qui a transmis à un ami une liste de condamnés à mort par l’OAS, avec la mention « fait », ou bien « loupé » ou bien « en cours de préparation » en face des noms (voir Annexes p. 130 de La Bataille de Marignane) ». Pourquoi B. Stora rend-il hommage, dans son rapport de réconciliation des mémoires, au « onzième commandement », livre d’André Rossfelder ?
Jean-Philippe Ould Aoudia ajoute :« Ce sont, et vous le savez, toutes les horreurs commises par l’OAS qui ont incité les pieds-noirs,-et parmi eux tous les membres de ma famille maternelle- à fuir l’Algérie de peur des représailles à la suite, entre autres atrocités dont l’OAS s’est rendue coupable envers les Algériens : les tirs de mortier sur la Casbah surpeuplée, la pose de bombe devant le centre d’embauche des dockers, les malades tués à bout portant sur leurs lits, les « ratonnades », les femmes de ménage poignardées, etc. Au bout du compte : 2700 victimes surtout algériennes mais aussi françaises. »
Dans la lettre de mission du Commandeur Macron à Benjamin Stora, il indique que « Celles et ceux qui détiennent entre leurs mains l’avenir de l’Algérie et de la France n’ont aucune responsabilité dans les affrontements d’hier et ne peuvent en porter le poids ». On ne peut pas effacer le passé et brûler singulièrement les livres d’histoire de la guerre d’Algérie.
Il convient de rappeler que l’élément d’un régiment de parachutistes en 1956-1957 avait déclaré en février 2018, que tous les moyens ont été permis pour faire taire la révolution du premier novembre 1954 .
En 2005, Jean-Marie Le Pen avait été débouté suite à sa plainte en diffamation déposée contre Jean-Marie Colombani, directeur du journal Le Monde, et la journaliste Florence Beaugé.
L’ancien leader du Front national, au lendemain des accords d’Évian de mars 1962 mettant fin à la guerre d’Algérie [▷ p. 82], revendiquait avoir participé à la « question » : « Je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce qu’il fallait le faire, déclare-t-il au journal Combat le 9 novembre 1962. Quand on amène quelqu’un qui vient de poser vingt bombes qui peuvent éclater d’un moment à l’autre et qui ne veut pas parler, il faut employer des moyens exceptionnels pour l’y contraindre… »
A Benjamin Stora de revoir les archives du journal Combat, au lieu de se verser dans des propos subjectifs, comme il l’a déjà fait avec le nombre de martyrs algériens tombés dans le champ d’honneur durant la guerre de libération du pays ou il nous livra le chiffre de 400 mille au lieu d’un million et demi de chouhada. Après cette sortie, Benjamin Stora est de plus en plus affaibli, présentant de moins en moins de crédibilité pour se prononcer sur la question mémorielle.