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Kamel appelle Emmanuel

Par Ahmed Bensaada

– Allô, Manu?

– Oui? C’est qui?

– Comment qui? Tu n’as pas reconnu ma voix? C’est Kamel?

– Ah, Kamel. Qu’est-ce qui se passe?

– Oui, c’est moi. Ouf! Je pensais ne jamais arriver à te joindre! Rien ne fonctionne plus dans ce foutu pays. J’ai essayé tous tes téléphones.

– Foutu pays? De quel pays tu parles? De la France?

– Non, non, non…Comment ça la France? Tu plaisantes ou quoi? La France, c’est le pays des « Lumières », tout fonctionne à merveille. Il y a bien sûr une petite poignée d’ingrats qui rouspètent dans la rue, mais ils ne savent pas qu’ils vivent dans l’antichambre du paradis. Non, sérieux. Moi dire du mal de France? Ce pays qui nous a ramené la civilisation au Bled? Jamais!

– Ah, tu m’as fait peur.

– Si je comprends bien, tu n’as pas lu mon dernier tweet.  Je te l’ai envoyé par WhatsApp. Ne me dis pas que WhatsApp ne fonctionne plus lui aussi dans ce fichu pays?

– Non, je n’ai rien reçu. Pourtant, j’ai bien consulté mes messages entre une discussion avec ce clown de Zelensky et ce gâteux de Biden. Je ne sais plus où donner de la tête. Tu comprends, ils nous ont foutu dans la m…avec leur guerre. C’est pire que le Covid.

– Ah, bon. Je te résume la situation : je prends l’avion à Paris. Tu vois, superbe aéroport, excellent service, la classe, quoi. Puis j’arrive à Oran. Piteux aéroport, mines patibulaires. En deux heures et quelques, je suis revenu au moyen-âge, tu comprends. Mais ça, ce n’est pas grave.

– Comment ça, pas grave? Il y a autre chose?

– Ben oui! On m’a piqué ma valise.

– Ta valise? Quelle valise?

– Ben, la valise que j’avais pour mon voyage. Je suis arrivé au carrousel et elle n’était pas là.

– Mais ce sont des choses qui arrivent. À Paris, elle a peut-être été aiguillée vers une autre destination.

– Non, non, non. Les Français ne peuvent pas commettre une telle erreur. Voyons, Manu! Et puis, tu ne connais pas les Algériens, toi. Rien qu’à voir leurs faces, je sais qu’ils me l’ont piquée. Ils ont ça dans le sang.

– Allons Kamel, tu n’es pas un peu sévère avec tes anciens compatriotes?

– Moi sévère? Très indulgent, tu veux dire? Ils ont dû flairer l’odeur du stock de Reblochon et de Coulommiers que j’ai ramené.

– Tu penses?

– J’en suis certain. Tu me connais, quand je dis quelque chose, c’est que j’en suis sûr. Tu ne te rappelles pas l’histoire des viols de Cologne?

– Tu n’as pas pensé à une autre piste?

– Laquelle?

– Ben tout récemment tu as dit sur France Inter que l’Algérie est une dictature et que les Algériens détestent la France. Quelqu’un a peut-être été touché par tes propos. Il a dû te reconnaître et te piquer la valise pendant que tu signais des autographes à tes belles admiratrices.

– Ah ça, je n’y ai pas pensé. Ce n’est pas pour rien que tu es devenu président : analyse, réflexion, déduction…Wow!

– Élémentaire mon cher Watson! Euh…mon cher Kamel! Mais dis-moi, comment as-tu fait pour savoir que TOUS les Algériens détestent la France? As-tu fait un sondage, as-tu basé tes déclarations sur des études, … ?

– Certainement. J’ai réuni tous les copains à l’hôtel « Liberté, Égalité, Fraternité », tu sais l’hôtel où on a mangé à ton dernier passage à Oran. Je leur ai posé la question et tous ont répondu par l’affirmative. Mes copains, c’est l’Algérie, tu vois. Je n’ai pas besoin d’autre chose…

– Ah, oui? Et pour l’Algérie et la dictature, tu ne penses pas que tu y es allé trop fort, non? C’est vrai que nous t’avons demandé de lancer des bombes médiatiques contre l’Algérie, mais là, il s’agit d’un missile nucléaire à tête chercheuse!

– Mais moi je pensais que ça allait te faire plaisir! Une petite dictature par-ci, un sentiment anti-français par-là, …

– Oui, mais il faut y aller mollo…Avec l’aventure rocambolesque de Bouraoui, les diatribes de cet énervé du ciboulot de Driencourt, la résolution du parlement européen contre l’Algérie introduite par mon propre parti, il ne faut pas pousser le bouchon trop loin. Tu sais, j’attends la visite du président algérien. Il va partout, pourtant il reporte à chaque fois son voyage en France.

– Tu sais, mon intention était bonne. Défendre la France et ses intérêts c’est notre leitmotiv. Pas juste le mien, c’est aussi celui de mes copains.

– Mais puisque tu aimes tant la France, pourquoi tu n’y habites pas? Comme ça tu n’auras plus de contact avec les mines patibulaires et les voleurs de valises. En t’offrant le passeport français sans que tu répondes à tous les critères, je pensais que la première chose que tu allais faire, c’est déménager dans l’Hexagone. J’aurais pu te trouver un très bel appartement sur l’avenue Bugeaud dans le 16e. C’est vrai que ce maréchal a zigouillé quelques Arabes, mais on ne peut pas faire d’omelette sans casser d’œufs. L’œuvre civilisatrice de la colonisation française nécessite un minimum de dépenses, n’est-ce pas?

– Ta proposition est bougrement alléchante, Manu. Je vais y réfléchir, mais je ne veux pas trop prendre de ton temps maintenant, je sais que tu es très occupé. Dis-moi, qu’est-ce qu’on fait avec ma valise?

– Ta valise? Ne t’en fais pas, Kamel. Je t’envoie un nouveau stock de Reblochon et de Coulommiers par la valise diplomatique. Tu ne veux pas quelque chose d’autre?

– Non, ça sera largement suffisant. Merci Manu.

– Au fait, fais attention avec mes numéros de téléphone. Depuis l’affaire Pegasus et le coup bas de Momo 6, je me méfie de tout.

– Pas de problème, je prends mes précautions.

– Bye Kamel. Et pense à Bugeaud, …Euh, à l’avenue je veux dire…

– Bien sûr. Bye et merci encore Manu.

Avertissement
Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ou d’une imagination galopante.

 

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