Après la bourgeoisie espagnole qui a fait preuve d’une gabegie criminelle, responsable de la mort de plusieurs centaines de personnes lors des inondations dévastatrices à Valence au mois d’octobre dernier, c’est au tour de la classe dominante française d’être, par son incurie gouvernementale et politique coloniale répressive, responsable de la mort de milliers d’habitants de l’île de Mayotte, décimés faute de disposer d’une protection résidentielle digne, étant donné que la majorité des habitants de Mayotte résident dans des habitations précaires, c’est-à-dire des bidonvilles.
En effet, si le cyclone Chido a frappé très durement Mayotte samedi, détruisant notamment l’intégralité des habitations, c’est en raison de la défaillance de l’aménagement résidentiel et urbanistique de l’ile, autrement dit du fait de l’absence de logements aux normes paracycloniques capables de faire face à des cyclones courants dans cette région océanique.
Mayotte, département le plus pauvre de France, est un immense bidonville, un gigantesque ghetto abritant notamment des sans-papiers. Dans le cadre de la politique répressive anti-migrants, pour faire place nette, depuis plusieurs mois, de brutales opérations militaro-policières de traque aux sans-papiers et de destruction des habitats informels sont menées sur l’île. Et ces opérations ont assurément participé à l’alourdissement du bilan du passage du cyclone, par l’approfondissement de la précarité des habitants des bidonvilles, l’affaiblissement de leur capacité de protection, leur réticence de se mettre à l’abri. Une chose est sûre, victimes de traques incessantes, par crainte d’être interpellés, placés en centre de rétention et expulsés, des milliers d’habitants de l’île n’ont pas osé prendre le risque de se réfugier dans les quelques abris ouverts par les autorités.
En tout cas, depuis samedi 14 décembre, les images en provenance de Mayotte montrent un paysage de désolation. D’apocalypse. Si jusqu’à samedi 14 décembre Mayotte avait l’aspect d’un bidonville, depuis, l’île ressemble à un territoire sans ville, sans vie.
Si le gouvernement Macron n’a pas fourni un bilan des victimes, les autorités locales mahoraises parlent d’ores et déjà de «plusieurs centaines de morts, voire quelques milliers». Bilan catastrophique eu égard au nombre d’habitants de l’île. Selon les derniers recensements, Mayotte compterait 321 000 habitants. Avec 1 000 morts à Mayotte, c’est l’équivalent de 200 000 morts en métropole.
Pour autant, si le cyclone Chido tire sa puissance d’un environnement océanique exceptionnel marqué, cette année, par «des températures de surface des eaux proches de 30 degrés et des eaux chaudes très profondes», ce facteur climatique ne suffit pas à lui seul à expliquer l’ampleur des ravages et du carnage de Chido. «On a cet aléa qui se cumule avec des crises déjà existantes», a expliqué sur BFM le météorologue Gaël Musquet. Entre autres la crise du logement, ou plus exactement la défaillance d’habitations. Mais également la crise sociale. A Mayotte, 80% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, un tiers dans des habitations de fortune et des bidonvilles. 30% de la population n’ont pas accès à l’eau courante à son domicile. Pour rappel, le territoire sort d’une épidémie de choléra. Aussi les conséquences en termes sanitaire du passage du cyclone s’annoncent-elles épouvantables pour la population mahoraise déjà fragilisée.
Force est de constater que l’ampleur de la dévastation de Mayotte témoigne de la nature profondément coloniale de la gestion de cette île, de la piètre considération dont les populations autochtones mahoraises sont tenues par les autorités françaises impérialistes.
Dans cette colonie française, Mayotte, confisquée aux Comores pour des besoins géostratégiques, la classe dominante française est la principale responsable de la misère endémique, du chômage de masse et de l’absence de perspective sociales pour la majorité des habitants de l’île. Elle est également responsable de l’hécatombe provoquée par le cyclone ce samedi 14 décembre.
Or, pour s’exonérer de sa responsabilité, la classe dominante coloniale française et leurs médias mainstream s’ingénient à incriminer le «changement climatique». L’ampleur de la catastrophe aurait été rendue possible, selon eux, par le «changement climatique».
Le «dérèglement climatique» a bon dos. En réalité, c’est le capitalisme qui tue et qui va continuer à tuer. Soit délibérément, par ses multiples et récurrentes guerres. Soit indirectement, par ses défaillances et ses incuries en matière de politique de prévention et de protection urbanistique, comme viennent de l’illustrer les classes bourgeoises espagnoles et françaises, avec les inondations dévastatrices à Valence et le cyclone meurtrier à Mayotte.
Parce que sa quête perpétuelle du profit maximal l’incite, particulièrement en période de crise économique, à comprimer les dépenses allouées à la prévention et à la protection, notamment contre les catastrophes sanitaires et «naturelles», le capitalisme condamne des populations à la mort. Une chose est sûre, toutes les contemporaines tragédies, guerres génocidaires, gestion calamiteuse de l’épidémie de Covid, inondations meurtrières, démontrent la faillite du mode de production capitaliste.
Comme l’a écrit, au siècle dernier, le dirigeant marxiste italien Amadeo Bordiga : «Le capitalisme n’est pas innocent non plus des catastrophes dites naturelles. Sans ignorer l’existence de forces de la nature qui échappent à l’action humaine, bien des cataclysmes ont été indirectement provoqués ou aggravés par des causes sociales. (…) Non seulement la civilisation bourgeoise peut provoquer directement ces catastrophes par sa soif de profit et par l’influence prédominante de l’affairisme sur la machine administrative (…), mais elle se révèle incapable d’organiser une protection efficace dans la mesure où la prévention n’est pas une activité rentable. (…) S’il est vrai que le potentiel industriel et économique du monde capitaliste s’accroît et ne s’infléchit pas, il est tout aussi vrai que plus grande est sa force, pires sont les conditions de vie des masses humaines face aux cataclysmes naturels et historiques».
En tout état de cause, la thèse du «dérèglement climatique» est balayée rageusement par les habitants de Mayotte. Les autochtones mahorais accusent les autorités françaises de négligence criminelle.
Cela étant, ainsi que les inondations meurtrières en Espagne l’ont démontré, la bourgeoisie française gère cette catastrophe à la fois avec cynisme et impuissance. Alors que la France capitaliste est capable de déployer des moyens technologiques pharamineux dans le domaine militaire, de débloquer instantanément des centaines de milliards d’euros pour soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine ou la rapacité financière des Big Pharma (achat inutile des «vaccins» contre le Covid), en revanche elle ne voit aucun intérêt à prendre des mesures préventives durables pour éviter des catastrophes, car ce n’est pas rentable.
Une chose est sûre, plus le capitalisme, fondé sur le profit et la rentabilité et non sur les besoins humains, s’enfonce dans la décadence, moins il est en mesure d’exploiter les formidables forces technologiques qu’il a développées pour protéger l’humanité afin de maîtriser la nature.
Et si, aujourd’hui, la nature «reprend ses droits», c’est bien parce que le contre nature mode de production capitaliste, incarné notamment par l’immonde bourgeoisie française moribonde, n’est plus capable de dominer cette nature, d’apporter le moindre progrès, aucune perspective d’avenir à l’humanité.
Malgré tout, la catastrophe meurtrière de Mayotte démontre, si besoin est, «l’incapacité de la civilisation bourgeoise à organiser une protection efficace dans la mesure où la prévention n’est pas une activité rentable». Toutes les tragédies contemporaines, guerres, génocides, catastrophes climatiques, crise économique, chômage endémique, illustrent la faillite totale du mode de production capitaliste. Et, principalement, de l’un de ses créateurs et promoteurs, la France. Une France réduite à subir les cataclysmes gouvernementaux, calamités économiques, tourmentes financières, chaos institutionnel, désastre politique, ruine culturelle, faillite morale.
Khider MESLOUB