Par Khider Mesloub
En Allemagne, la ville Magdebourg a été meurtrie par un attentat à la voiture-bélier sur son marché de Noël. En effet, ce vendredi 20 décembre, vers 19h00, une voiture puissante s’est subitement engouffrée dans les allées du marché de Noël local, fauchant des dizaines de badauds sur son passage sur au moins 400 mètres. Bilan encore provisoire de ce carnage : 2 morts, dont un enfant, et plus de 60 blessés, dont une quinzaine grièvement.
«Nous avons vu le toit de la voiture, puis ça s’est passé. Tout le monde était ensuite allongé sur le sol, des enfants, des hommes, des blessés avec fractures ouvertes, c’est inimaginable», a raconté un témoin à la chaîne de télévision Welt TV. «C’est terrible, il y avait un cadavre à côté de moi pendant tout ce temps. Je pensais que j’allais juste au marché de Noël et une telle chose arrive. Le monde est malade», a ajouté sa femme.
L’assaillant, au volant de la voiture-bélier, a été arrêté et placé en garde à vue par les forces de l’ordre. D’après les autorités locales, il s’agit d’un homme de 50 ans originaire d’Arabie saoudite. A l’évocation de la nationalité de l’assaillant, de nombreux politiques et journalistes français, avec leurs habituels stéréotypes islamophobes, ont aussitôt parlé d’attentat islamiste. Selon ces commentateurs avisés, les marchés de Noël constituent une «cible idéologiquement appropriée pour les personnes motivées par l’islamisme».
En tout cas, tout comme lors du viol de Cologne du 31 décembre 2015, où Kamel Daoud, dans sa tribune intitulée «Cologne, lieu de fantasmes», relayant les idées nauséabondes islamophobes, avait ciblé sans autre forme de procès les musulmans, accusés tous d’être de potentiels violeurs, l’attaque à la voiture-bélier ayant visé des badauds du marché de Noël de Magdebourg aura réservé plusieurs surprises. Ce dramatique attentat aura fait éclater bien des stéréotypes.
On se souvient que Kamel Daoud avait écrit que les tabous liés à l’islam engendreraient une misère sexuelle et affective responsable des violences de Cologne. Il faudrait accompagner les réfugiés et migrants par une démarche culturelle, quitte «à partager, à imposer, à défendre, à faire comprendre» des valeurs.
Tout comme en 2016, au lendemain du viol de Cologne, la déception des Français perclus de stéréotypes islamophobes est, au lendemain de l’attentat de Magdebourg, palpable. Toute la classe politique française, tout comme la majorité des Français, est presque déçue car le suspect de l’attaque à la voiture-bélier est, certes, arabe, originaire d’Arabie saoudite, mais il n’est pas musulman. Il est athée.
Selon plusieurs sources allemandes, l’assaillant est un médecin psychiatre se présentant comme athée. Il aurait milité pendant neuf ans pour les migrants réfugiés issus de l’opposition athée saoudienne. Il reprocherait aux autorités allemandes de ne pas assez protéger les réfugiés saoudiens non-croyants. Par ailleurs, il considérerait les citoyens allemands responsables des persécutions policières dont il serait victime (les services secrets allemands l’auraient-ils harcelé pour l’acculer à commettre l’irréparable ?). Plus troublant, il reprocherait aux autorités allemandes d’avoir délibérément favorisé l’islamisation de l’Europe. Curieusement, il aurait annoncé il y a quelques semaines sur les réseaux sociaux, sans attirer l’attention des services de renseignements : «Si l’Allemagne veut nous tuer, nous les massacrerons.»
Certains médias lui prêtent des accointances avec l’extrême-droite allemande. Ce médecin saoudien présente le même profil idéologique que Kamel Daoud et Boualem Sansal, deux écrivaillions connus pour leurs idées fascistes.
En tout cas, le député LFI Thomas Portes ne s’est pas trompé en titrant son post publié sur X : «L’Internationale fasciste.»
Cela étant, depuis plusieurs décennies, selon des stéréotypes bien établis en France et en Europe, un massacre commis par un Arabe est forcément l’œuvre d’un musulman. Pis. Tout attentat est forcément commis par un musulman. Dans une France en voie de fascisation, selon un préjugé islamophobe bien ancré, pour la majorité des personnes françaises tout attentat est infailliblement perpétré par un musulman. Mieux. Le terrorisme est, selon les stéréotypes racistes français d’essence islamique.
Or, le terrorisme est né en Europe, avec les narodniks russes, les anarchistes français, les Irlandais. Sans oublier les organisations terroristes sionistes européennes, notamment l’Irgun et la Haganah. Le terrorisme de l’OAS. Le terrorisme d’extrême-gauche perpétré dans les années 1970-80.
Quant aux attentats, c’est-à-dire les crimes commis contre un groupe de personnes, associés injustement aux pays musulmans, ils sont commis majoritairement dans un pays démocratique occidental, qui plus est majoritairement chrétien : les Etats-Unis. Si l’on s’en tient à la définition des dictionnaires pour qui le terme attentat signifie, entre autres, tentative criminelle contre une personne ou un groupe, l’Amérique détient le record d’attentats perpétrés sur son territoire. C’est-à-dire des crimes commis contre une personne ou un groupe. Par ailleurs, ces attentats ou crimes collectifs sont commis par des Américains majoritairement blancs de confession chrétienne.
De manière générale, en dépit de l’application de la peine de mort, ce pays, au modèle libéral criminogène, détient le sinistre record mondial des taux d’homicides et des massacres de masse, ces fusillades qui défrayent régulièrement la chronique mondiale. Selon les statistiques publiées par la police fédérale (FBI), les Etats-Unis ont enregistré plus de 21 500 homicides en 2021, soit près de 59 par jour. Un grand nombre de ces homicides est perpétré par des enfants âgés de 10 à 19 ans. Pareillement en 2022 et 2023. L’année dernière, en 2023, il y a eu quasiment 700 fusillades, c’est-à-dire attentats. Soit presque deux fusillades par jour.
Les Etats-Unis constituent, parmi les pays chrétiens «en paix», la nation où le risque de mourir d’une arme à feu ou dans une tuerie de masse est le plus élevé au monde. 25 mineurs meurent chaque semaine par balle et 91% des enfants tués dans le monde par des armes à feu le sont aux Etats-Unis. Ainsi, l’Amérique, pourtant imprégnée de religiosité chrétienne, demeure une société foncièrement criminogène et belligène, vectrice de délinquance et de crimes.
Depuis 2012, il y a eu 3 865 fusillades de masse, commises par de jeunes Américains, majoritairement blancs de confession chrétienne. En effet, ces jeunes sont souvent issus de familles «blanches» pieuses, fréquentant régulièrement l’église. Ce sont des jeunes baptisés, grands lecteurs de la Bible. Et pourtant, curieusement, on n’incrimine jamais la religion chrétienne d’être pourvoyeuse de meurtres, de massacres de masse. On attribue le crime à la folie de l’auteur de l’attentat, c’est-à-dire de la fusillade. On n’établit jamais de lien entre l’auteur de l’attentat et son appartenance religieuse chrétienne. La religion chrétienne est exemptée de toute culpabilité, de responsabilité.
Khider MESLOUB
