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Les deux patrons de la police nationale française doublement hors-la-loi ?

Par Khider Mesloub

Rien ne va plus dans la police française. Une police entrée en sécession factieuse vis-à-vis de l’autorité étatique. Une police désormais hors-la-loi. Hors service. Hors-jeu sécuritaire, car elle a décidé d’inscrire sa mission dans des enjeux contestataires subversifs. Une police infestée par des conjurés qui ont juré de faire régner le désordre. De plonger le pays dans le chaos. De surcroît à l’instigation de sa hiérarchie et de ses responsables syndicalistes animés d’un esprit émeutier.

Au lendemain de la mise en détention d’un policier de la BAC de Marseille, mis en examen pour « violences volontaires, les policiers et leurs hiérarchies avaient exigé sa libération et un traitement juridique d’exception pour les forces de répression. Ce coup de force des policiers vise à imposer la légalisation d’un régime d’impunité totale. En réclamant un régime d’exception, les policiers appellent en fait à une légalisation de l’impunité dont ils bénéficient dans les faits. Par sa légalisation, cette impunité entraînerait inéluctablement la systématisation légalisée des violences et des crimes policiers. Leur démultiplication. Un second saut qualitatif dans l’autoritarisme. L’État policier. Pour rappel, comme l’avait souligné le sociologue Sébastian Roché, c’est « le mouvement des « policiers en colère », en 2016, qui avait débouché sur la loi de 2017 assouplissant le cadre d’usage de l’arme », entraînant la multiplication par 5 les meurtres dans le cadre de tirs sur des véhicules en mouvement pour des soi-disant « refus d’obtempérer ». La légalisation de l’impunité totale aurait des conséquences similaires : la désinhibition de la violence policière, la flambée des crimes policiers. 

En tout cas, dans leur détermination de légaliser leur droit à tabasser et à tuer en toute impunité, les policiers et leurs syndicats peuvent compter sur le soutien de leur hiérarchie.

En effet, cette offensive policière factieuse a obtenu l’appui de leur hiérarchie, et même de Gérald Darmanin.  Pour sa part, le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, avait apporté son soutien à la mobilisation des policiers insurgés contre le placement en détention provisoire de cet agent par le juge d’instruction. Il avait déclaré qu’un policier dans l’exercice de sa mission ne devrait pas être soumis au régime de la détention provisoire. Il avait ajouté qu’il était favorable à la libération du policier de la BAC de Marseille, incarcéré pourtant pour violences volontaires. « Il faut se donner les moyens techniques et judiciaires pour que ce fonctionnaire de police retrouve la liberté », avait-t-il ajouté en forme de défi à l’autorité judiciaire. 

Cette revendication d’impunité policière totale, d’exemption pénitentiaire, intervient au moment où l’ensemble de la corporation des policiers exige des juges un renforcement de la sévérité pénale contre les « délinquants ». Autrement dit la mise en détention systématique des suspects appréhendés par la police, même une personne qui a volé une boîte de fromage ou détérioré une boîte à lettres.  

La déclaration incendiaire de Frédéric Veaux avait suscité l’indignation des magistrats et de plusieurs personnalités politiques de gauche. « Il faut mesurer la gravité de ce qui est en train de se passer. Le patron de la police utilise sa position pour faire publiquement pression dans une affaire individuelle », s’insurgeait Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature.

Du côté de la classe politique de gauche, outrée par les propos séditieux du patron de la police nationale, l’indignation et la fustigation s’étaient exprimées sur tous les supports communicationnels, notamment Tweeter. Le Directeur Général de la Police Nationale (DGPN) et le préfet de police de Paris, en soutenant les policiers, « mettent au défi la République » et les « règles constitutionnelles », avait déclaré en substance la classe politique de gauche. 

Pour sa part, David Guiraud, député LFI, avait fustigé les propos séditieux de Frédéric Veaux et d’autres responsables policiers. « Nous sommes face à des organisations policières factieuses qui demandent à ce que la police soit au-dessus des lois », avait-il déclaré sur BFMTV. 

Quant au chef des insoumis, Jean-Luc Mélenchon, il avait écrit sur son blog :« La gravité de la collusion des chefs de la police n’est pas tant dans les propos qu’ils ont tenus en s’alignant sur des attitudes inacceptables et contre républicaines. C’est qu’ils se soient sentis obligés de le faire par incapacité à faire respecter la loi républicaine et le minimum de déontologie policière dans un état démocratique ».

De son côté, le député et Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, avait jugé la déclaration du DGPN « gravissime », fustigeant « la hiérarchie policière » qui se « place au-dessus de la justice et des règles de la détention provisoire ». « Ce qui se joue là, c’est la démocratie et le respect de l’État de droit. Le parlement doit être réuni en urgence », avait tonné l’élu, toujours sur Twitter.

Du côté du parti des écologistes, même indignation. Le député écologiste, Benjamin Lucas, avait tweeté : « L’indépendance de la justice, son autorité républicaine sur tous – y compris les policiers – sont remises en cause par un quarteron de chefs de la Police dans une opération coordonnée qui marque un précédent grave. Le silence du gouvernement marque-t-il sa complicité ? ».

Pour rappel, ces propos séditieux, remettant en cause l’institution judiciaire, avait valu à Frédéric Veaux le soutien du préfet de police de Paris, Laurent Nuñez. « Je partage les propos du DGPN », avait-t-il écrit sur Twitter.

Ce soutien du préfet avait suscité également le courroux de plusieurs élus de gauche. Dont le député Insoumis Bastien Lachaud. « La plus haute hiérarchie policière attaque la justice. Effrayant. À force de ne s’appuyer que sur la répression, de couvrir toutes les bavures, le pouvoir macroniste a perdu tout contrôle », avait-t-il tweeté. Quant à son collègue, Louis Boyard, il avait interpellé le gouvernement : « Après tant de violations de l’État de droit, la question se pose : est-ce le Gouvernement qui contrôle la police, ou est-ce la police qui contrôle le Gouvernement ? »

Pour sa part, le chercheur Sebastian Roché, spécialiste des questions de délinquance et de la police, s’était alarmé : « En s’en prenant – en tant que fonctionnaire – au fonctionnement des institutions, il introduit un coin dans l’autorité de l’État. Et pas un petit. Un haut fonctionnaire en activité pourrait ainsi défier la séparation des pouvoirs, et conseiller à l’autorité judiciaire son comportement. Quelle justification à cette tactique ? On va entendre les plus hautes juridictions judiciaires et administratives s’exprimer très vite. »

En tout cas, les déclarations séditieuses du directeur général de la police nationale, remettant en cause la justice, avaient été bien accueillies par les policiers et leurs syndicats. Elles ont été entendues comme un appel à la « résistance ». Pour certains, comme une incitation à la rébellion. Aussitôt, faute de pouvoir se rebeller par leur mise en grève, plusieurs milliers de policiers se sont « mutinés » par le recours à l’arme de l’arrêt maladie. D’autres avaient répondu à l’appel du syndicat Unité SGP Police et s’étaient mis en « code 562 », un jargon policier qui signifie qu’ils n’assument plus que les missions d’urgence et essentielles. 

Cette mutinerie policière s’est ensuite étendue à l’ensemble de l’Hexagone, soutenue par l’ensemble des syndicats de la police et de la hiérarchie. Sans oublier Gérard Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui a approuvé les déclarations séditieuses de Frédéric Veaux, réclamant une juridiction d’exemption permettant l’impunité totale aux policiers. 

Ce soutien apporté par Darmanin aux policiers factieux avait indigné les magistrats. Dans un communiqué, de hauts magistrats de Cours d’appel avaient exprimé leur inquiétude devant la dégradation de l’État de droit, exacerbée par les propos de Gérald Darmanin. « Le ministre de l’Intérieur critique des décisions de justice qui ont été prises par des magistrats judiciaires indépendants. (…) C’est une atteinte à la séparation des pouvoirs car il met en cause des décisions de justice et la façon dont les magistrats appliquent la loi », avait estimé Éric Corbaux, procureur général de Poitiers.

Ironie du sort, après avoir impulsé la mutinerie des policiers par leurs déclarations séditieuses, policiers encouragés à se mutiner pour démanteler l’autorité de la justice, les chefs de la police nationale, Frédéric Veaux et Laurent Nuñez, viennent de se retourner contre les policiers. En effet, coup de Trafalgar. Sans crier gare, ces deux boutefeux, véritables pyromanes, ont décidé de sévir contre les policiers qui ont cru bien faire en suivant les recommandations implicites de leurs deux chefs : se rebeller, y compris par le recours à l’arme de l’arrêt maladie. Il s’agit là, selon certains syndicalistes, d’un véritable coup de poignard planté dans le dos des policiers par les deux patrons de la police nationale. 

Depuis le 4 août 2023, les policiers en arrêt maladie sont menacés de privation de leur salaire. Ou plutôt de retenues sur salaires. Face aux arrêts maladie en cascade dans la police française, le directeur général de la police nationale appelle désormais à les rejeter et à procéder à des retenues sur salaires.  Dans une note interne du patron de la police nationale adressée ce vendredi à tous les directeurs zonaux de la police nationale, il indique que « l’administration est fondée à rejeter une demande de congé maladie aux agents qui, affectés dans ces services, lui ont adressé un arrêt de travail au cours de cette période et à procéder, en raison de l’absence de service fait, aux retenues sur salaires afférentes. » « À compter de ce jour, les demandes d’arrêt de travail sont susceptibles de faire l’objet de décisions de refus, accompagnées d’une information individuelle des fonctionnaires concernés », a ajouté le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux. 

De son côté, le préfet de police de Paris Laurent Nunez a d’ores et déjà annoncé que certaines demandes d’arrêts maladie seraient refusées.

Le patron de la police nationale et le préfet de Paris ont annoncé que cette directive entre en vigueur dès ce vendredi 4 août. Ils ont rappelé que les fonctionnaires actifs de la police ne disposent pas du droit de grève et que toute « cessation concertée du service ou tout acte collectif d’indiscipline caractérisé peut être sanctionné ».

Après avoir incité les policiers à se rebeller, aujourd’hui les deux patrons se retournent contre eux et menacent de les sanctionner. Notamment en les affamant par la ponction leurs salaires. 

Cette décision a suscité la colère des syndicats.  « Quand on est en arrêt-maladie, c’est qu’on n’est pas bien, c’est que ça ne va pas, ni moralement, ni physiquement », a déclaré Bruno Bartocetti, secrétaire national du syndicat Unité SGP-FO Police, jugeant cette décision dure. « Le combat va être difficile, parce qu’il est administratif et juridique », a-t-il ajouté.

Avec cette provocante décision de refus d’agréer les arrêts maladie et de retenues sur salaires, les deux patrons de la police viennent d’ouvrir un nouveau front de sédition dans l’institution policière devenue incontrôlable. 

Décidément, ces deux représentants de la loi se mettent de nouveau en infraction. Après avoir contesté illégalement la décision de justice de mettre en détention l’agent de la BAC de Marseille, il conteste maintenant la légalité de l’arrêt maladie des policiers. 

Pour information, l’arrêt maladie est un droit législatif. Aucun employeur ne peut le refuser. En effet, un arrêt de travail transmis dans les délais, c’est-à-dire dans les 48 heures après avoir été prescrit par un médecin, ne peut pas être refusé par un employeur. En revanche, si celui-ci verse des indemnités complémentaires à celles de l’Assurance maladie, ou s’il maintient le salaire pendant cette période d’absence, il peut demander uniquement une contre-visite médicale. 

Certes, dans le cas des agents publics, existent quelques exceptions. Notamment, curieusement, depuis un récent arrêt du Conseil d’État, rendu au mois d’avril 2023. Selon cet arrêt pondu paradoxalement par le Conseil d’État au moment du mouvement de contestation contre la réforme des retraites, « dans des circonstances particulières, la personne publique peut refuser des demandes de congé maladie, notamment lorsque celles-ci sont déposées dans le cadre d’un mouvement social de grande ampleur dans une administration où la cessation concertée du service est interdite et lorsqu’elle fait face à la réception d’un nombre important et inhabituels d’arrêts de travail sur une courte période. L’administration est fondée à refuser d’accorder des congés de maladie aux agents du même service, établissement ou administration lui ayant adressé un arrêt de travail au cours de cette période ».  C’est sur ce récent arrêt (autocratique) que s’appuient les deux patrons de la police nationale pour sévir contre les policiers tentés par le recours à l’arrêt maladie. Quoique l’arrêt maladie soit justifié. Quoi qu’il en soit, s’ils s’avisent à refuser les arrêts maladie des agents de police, ils s’exposent à affronter une fronde policière radicale, insurrectionnelle. 

Cela dit, après avoir contesté l’autorité de l’institution judiciaire, les deux patrons de la police nationale, Frédéric Veaux et Laurent Nuñez, contestent maintenant l’autorité du corps médical, en particulier la validité des arrêts maladie que les médecins délivrent à bon droit à leurs patients, les policiers.

Comme l’a déclaré samedi 5 août sur BFMTV le Dr Jérôme Marty (président de l’Union française pour une médecine libre), le refus de certains arrêts maladie de policiers par la hiérarchie constitue « une atteinte grave si on en fait la règle ». Les deux patrons de la police exigent, selon Dr Jérôme Marty, que « les policiers devront faire la preuve du fait médical qui a amené à l’arrêt du travail ». « Et à qui ils vont faire cette preuve, s’interroge-t-il. À un non médecin. Et là il y a un bafouement très important du secret médical. On ne peut pas faire n’importe quoi », a-t-il martelé. 

En tout état de cause, l’employeur ne peut pas licencier le salarié en raison de son état de santé : la maladie ne constitue pas un motif de licenciement. Encore moins l’État. Les fonctionnaires sont protégés. 

Une chose est sûre, la majorité des arrêts maladie est réellement justifiée. Il ne s’agit pas d’arrêt maladie de complaisance. La police française, transformée en garde prétorienne au seul service de la classe dominante en déclin, est malade. Épuisée. Surmenée car sursollicitée à mater et réprimer en permanence les mouvements de contestation sociale, les révoltes des quartiers populaires. « Beaucoup de mes collègues ont été voir leur médecin qui les a placés immédiatement en burn-out parce que les policiers n’en peuvent plus », a déclaré le porte-parole d’Alliance Police dans les Bouches-du-Rhône à France 3 Provence-Alpes.

Rien ne va plus dans la police française, première institution à enfreindre les lois de la République par ses permanentes actions factieuses. Première à piétiner les règles de civilité lors de son exercice professionnel, emmaillé de violences, d’exactions, d’agressions, de discriminations, d’humiliations, d’arrestations arbitraires. De crimes. De meurtres. Des infractions et crimes, par ailleurs, systématiquement couverts et cautionnés par sa hiérarchie. 

 

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