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Ces oubliés de la république: Les jeunes en emploi précaire

Le Président de la République Abdelmadjid Tebboune avait annoncé fin Février 2023, lors de sa rencontre périodique avec la presse nationale que « d’ici le mois de décembre 2023, il n’y aura plus de contrats à durée déterminée » (CDD). Il a souligné à ce propos, que les citoyens doivent être convaincus que l’État s’emploie à prendre réellement en charge leurs préoccupations.                                 

Par Houria Ait Kaci

Le Président de la République Abdelmadjid Tebboune avait annoncé fin Février 2023, lors de sa rencontre périodique avec la presse nationale que « d’ici le mois de décembre 2023, il n’y aura plus de contrats à durée déterminée » (CDD). Il a souligné à ce propos, que les citoyens doivent être convaincus que l’État s’emploie à prendre réellement en charge leurs préoccupations.                                 

Plus d’une année après cette annonce, le Ministère de l’Emploi et de la sécurité sociale n’a pas pris en charge cette orientation et n’a pas promulgué une loi pour éradiquer cet emploi précaire qui touche des milliers de jeunes algériens.  A Quelques jours de la célébration du 5 Juillet, fête de l’Indépendance et de la Jeunesse, il faut espérer que cette lacune soit comblée. 

Ce ne sera que justice pour tous ces milliers de jeunes en pré-emploi, sous CDI et CDD,  vivant dans une situation de précarité avec « une épée de Damoclès sur la tête ». Ils subissent le diktat des responsables, directeurs et patrons, qui peuvent mettre fin à leur contrat « sans indemnités ni préavis » Sans beaucoup d’expérience, par peur de perdre leur place, ils sont terrorisés et n’osent même pas se plaindre au syndicat ou à l’Inspection du travail pour revendiquer leurs droits. Qu’attend le Ministre de l’Emploi et de la sécurité sociale pour lancer une loi mettant fin ou réduisant la durée du recours à ce type de contrats –CDD- qui laisse cette force de travail juvénile  sans protection face à l’exploitation, l’atteinte à leur dignité, l’arbitraire, la « hogra ») la corruption ? 

Bien que la loi actuelle précise que les CDD sont prévus pour effectuer des taches temporaires ou sur des périodes réduites, des employeurs abusent de cette formule. Il y a même des cas où des entreprises où exercent des jeunes recrutés sont sous CDD depuis plus de 2 ans !                                     

  Or, selon la Législation du Travail, dans son Art 1, « Le contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée, à temps plein ou partiel, dans les cas expressément prévus » par la Loi. Ces cas concernent le recrutement pour « l’exécution d’un travail lié à des contrats de travaux ou de prestations non renouvelables », pour « remplacer le titulaire d’un poste qui s’absente temporairement », pour « effectuer des travaux périodiques à caractère discontinu »,  un travail saisonnier ou temporaire.  Selon cette même loi : « Le contrat de travail conclu pour une durée déterminée en infraction à la loi est considéré comme un contrat de travail à durée indéterminée ». 

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Mais dans ce cas, il faut que le jeune contractuel aille se plaindre au syndicat et à l’Inspection du travail pour faire prévaloir ce droit. Or ces jeunes sous CDD ne pouvaient pas exercer leur droit  syndical, jusqu’à une date récente. En effet cela vient d’être corrigé par la Loi 23/02 sur l’exercice du droit syndical qui, en son article 2, précise que « Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux employeurs et aux travailleurs salariés, quelle que soit la nature juridique de leur relation de travail ».  

Le Ministère du Travail n’a pas jugé non plus utile d’intervenir dans le cas  de l’assurance chômage pour présenter un projet de modification du Décret Législatif 94/11 qui leur accorderait le bénéfice de l’indemnité d’assurance – chômage au terme de leurs CDD.  Aujourd’hui encore que ces jeunes en CDD n’ouvrent même pas droit à l’Assurance – chômage quand leurs CDD arrivent à terme- alors qu’ils y cotisent depuis Mai 1994.  Ou va alors l’argent de cette cotisation ? Le titulaire d’un CDD arrivant à terme n’ouvre pas droit à l’allocation – chômage puisqu’il n’est pas primo – demandeur d’emploi, comme indiqué dans l’article 2 du Journal officiel du 27 février 2022.   

Ces jeunes sous CDD ne peuvent pas non plus bénéficier d’un crédit bancaire pour souscrire à un prêt logement et pouvoir fonder un foyer, acheter une voiture (encore moins l’importer comme cela a été suggéré par le Ministre de l’industrie Ali Aoun, qui devrait plutôt encourager l’industrialisation des moyens de transport public).

 Ces jeunes sont issus en général des couches populaires et leurs parents qui éprouvent déjà des difficultés pour subvenir à leurs propres besoins, peuvent difficilement continuer de soutenir leurs enfants pendant longtemps. Les aides de l’Etat apportées à ces couches sous forme diverses, comme le relèvement des pensions et des retraites leur permettent certes de souffler mais elles sont insuffisantes vu que ces hausses sont vite rattrapées par l’inflation. 

Cependant, il existe d’autres moyens pour l’Etat de venir en aide aux jeunes en difficultés comme la création d’un Fonds financier de soutien à la Jeune génération qui serait alimenté par une partie de la rente pétrolière et gazière.  Les hydrocarbures sont une richesse naturelle propriété de tous les Algériens et ces jeunes appelés à devenir « les Algériens de demain » doivent pouvoir compter aujourd’hui sur la solidarité nationale.                                                                                      

Ce Fonds pourrait aussi servir à l’aide au logement pour les jeunes à revenus modestes qui veulent fonder un foyer sans avoir à attendre d’avoir l’âge de 40/50 ans pour se marier. Ce Fonds pourrait aussi servir au financement de logements gratuits pour les jeunes souhaitant travailler et s’établir dans le Sud pour peupler le Sahara ou travailler dans d’autres régions enclavées du pays. C’est ce que font plusieurs pays, pour attirer les travailleurs qualifiés ou pour booster le développement de certaines zones où les investisseurs ne se bousculent pas. 

L’Algérie est un pays riche et cette richesse doit bénéficier à tous ses enfants. La répartition équitable des richesses et revenus de la Nation, la justice sociale, la politique d’équilibre régional, doivent demeurer une réalité tangible de l’Etat Démocratique et Social, fondement de notre lutte de libération nationale et de notre République née le 5 Juillet 1962, après une longue lutte de résistance et une guerre anti- coloniale contre la barbarie coloniale française. 

Cependant il faut bien relever que le retard mis par l’exécutif dans la publication d’une loi, d’un texte d’application d’une mesure annoncée par le président de la république n’est pas rarissime. Il a d’ailleurs lui-même pris à témoin l’opinion publique à ce sujet et a relevé de leur fonction plusieurs responsables pour  laxisme et manquements à leurs obligations. 

Mais les légendaires lenteurs et lourdeurs de la Bureaucratie algérienne semblent ne pas vouloir prendre fin. D’ailleurs, la fameuse Réforme administrative promise bien avant l’arrivée de Tebboune au Pouvoir, semble encore à l’état de projet malgré certaines mesures prises en matière d’allègement de certaines procédures pour rapprocher l’administration des citoyens. 

Récemment encore le 20 février de l’année en cours, dans un message lu en son nom à la rencontre nationale organisée par l’instance du médiateur de la République à l’Ecole nationale d’administration, Mr Tebboune a souligné que « l’édification d’un Etat moderne requiert une administration publique moderne débarrassée de l’impéritie héritée et des pratiques douteuses liées aux procédures bureaucratiques, et libérée de l’arbitraire des responsables et des fonctionnaires, une administration publique nationale qui place le service du citoyen au cœur de ses priorités».  Et d’ajouter : « Une fois cet objectif concrétisé, la confiance du citoyen en les institutions et structures de l’Etat s’installera ».

Combien de gouvernements faudra t-il encore attendre pour voir disparaitre ces «impérities » ou cette inaptitude, cette incompétence, pour avoir enfin une administration au service du citoyen et non une administration qui broie du citoyen, comme ces appareils qui servent à broyer de vieux papiers ? Sauf que là il ne s’agit pas de papier mais d’êtres humains…                                                                 Mr Teboune, quelque soit l’opinion qu’on peut avoir sur sa politique, est un être humain, comme il l’a montré dans plusieurs circonstances où il est intervenu en personne pour la prise en charge de personnes démunies et en difficultés, ne peut rester insensible à la situation de ces jeunes travailleurs, citoyens de la future Algérie, comme il l’a déjà fait pour les enseignants et les médecins contractuels. 

C’est de cet être humain qui accorde beaucoup d’intérêt au travail, à l’effort et à la créativité de la jeunesse, que ces jeunes milliers de travailleurs en situation précaire, attendent aujourd’hui une action énergique pour mettre fin à ce type de contrats indignes de « l’Algérie nouvelle »  au moment où l’Algérie célèbre ses 62 ans d’indépendance. 

Il est grand temps que l’Administration soit réellement au service de la Nation et des citoyens et non pas un « Etat dans l’Etat » pouvant décrédibiliser, desservir les actions du président de la république et de toute la République, au profit d’intérêts occultes.

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