Contribution

Le ballet des somnambules

Par Djeha

Ces deux derniers jours, nous avons assistés à un singulier spectacle.

Mercredi 08 février 2023. À Londres et, tard le soir, à Paris.

 1.- D’abord à Londres qui a capturé l’essentiel de la journée : À Westminster, devant les deux chambres du Parlement britannique. « Je vous demande, à vous et au monde, des mots simples mais pourtant très importants : des avions de combat pour l’Ukraine, des ailes pour la liberté. » Les autorités britanniques ont annoncé mercredi leur offre d’entraînement des pilotes de chasse ukrainiens aux avions de dernière génération.

Puis a été reçu par le roi Charles III au palais de Buckingham.

2.- Zelensky arrive vers 22h à l’Elysée, accueilli par le président français et, surprise, par le chancelier allemand.

On peut se demander dans quelle mesure l’escale parisienne avait été improvisée.

Des déclarations brèves des trois chefs d’Etat.

Une seule nouveauté : l’alignement de Macron sur les principales positions de Zelensky en particulier sur son plan en 10 points.

3.- L’intervention de O. Scholtz n’apporte aucune information nouvelle et se limite à des généralités très formelles.

Si Ukrainien et Français se tutoient et s’appellent par leurs prénoms (curieux : rien avant cette rencontre ne laissait présager une telle familiarité à l’américaine), O. Scholtz reste, lui, très réservé.

4.- Dîner à trois à l’issue duquel E. Macron décore Zelensky de la Légion d’honneur.

« Le président de la République a élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur le président Zelensky, il s’agit de la plus haute distinction qu’un président peut remettre à son homologue ». (Communiqué de l’Elysée).

M. Macron a partagé dans un tweet une vidéo dans laquelle on peut le voir remettre la Légion d’honneur à son homologue ukrainien. « Hommage à l’Ukraine et à son peuple. Hommage à toi, cher Volodymyr, pour ton courage et ton engagement », a écrit le chef de l’Etat sur le réseau social.

Tutoiement de rigueur.

 J. 09 février 2023. À Bruxelles.

Zelensky gagne Bruxelles dans l’avion présidentiel français en compagnie de E. Macron.

– « Bienvenue chez vous, bienvenue dans l’UE », lance sur Twitter le président du Conseil européen, Charles Michel, au président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

Salle du parlement. La majorité des députés applaudit. Mais il y a beaucoup de sièges vides.

– Roberta Metsola présidente maltaise du Parlement (PPE = droite parlementaire)*

Discours en anglais alors qu’il n’y a plus un pays dans l’Union qui a l’anglais pour langue nationale après le Brexit…

En réalité, il n’en est pas ainsi à cause du Royaume Uni. En réalité, ce n’est pas en anglais que les Européens parlent, mais en américain.

« Je suis fière de dire que cette maison de la démocratie européenne, ses membres, notre Union Européenne ont toujours été à vos côtés.

« Nous comprenons que vous ne vous battez pas seulement pour vos valeurs mais pour les nôtres pour ces idéaux qui aident et qui nous tiennent ensemble qui font que nous sommes tous des Européens car l’Ukraine est l’Europe et l’avenir de votre nation est au sein de l’Union Européenne. (Applaudissements nourris dans la salle)

« Nous savons les sacrifices que votre peuple a consenti pour l’Europe et nous devons leur rendre hommage pas simplement pas des mots mais par des actes avec la volonté politique de faciliter les échanges et de permettre un processus d’adhésion aussi rapide que possible. Nous voulons aider à la reconstruction, nous voulons aider à la formation de vos soldats, nous voulons par les systèmes de défense, par les équipements dont vous avez besoin.

« Les Etats doivent maintenant réfléchir à la possibilité de vous fournir les avions de combat et les missiles de longue portée dont vous avez besoin. » (Applaudissements nourris dans la salle)

« Notre réponse doit être proportionnée à la menace et la menace est existentielle. » (…)

« Vous n’avez à convaincre personne ici à quel point il est essentiel de soutenir l’Ukraine, de soutenir ceux qui donnent leurs vies pour soutenir les idéaux qui sont les nôtres par les mesures concrètes pour assurer la victoire, une paix réelle fondée sur votre plan en dix points. Il faut également que ceux qui ont commis des crimes de guerre soient tenus responsables. » (Applaudissements nourris dans la salle)

 (…) « Nous sommes à vos côtés aussi longtemps qu’il le faudra. »

– Zelensky.

Il commence par un « Vive l’Ukraine ! » Et comme les eurodéputés ne semblaient pas comprendre ce qu’il attendait d’eux, il applaudit et attend que tous l’imitent. Ce qu’ils font.

Deux phrases notables de son discours :

« Si l’Ukraine tombe, c’est votre mode de vie qui disparaît ».

« Nous nous défendons, nous vous défendons ».

(Standing ovation)

Une seule ombre au tableau. L’Italie s’est sentie rabaissée, mise de côté, écartée du « couple franco-allemand », lui-même au bord du divorce, contrairement aux messages répétés par les médias français.

Selon les médias italiens, Mme Meloni a mal vécu le fait de ne pas avoir été invitée à ce dîner mercredi soir réunissant MM. Macron, Zelensky et Scholz.

Mme Meloni enrage.

Interrogée sur l’opportunité du voyage effectué à Washington en début de semaine par les ministres de l’économie français et allemand, la première ministre italienne a répondu à son arrivée au sommet de l’UE à Bruxelles :

« L’invitation d’hier à [Volodymyr] Zelensky m’a semblé davantage inopportune, parce que je pense que notre force dans cette histoire est l’unité. »

Sans compter les rivalités à peine escamotées entre les trois personnages à la tête des institutions européennes : le Belge Charles Michel (le Conseil), la Maltaise Roberta Metsola (le Parlement) et l’Allemande (la Commission).

Avez-vous vu la tête du chancelier hier sur le perron de l’Elysée ?

Quel veinard ce Zelensky ! Il divise l’Union (déjà profondément divisée sur de nombreux sujets, bien avant le 24 février 2022) au moment même où il prétend y rentrer.

Chaque chef d’Etat veut se prendre en photo à côté de la vedette du moment. A l’exception notable du chancelier allemand (cf. photo ci-dessous).

« Leading from behind »

Le 24 février, du côté de Kiev, il n’y avait qu’un seul comédien qui se prenait pour un chef d’Etat. On savait qu’à l’Elysée il y avait un autre comédien en herbe.

En vérité, tous les gouvernants sont décoratifs, y compris aux Etats-Unis où la démocratie l’a emporté sur la République et où le marché et le contrat s’imposent à la loi. Le capital s’occupe de financer leurs élections et de leurs décisions. Bientôt les peuples renonceront au vote.

Cela dit, depuis le début du conflit militaire ukrainien, le monde découvre que l’Europe (et quelques autres pays) est dirigée par de sacrés troubadours qui, peu à peu, harmonisent leurs partitions et remuent la bouchent pour dire la même chose, c’est-à-dire pas grand-chose d’autre que les mots que leur susurre le souffleur caché dans la scène et que personne ne voit ni n’entend.

C’est pourquoi, il faut féliciter les chefs d’orchestres américains qui, anonymement, modestement, discrètement, au point que nul ne semble remarquer leur existence, tirent les ficelles dans les coulisses côté cour et côté jardin. Donner vie à tous ces pantins, les animer comme s’ils étaient doués de libre arbitre et d’autonomie de décision, c’est une prouesse, un talent qu’il faut saluer.

« PPE =  Parti du Peuple Européen ». Historiquement, quand la droite se déclarait aux côtés des peuples, elle était encore plus à droite, très à droite. C’est au cours de ces époques que l’Europe a connu les pages les plus sombres de son histoire.

 

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