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Il y a 48 ans, le Feu Houari Boumediene prédisait l’impact de la crise économique d’aujourd’hui

Le Feu président Algérien Houari Boumediene en visionnaire avait mis en exergue l’importance des matières premières pour l’instauration d’un nouvel ordre mondial plus juste, permettant l’émergence des pays du tiers-monde, et le développement socioéconomique de leurs peuples.

En avril 1974, le Feu Houari Boumediene, avait prononcé une allocution devant la session extraordinaire de l’ONU, qui fera date dans l’histoire  des relations internationales.
Par la voix de son président défunt, l’Algérie défendait la refondation des relations internationales et un partage équitable des richesses de la planète et de la prospérité. Un nouveau concept naquit à l’initiative de l’Algérie et des pays non-alignés à l’occasion du Sommet d’Alger de septembre 1973, et qui prônait la défense des idéaux de développement, de récupération des richesses nationales, de soutien et de solidarité avec les peuples en lutte pour leur indépendance, émancipation et dignité : l’instauration d’un nouvel ordre économique mondial.

48 ans après, la crise ukrainienne et la guerre déclarée pour un monde multipolaire, donne raison au Feu président Houari Boumediene, et confirme l’importance des matières premières comme arme stratégique.
L’Allemagne à titre d’exemple, malgré son développement socioéconomique et technologique, ne peut nullement se passer du gaz russe, socle de son développement industriel. Idem pour les produits alimentaires comme les céréales et le tournesol, dont la Russie et l’Ukraine demeurent les pionniers d’exportation vers les quatre coins du monde.

Le capitalisme, qui était présenté comme la voie de salut et de l’émancipation des peuples face au dirigisme de l’Etat incarné par le système socialiste adopté par les pays qui avaient recouvré leur indépendance, montre aujourd’hui toutes ses limites et son visage hideux avec la crise financière qui a affecté les pays industrialisés avant de se transformer en récession économique se répandant à la vitesse de la lumière, n’épargnant directement ou indirectement aucun pays.

Les convoitises des richesses naturelles des pays en développement de la part des pays nantis sont demeurées toujours aussi vives. La politique de la canonnière a laissé la place à la manipulation sordide du système économique et financier mondial où l’accumulation rapide et facile des rentes sans contrepartie productive a pris le pas sur l’économie réelle, seul source véritable de création de richesse. Dans le même sillage, il faut noter que le Feu Houari Boumediene, en visionnaire, maîtrisant les dossiers géostratégiques avait appelé au nom des pays producteurs de l’OPEP pour la mise en œuvre d’une juste rémunération des prix des hydrocarbures après le choc pétrolier de 1973 dans le prolongement de la guerre d’octobre

48 ans après, la problématique de la maîtrise des cours du marché pétrolier par les pays producteurs, demeure d’actualité. Boumediène saisissait  le combat pour le recouvrement de la souveraineté nationale, non pas seulement dans son sens restrictif, sous l’angle mercantile du marché, à travers une revalorisation des seuls prix des hydrocarbures, mais une maîtrise de tous les leviers économiques et financiers qui font les attributs de la souveraineté d’un pays.

Le combat de l’Algérie

Consciente de l’impact du développement socioéconomique pour la consolidation de la souveraineté politique et la pérennisation de l’Etat-nation ; l’Algérie a toujours flétri au sein instances internationales l’iniquité des rapports économiques mondiaux. L’Algérie a toujours plaidé pour une refonte totale de ces rapports afin qu’ils répondent aux impératifs légitimes de développement des pays pauvres. L’indépendance politique ne saurait cependant constituer une fin en soi, car, privée de bases économiques, elle est aussi précaire que vaine.

Le passage à la finance des matières premières

La crise ukrainienne vient de mettre les jalons pour le passage d’une finance pure à une finance des matières premières. Les sanctions occidentales prononcées à l’encontre de la Russie suite à son opération militaire en Ukraine, ont relativement bloqué les volumes d’exportation de la Russie, mais la compensation est venue de la hausse des prix des matières premières, au profit de la Russie et au détriment de l’alliance occidentale.

La conséquence est une bataille finale dans la guerre financière qui se prépare depuis des décennies. On ne sanctionne pas la plus importante source d’exportation d’énergie au monde et un important fournisseur d’un large éventail de produits de base et de matières premières, dont les céréales et les engrais, sans nuire à tout le monde sauf à la cible visée.

Moscou s’est tourné vers son partenaire stratégique Pékin qui n’en demandait pas autant pour affaiblir le dollar et l’euro.
Les sanctions occidentales  consolident l’Organisation de coopération de Shanghai dont Moscou et Pékin sont les fers de lance

Ce bloc constitue un marché en développement de plus de 40 % de la population mondiale. C’est l’avenir, pas le passé : le passé, c’est l’esprit occidental.

En deux annonces simples, en liant le rouble à l’or pour les établissements de crédit nationaux et en insistant sur le fait que les paiements pour l’énergie ne seront acceptés qu’en roubles, la Russie met fin à l’ère du dollar fiduciaire qui a régi le monde depuis la suspension de Bretton Woods en 1971 jusqu’à aujourd’hui.

L’insistance de la Russie pour que les importateurs de son énergie paient en roubles et non en dollars ou en euros est un développement significatif, un défi direct au rôle du dollar. Il n’y a pas d’options pour les « non-amis » de la Russie, c’est ainsi que la Russie décrit l’alliance contre elle. L’UE, qui est le plus grand importateur de gaz naturel russe, doit soit prendre le taureau par les cornes, soit chercher des alternatives insuffisantes. L’option est d’acheter du gaz naturel et du pétrole à des prix raisonnables en roubles ou de faire grimper les prix en euros et de ne toujours pas obtenir assez pour faire tourner leurs économies et permettre à leurs citoyens d’être au chaud et mobiles. Dans les deux cas, il semble que la Russie gagne et que l’UE perde, d’une façon ou d’une autre.

Poutine s’inspire de Nixon et Kissinger

En stratège hors-pair, le président russe Vladimir Poutine Poutine s’est inspiré de l’accord conclu en 1973 entre Nixon et Kissinger et les Saoudiens, qui prévoyaient de n’accepter que des dollars américains pour le paiement du pétrole, et d’utiliser son rôle dominant au sein de l’OPEP pour obliger les autres membres à faire de même.

En tant que premier exportateur mondial d’énergie, la Russie déclare maintenant qu’elle n’acceptera que des roubles, répétant pour le rouble la stratégie du pétrodollar. Et même l’Arabie saoudite se plie maintenant au vent et accepte le renminbi chinois pour son pétrole, remettant symboliquement en cause l’accord Nixon/Kissinger sur les pétrodollars.

La Russie a effectivement adossé sa monnaie, notamment sur l’énergie, l’or et les denrées alimentaires. Elle suit la Chine sur une voie similaire. Ce faisant, elle a sapé l’hégémonie du dollar, peut-être de manière fatale. En tant que moteur de la valeur des devises, les matières premières seront les garanties qui remplaceront les actifs financiers. Il est intéressant d’observer la force du peso mexicain par rapport au dollar (en hausse de 9,7 % depuis novembre 2021) et du real brésilien (en hausse de 21 % sur un an). Et même le rand sud-africain a augmenté de 11 % au cours des cinq derniers mois. Le fait que ces monnaies d’habitude fluctuantes soient en hausse nous indique que l’adossement des monnaies à des ressources a ses attraits au-delà du rouble et du renminbi.

Mais ayant tourné le dos à l’or, les Américains et leurs épigones occidentaux n’ont pas de réponse adéquate. Il est certain que ces derniers iront jusqu’au bout dans leur lutte pour l’hégémonie du dollar plutôt que d’accepter la réalité.

Et plus l’Amérique se bat pour affirmer son autorité, plus la probabilité d’une scission du partenariat occidental augmente. L’Europe a désespérément besoin de l’énergie russe, ce qui n’est pas le cas de l’Amérique. L’Europe ne peut pas se permettre de soutenir inconditionnellement la politique suicidaire américaine de Joe Biden.

C’est, bien sûr, le pari de la Russie.

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