Par Ahmed Bensaada, Ph.D.
Le Devoir est un des journaux les plus respectables et les plus respectés de la presse publiée au Québec. Connu pour sa neutralité et la profondeur de ses analyses, il est considéré comme une institution dans la Belle Province.
Mais, parfois, le vernis craque.
C’est le cas, par exemple, de l’article de M. Fabien Deglise intitulé « La présidentielle algérienne rejetée par une partie de la diaspora ». L’auteur y reprend mot à mot des expressions tirée d’une pétition signée par « plus d’une centaine de membres de la diaspora algérienne à travers le monde ».
Dans cet article, je n’irai pas sur le terrain du fact-checking tant le texte de M. Deglise est truffé de lieux communs et de poncifs dont il n’a pas pris le temps de mesurer ni l’ampleur ni la saugrenuité. Je vais me contenter tout simplement de l’aspect déontologique qui, à mon avis, manque cruellement à sa longue dissertation.
Commençons tout d’abord par le titre. Si on considère que la communauté algérienne à l’étranger compte plusieurs millions de personnes, que représente « plus d’une centaine de membres de la diaspora algérienne à travers le monde » ? Est-ce réellement « une partie de la diaspora » ou une quantité infinitésimale de cette diaspora? D’autre part, M. Deglise donne la parole à trois membres de cette diaspora résidant au Canada : MM. Rabah Moulla, Omar Aktouf et Raouf Farrah. Que peuvent représenter ces messieurs si on sait que la communauté algérienne dépasse les 100 000 juste à Montréal !
Mais passons maintenant au plus grave. Qu’il s’agisse de la « centaine » ou des « trois », ils ne représentent qu’une seule et même opinion : une opposition radicale et permanente au gouvernement en place en Algérie. Pourtant, il existe un vivier de personnes qui aurait pu donner un jugement complètement opposé à ces pétitionnaires dont les propos ont été pris pour argent comptant par M. Deglise. En ne leur donnant pas la parole, le journaliste du Devoir ne montre-t-il pas un parti-pris pour la thèse de cette minorité minoritaire ? En agissant de la sorte, M. Deglise a tout simplement cosigné la pétition de la centaine « de membres de la diaspora algérienne à travers le monde » et s’est vétu de la tunique des opposants au gouvernement algérien. Serait-ce cela le rôle d’un journaliste digne de ce nom ? Et, de surcroît, un journaliste du Devoir !
M. Deglise, conformément à la déontologie journalistique, vous êtes tenu de donner la parole aux deux parties adverses et c’est au lecteur, et à lui tout seul, de se faire une opinion.
Ainsi, sans même aborder le sujet du fact-checking où les « dégats » seraient plus graves, l’article de M. Deglise est fortement biaisé et laisse planer un soupçon de connivence avec les « trois » algéro-québécois. En effet, il va même jusqu’à qualifié l’un d’eux, Rabah Moulla, de « militant démocrate algérien ». Pourrait-il nous expliquer comment a-t-il pu obtenir ce titre de « noblesse » qui sert à appuyer son texte?
M. Deglise connait-il le slogan du journal le Devoir ? C’est « libre de penser » et non « libre de penser à sens unique ».
P.S. : Une contre-pétition portant le titre « Ne parlez pas au non de la diaspora algérienne » a été mise en ligne il y a quelques heures :
https://www.leslignesbougent.org/petitions/ne-parlez-pas-au-nom-de-la-diaspora-algerienne-18759/
Elle a déjà récolté plus de signatures que la pétition encensée par M. Deglise.