Par Dr. Benali
« Mali la, bolokoli ye nyɔgɔn ma kɛra. » = « Au Mali, l’agitation ne fait jamais cuire le ventre. »
De retour de Moscou, après une visite effectuée du 21 au 26 juin 2025, le chef de la junte malienne, autoproclamé président indéfiniment, Assimi Goïta, s’est cru obligé de prévenir ses voisins en déclarant : « Aujourd’hui, nous disposons d’armes qui, si elles étaient dévoilées, feraient du Mali une menace aux yeux de ses voisins » et « Il existe des équipements qu’aujourd’hui, même avec de l’argent, il est impossible d’acquérir… Nous les gardons secrets ». Champion du grand écart : d’opportuniste et surfeur sur la vague de la contestation populaire menée par l’Imam Dicko et l’activiste Ben Le Cerveau, il se rêve désormais en guerrier interstellaire brandissant ses armes invisibles »
Goïta, peut dire, divaguer ou imaginer ce qu’il veut, mais le problème, c’est cette déclaration qui a offert un point d’appui discursif à certains chroniqueurs, tel El Hadj Sambi Touré, qui, dans une tribune publiée sur Maliweb (« Tebboune : le tricheur », 18 juillet 2025), s’est permis de qualifier le président algérien de Samakoro (un terme bambara signifiant « fauteur de troubles », « intrigant » ou « semeur de zizanie »), voire de « pantin instrumentalisé entre les mains des généraux mafieux ». Ainsi formulées, ces imputations témoignent moins d’une analyse objective que d’une volonté de détourner le débat interne en recourant à la figure commode du bouc émissaire. D’où la nécessité de replacer ces affirmations dans leur contexte historique et factuel réel. »
L’auteur de l’article est un certain « El Hadj Sambi Touré » un plumitif né de la corruption d’IBK, un crypto-mercenaire de la plume, chroniqueur et analyste à la carte, toujours prompt à brosser dans le sens du poil ceux qui tiennent la laisse.
Sous IBK, un régime plus célèbre pour ses ramasse-pièces que pour ses réformes, il a servi docilement, maniant l’encre comme d’autres manient la calculette. Auparavant, louant la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, aujourd’hui, le même plumitif se recycle en chantre de la junte, expédiant à la poubelle ceux qu’il encensait hier. » C’est normal pour « Mɔgɔ bɛ kɔ̀ fɛ kɔ̀ fɛ bɔ̀ kɛ, sisan o bɛ nyɔgɔya la » et « Mɔgɔ ye kura kan kura kɛra, fila te ka sɔrɔ. » (Celui qui se lave dans la boue ne peut pas devenir propre.)
Commençons, alors et déballons : 1ère partie et la suite viendra.
Depuis le coup d’Etat du 18 août 2020 au Mali, les tenants de la transition ont adopté une stratégie de communication hyper-agressive, fondée sur la propagande, l’agitation, la manipulation et la diffusion de mensonges à travers des contenus de nature douteuse, largement relayés par des activistes et des « vidéomans ».
Cependant, cette stratégie, loin d’atteindre ses objectifs, commence à montrer ses limites et révèle ses premiers revers : la population continue de subir des conditions de vie de plus en plus précaires ; le terrorisme reste plus menaçant que jamais ; le champ politico-médiatique est verrouillé, comme en témoigne l’interdiction, en mai 2025, de toutes les activités des partis politiques et des associations, alors même que les autorités de transition s’étaient engagées à restituer le pouvoir à des civils élus au plus tard le 26 mars 2024 ; et enfin la confiscation du pouvoir entérinée par la désignation d’Assimi Goïta comme président du Mali par ses propres pairs au sein de la transition, pour un mandat de cinq ans, renouvelable indéfiniment au-delà de 2030, sans passage par les urnes.
Cette situation est liée aux choix politiques de la classe dirigeante du pays, qui a instauré un « système politique à problèmes spirales », susceptible facilement de dégénérer en un système intrinsèquement conflictuel et autocatalytique, au lieu de privilégier le dialogue inclusif, la réconciliation, le développement et la coopération régionale.
Pour justifier ses échecs et s’accrocher au pouvoir, la junte recourt au whataboutisme afin de détourner l’attention des problèmes internes et de désigner un bouc émissaire. En d’autres termes, elle s’efforce de canaliser l’exaspération populaire — qui voit ses espoirs s’évaporer — vers d’autres responsabilités, notamment l’Algérie et la Mauritanie, accusées à tout propos par les dirigeants maliens d’être responsables de la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays des « Samakorow » (fauteurs de troubles, intrigants, semeurs de zizanie ou râleurs, en bambara). Comme aime le dire le site maliweb.net pour désigner les Algériens, oubliant commodément que les véritables Samakorow, qui se nourrissent des réseaux sociaux, se trouvent surtout au cœur même de la junte militaire de Bamako.
Plus loin, certains responsables maliens autoproclamés, dont l’objectif est surtout de cumuler soldes et indemnités tout en exigeant toujours plus de sacrifices des populations, avancent sans cesse des allégations à donner le tournis. Quoi d’étonnant, quand on entend ces mêmes voix affirmer que « l’accession de l’Algérie à l’indépendance n’aurait pas eu lieu en 1962 si le Mali n’était pas intervenu » ou encore que « L’Algérie nous doit tout ».
D’autres saisissent chaque occasion pour évoquer un prétendu soutien historique que le Mali aurait apporté à l’Algérie durant sa guerre de libération nationale. Comme on dit chez nous, ma3lish : ce fait est connu, reconnu et pleinement honoré par l’Algérie ; et Modibo Keita restera, à jamais, gravé dans la mémoire algérienne.
Certains ne s’arrêtent pas là, car au « Mali la taara kɛla bɛɛ ka fɔ a fɛ ka nya » (Au Mali, chacun réécrit l’histoire à sa guise). Mais ces tisseurs de fables devraient se rappeler qu’« on ne peut offrir ce qu’on n’a jamais possédé. »
Si les Maïga & Company et leurs relais du Sahel-Intelligence ou des réseaux sociaux franco-makhzenisés croient vraiment à leurs propres allégations, interpellons donc l’histoire pour vérifier qui a aidé l’autre avant 1962, et étalons le linge sale de ceux qui croient porter du neuf et qui se présentent novateurs. Déroulons toute cette fresque et commençons par rappeler quelques faits révélés :
1- Le Ghana a été le premier pays de l’Afrique subsaharienne à soutenir le combat du peuple algérien pour son indépendance et à entretenir des relations étroites avec le Front de Libération Nationale (FLN) dès le début de la révolution du 1er novembre 1954. Le premier Président de la République du Ghana, Dr Kwame Nkrumah, a reconnu le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) dès sa création le 19 septembre 1958 et c’est ainsi que le militant anti-colonialiste Frantz Fanon a été nommé Ambassadeur d’Algérie au Ghana.
Toujours au pays du grand Kwame Nkrumah, le Ghana convoqua deux conférences internationales en 1958 à Accra : la Conférence des Etats africains indépendants (CIAS) et la Conférence des peuples africains (CPAA) :
– Lors de la première rencontre, celle du CIAS organisée au mois d’avril 1958, des représentants du Front de Libération Nationale algérien (FLN), sous la conduite de Frantz Fanon et Ahmed Boumendjel, furent discrètement invités. Ces deux figures algériennes adressèrent une pétition aux chefs d’Etat présents au sujet de la question algérienne. Les participants exprimèrent alors leur solidarité envers le FLN et s’engagèrent à envoyer une mission conjointe dans plusieurs capitales pour plaider la cause algérienne, tout en refusant toutefois d’apporter un soutien matériel direct.
– Durant l’AAPC (CPAA), organisée en décembre 1958, Nkrumah affirma son soutien aux mouvements de libération et défendit une fédération africaine, misant sur la non-violence. Mais des voix comme Ahmed Boumendjel et Frantz Fanon plaidèrent pour la lutte armée contre l’impérialisme. Le FLN fit valoir que seule la force obligerait la France à quitter l’Algérie. Convaincus, les participants validèrent la légitimité de l’action armée et décidèrent de créer une Brigade de volontaires africains.
Le soutien total apporté au Front de Libération Nationale (FLN) algérien lors de cette rencontre, a mis en évidence la reconnaissance officielle et symbolique du FLN comme moteur du panafricanisme, inscrivant l’Algérie au cœur de la dynamique politique du continent. Cela atteste également que Kwame Nkrumah et ses pairs considéraient la Révolution algérienne comme un cas de référence et une source d’inspiration pour l’idéal panafricain.
2- La Révolution algérienne, un cas d’école : L’expérience algérienne de lutte contre le colonialisme a fait des combattants algériens de véritables vecteurs de diffusion d’idées, de méthodes, de savoir-faire militaire et de transferts d’équipements au profit des mouvements révolutionnaires africains. Cela est d’autant plus significatif que l’Algérie, avant même d’obtenir formellement son indépendance, jouait déjà un rôle central dans la dynamique panafricaniste.
Cette révolution de libération armée a exercé une influence durable sur de nombreux mouvements de libération à travers le continent africain, qui y puisèrent inspiration et soutien concret.
Par ailleurs, historiens et chercheurs ont considérablement élargi leur approche de l’étude de la décolonisation africaine. Ils ont montré comment la présence algérienne dans la capitale ghanéenne, Accra, a transformé la propre interprétation que Nkrumah faisait de la décolonisation et des possibilités d’un monde panafricain fondé sur l’«Action Positive non violente ».
Enfin, le livre du Représentant du GPRA Ghana, Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre (1961), consacra cet héritage en devenant un véritable manuel de révolution à l’échelle planétaire. Cet ouvrage marqua une étape décisive dans l’éveil du tiers-monde et fut perçu comme la formulation exemplaire de la légitimité de la violence pour les opprimés au sein d’une société impérialiste.
3- Ce que disent les panafricanistes convaincus de la lutte armée de libération nationale : La liste est longue, mais je ne cite que deux :
- Le premier Président de la République du Ghana, Dr Kwame Nkrumah, qui considérait la Révolution algérienne comme la “locomotive de la révolution africaine” : une victoire dont l’impact symbolique et politique a brisé l’aura d’invincibilité des puissances coloniales, inspirant et légitimant les mouvements de libération à travers le continent.
- Le président de la Guinée Conaky, Sekou Touré, qui avait déclaré « les sacrifices versés en Indochine puis en Algérie n’aient pas été reconnus par ceux-là même qui les infligeaient » ; déclaration que les détracteurs peuvent dans les minutes officielles de la session de l’O.U.A 1963, conservées aux Archives nationales de Guinée (fonds : Série O.S.A. VII-1963, dossier 4) ; ou bien dans « Speech by President Sekou Touré, Seventh Session of the O.A.U., Addis Ababa, 14 September 1963 » ou le recueil Speeches of African Leaders, édité par l’Institute of African Studies de l’Université de Ghana (Legon, 1965), p. 218–220.
4- Une précision pour que ces novateurs ne nous répètent plus leurs balivernes: On attribue souvent à Omar Oussedik le rôle de représentant permanent du GPRA à Bamako dès 1960, mais cette idée mérite nuance. Certes, Modibo Keita, fraîchement indépendant, affichait un soutien politique clair au FLN, mais le Mali restait encore sous présence militaire française jusqu’en septembre 1961.
Dans ces conditions, l’installation officielle d’une représentation du GPRA à Bamako n’était pas viable immédiatement. Oussedik faisait plutôt la navette entre Tunis, Conakry et Accra. La Guinée de Sékou Touré et le Ghana de Kwame Nkrumah étant alors les véritables plaques tournantes diplomatiques du GPRA en Afrique de l’Ouest.
Ces deux pays, libérés plus tôt et totalement coupés de l’influence militaire occidentale, servaient de relais logistique, de tribune politique et de bases pour tisser les soutiens africains au combat algérien. Ce n’est qu’au mois de février 1961 qu’un bureau de liaison de l’armée de Libération nationale (ALN) a été ouvert à Gao, bien loin des troupes françaises encore stationnées notamment à Kati, Koulikoro et l’aéroport de Bamako.
Après le départ des forces coloniales en septembre 1961, consécutif à la demande du président malien Modibo Keïta, la capitale Bamako devint un véritable point d’appui stable pour les émissaires du GPRA, Oussedik inclus. Mais il est important de souligner que cela intervint après le début des négociations officielles entre la France et le GPRA, entamées à Evian-les-Bains dès mai 1961.
5- Un article du quotidien El Watan, du 30 mai 2023, intitulé « La Révolution algérienne et l’Afrique : Ombres africaines dans la Guerre froide (Suite et fin) », fait ressortir le rôle joué par Omar Oussedik, le représentant du GPRA en Afrique de l’Ouest, dans l’apport en armement chinois au profit du Mali.
Pourquoi Modibo Keïta sollicita-t-il son ami Oussedik pour obtenir des armes ? Keïta, pleinement conscient du péril intérieur et de la présence prolongée des troupes françaises, dut affronter en 1961 une menace multiforme : une crise sans précédent au sein de l’armée malienne, provoquée par la réduction drastique des soldes ; des tensions ethniques persistantes parmi les populations nomades ; et le spectre d’une partition, conséquence de fractures communautaires profondes et du sentiment d’exclusion ressenti par les populations du Nord. Ce qui fut fait, comme suit :
– A la fin de l’année 1960, une réunion informelle eut lieu à l’ambassade de Chine à Conakry où Oussedik y exposa la demande de 25 000 armes pour le Mali au représentant chinois.
– Convaincu par l’appui personnel d’Oussedik, l’ambassadeur s’engagea à transmettre la requête à Pékin et organisa un rendez-vous afin que l’envoyé malien puisse rencontrer directement les officiels chinois. Oussedik demeura, donc, le garant de la parole donnée et facilita les présentations d’usage, avant de se retirer pour laisser les deux parties négocier en toute discrétion. Son rôle fut donc essentiellement diplomatique : intermédiaire officiel, garant moral et facilitateur de la logistique politique entre Bamako (via Conakry) et Pékin, permettant de débloquer l’engagement chinois en faveur de l’armement du Mali.
– En 1961, les accords furent finalisés, la demande transmise à Pékin et les premières livraisons préparées.
– Le 18 septembre 1961, un protocole d’aide Guinée–Chine fut signé, précisant la liste des projets de coopération. Au dernier trimestre de la même année, la Chine organisa l’embarquement du matériel depuis Tianjin et Shanghai vers Conakry. Début 1962, le GPRA remit en Guinée les anciennes armes guinéennes au Mali, aussitôt remplacées par celles fournies par la Chin
Enfin, si ces panafricanistes de façade prétendent détenir la vérité, qu’ils sachent que cette vérité se trouve consignée dans des documents disponibles notamment en Chine, au Ghana et en Guinée-Conakry, tels que les Minutes of the Sino-Guinean Aid Protocol du 18 septembre 1961, conservés aux Archives nationales de Conakry (fonds : série CP/196). Précisons
Outre les aides chinoises, le FLN avait également livré des armes à l’armée malienne afin de lui permettre de faire face à toute menace.
Mieux encore : à la fin de l’année 1960, l’Armée de Libération Nationale (ALN) avait fourni armes, formation militaire et soutien financier à plusieurs mouvements nationalistes sur le continent africain. L’ALN avait également mis en place des camps d’entraînement de guérilla au Maroc, en Tunisie et au Mali, destinés à former des combattants issus de différentes régions d’Afrique, tout en entretenant des contacts directs avec les nationalistes d’Angola et d’Afrique du Sud.
Pour conclure cette partie, rappelons à ces faiseurs de fables que l’Algérie faisait figure de modèle pour les nationalistes, les révolutionnaires et les anti-impérialistes. Contrairement à beaucoup de pays déjà indépendants avant 1962, l’Algérie — encore en lutte contre le colonialisme — disposait déjà des structures et institutions d’un État souverain : des ministères de souveraineté, une armée bien organisée, un drapeau, un hymne national, une radio et même une équipe de football
Et c’était,le GPRA : Gouvernement Provisoire République Algérienne et non le CNT : Consortium des Naufragés Tâtillons
Je m’en tiens à cela… et à la suite. Le feuilleton sera long.