Par Dr. Benali
L’instrumentalisation de l’EIGS contre le JNIM au profit d’un agenda anti-Azawad
Dans une logique de division instrumentalisée et de guerre par procuration, un pacte implicite s’est dessiné entre la junte malienne et ses alliés russes en 2021 et certains éléments influents de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) en 2023, en vue d’enfermer le groupe Jama3at Nusrat el-Islam wal-Muslimin (JNIM) dans un conflit d’usure prolongé, destiné à le détourner de ses priorités et à le saigner stratégiquement.
Cette stratégie cynique, ne poursuivait pas prioritairement la neutralisation du groupe terroriste le JNIM, mais visait la redistribution des équilibres de la violence au Sahel au service d’un agenda ciblé : éradiquer la rébellion azawadienne, réprimer ses revendications identitaires et politiques, provoquer l’exode des populations touarègues vers l’Algérie et, in fine, s’approprier une région hautement stratégique en raison de ses gisements aurifères.
En orchestrant cette confrontation indirecte entre deux groupes terroristes, les Forces armées maliennes (FAMa), appuyées par les mercenaires russes du groupe Wagner, espéraient dégager un espace opérationnel pour frapper un adversaire autrement plus redouté à Bamako, le mouvement azawadien politiquement structuré, territorialement implanté, et toujours doté d’un certain capital de légitimité à l’échelle internationale.
Mais qui sont donc ces deux groupes terroristes que la junte a voulu instrumentaliser dans une logique d’affrontement militaire ?
Pour saisir les ressorts de cette stratégie cynique, il est important de revenir sur la nature des deux organisations armées, l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) et le groupe Jama3at Nusrat el-Islam wal-Muslimin (JNIM) incarnent deux formes distinctes de « djihadisme » au Sahel : Malgré leur inscription commune dans le champ du « djihadisme » armé, l’EIGS et le JNIM, loin d’être de simples entités interchangeables, incarnent deux logiques de violence radicalement différentes, tant dans leur structuration que dans leurs trajectoires et leurs objectifs respectifs.
1. L’État islamique au Grand Sahara (EIGS) : un « djihadisme » d’occupation et de terreur transfrontalière
Un appendice du groupe narcoterroriste le MUJAO créé en 2011 par le Makhzen, l’EIGS, né en 2015, s’est imposé comme la branche sahélienne de Daesh. Le groupe s’inscrit dans une stratégie d’occupation territoriale brutale marquée par des massacres de civils, des attaques frontalières répétées et une volonté d’imposer un ordre islamique rigide dans les zones sous contrôle.
Ce groupe terroriste a hérité des pratiques et de mode opératoire du MUJAO pour ce qui est du narcoterrorisme et de Daesh concernant la violence contre les populations civiles. Il privilégie des opérations spectaculaires, dissuasives, ciblant les forces armées autant que les populations civiles accusées de collaboration avec le JNIM.
Loin d’un ancrage communautaire à l’instar du JNIM, l’EIGS recrute de manière opportuniste dans des composantes tribales non influentes sans projet politique comme des Touaregs de la tribu des Daous7ak, – qui nourrissent une forte animosité envers d’autres composantes touarègues, tels les Imghad et les Ifoghas -, ainsi que des Arabes, des Peuls nigériens (Foulani), des nigérians de Boko Haram et des burkinabés. Tandis que la plupart des autres communautés sahéliennes y sont fonctionnellement absentes
Si, au départ, les combattants de l’EIGS étaient majoritairement des maliens et des nigériens et arabes de la région, le groupe s’est progressivement internationalisé dans la zone dite des « trois frontières » – entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso – devenue sa principale base. L’EIGS s’est ainsi transformé en un véritable laboratoire d’adaptation, où se croisent recrues sahéliennes et flux humains, idéologiques et financiers provenant d’autres régions du monde.
L’intégration de daéchiens venus de Syrie et d’Irak s’inscrit dans une logique plus vaste d’un Daesh global, cherchant à transposer ses doctrines et méthodes sur un nouveau terrain africain, à travers un recrutement international. Cette internationalisation s’est faite à la faveur de l’expansion de Wilayat al-Sahel (EIGS), car plusieurs terroristes étrangers originaires du Maghreb ont été identifiés comme actifs au sein de l’EIGS.
Selon des sources marocaines, les ressortissants marocains constitueraient le contingent le plus important parmi les terroristes maghrébins présents dans l’EIGS. Si le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) du Maroc rapporte qu’environ 130 marocains affiliés à Daesh ont été identifiés comme actifs dans l’EIGS, d’autres sources marocaines avancent des chiffres bien plus élevés que les données officielles. Une source indépendante souligne d’ailleurs que le chiffre officiel de 1 200 terroristes marocains présents en Syrie au sein de Daesh parmi les maghrébins est largement sous-estimé Selon elle, le nombre réel atteindrait près de 5 000 terroristes, dont certains auraient été structurés, encadrés ou instrumentalisés par les services marocains avant d’être envoyés en Syrie ; faisant ainsi du Maroc, l’un des principaux exportateurs des terroristes par habitant, selon le quotidien britannique du 20 aout 2017.
A travers cette composante douteuse, davantage marquée par le narcoterrorisme que par l’idéologie religieuse, et en raison des connexions directes avec d’autres filiales de Daech en Afrique, mais aussi avec des réseaux de narcotrafiquants marocains et latino-américains, l’EIGS s’impose aujourd’hui comme une menace régionale de premier plan. Son caractère protéiforme, sa capacité à recycler des criminels et sa mobilité transfrontalière en font un instrument redoutable, aisément manipulable par des acteurs étatiques en quête de chaos.
Le Makhzen et ses services ne sont pas à leur première expérience concernant la manipulation des terroristes. Le journaliste marocain Ali LMRABET a dévoilé que durant la décennie noire en Algérie, les services du Makhzen avaient pris en charge des terroristes algériens. Il cite dans ce cadre que :
- Le père de l’imam Mohamed Fizazi, imam de sa majesté le roi, un ancien capitaine des Forces armées royales (FAR) et aumônier (morchide), qui se chargeait de la collecte des aides financières et autres moyens au profit des terroristes en Algérie-.
- L’accueil privilégié réservé en 1992 par le Makhzen dans son territoire au terroriste Abdelhak Layada, chef du Groupe islamique armé (GIA), pour lequel des armes israéliennes de type Uzi, des munitions et des explosifs étaient à sa disposition.
En accueillant chez lui le terroriste Layada, Hassan II entendait faire pression sur les autorités algériennes, notamment au sujet de la question du Sahara Occidental.
Outre cela, Hassan II avait exprimé une volonté inavouée lorsqu’il déclara qu’il souhaitait voir « l’Algérie être un laboratoire de l’extrémisme religieux » dans une interview accordée le 14 janvier 1993 à Othman Al-Omeir, alors rédacteur en chef du quotidien londonien Asharq Al-Awsat .
Le parrainage du terrorisme par le Makhzen ne s’est pas limité à l’Algérie, mais il a couvert l’espace le faisait à travers le Sahel, où Rabat a été accusé d’avoir joué un rôle trouble dans la création et le soutien du groupe narcoterroriste MUJAO. Plusieurs analystes ont pointé du doigt les connivences entre les services marocains et les réseaux de contrebande sahéliens.
Le MUJAO, façade pseudo-islamiste et une excroissance des circuits de drogue transitant par le Sahel, était un instrument taillé pour entretenir le chaos dans la sous-région et assurer au Maroc un levier de pression géopolitique. Des rapports sécuritaires maliens et nigériens ont évoqué la bienveillance des services marocains envers des chefs terroristes de passage au royaume, sous couvert d’asile ou de médiation.
À ce titre, l’affaire du « Pablo Escobar du Sahara », alias El Hadj Ahmed Ben Ibrahim, dit « le Malien », constitue une illustration flagrante de l’implication marocaine. Accusé d’être l’un des plus grands barons de la cocaïne transitant par le Sahel, il a été arrêté avec un réseau tentaculaire dans lequel plusieurs personnalités marocaines ont été citées. Cette affaire a démontré que le narcotrafic, le terrorisme et la diplomatie parallèle du makhzen sont imbriqués dans une stratégie visant à transformer le Sahel en laboratoire d’instabilité.
Le véritable projet du Makhzen, relayé par ses relais médiatiques et diplomatiques, était limpide : créer artificiellement le chaos, détourner l’attention de la communauté internationale de la question du Sahara Occidental, et se poser ensuite en « médiateur incontournable » dans une crise qu’il avait lui-même alimentée.
Si la composante marocaine au sein de l’EIGS, renforcée par d’anciens narcoterroristes du MUJAO recyclés, occupe une place importante tant sur le plan stratégique que symbolique, c’est en raison de l’expertise transnationale, de la capacité de formation et du maillage idéologique que ces profils internationaux apportent.
Cette présence contribue à faire de ce groupe terroriste un instrument malléable : utilisé tacitement comme bélier contre le JNIM, l’EIGS apparait désormais fonctionnalisé par certains cercles étatiques maliens et forces étrangères, qui voient en lui un vecteur de désorganisation de ce qu’ils qualifient de « djihadisme politique ».
C’est dans ce contexte que le rapprochement suspect entre Bamako et Rabat a ouvert la voie à des collusions obscures et à une instrumentalisation cynique du terrorisme, au service d’un double agenda : d’une part, permettre à la junte de prolonger sa survie politique ; d’autre part, exécuter le projet du makhzen visant à entretenir la déstabilisation régionale comme une rente stratégique.
L’EIGS, présenté comme un projet structuré et une organisation terroriste solide, s’est retrouvé dans une situation de discrédit, que ce soit face au JNIM ou à la junte, à l’exception des anciens du MUJAO et des combattants marocains de retour de Syrie, dont l’allégeance implique une soumission au Makhzen et à ses services.
2. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) : un « djihadisme politico-ethnique » enraciné menaçant.
Fondé en 2017 par la fusion de plusieurs entités liées à Al-Qaïda (dont Ansar Dine, Al-Mourabitoune et la Katiba Macina), le JNIM est dirigé par le Touareg Iyad Ag Ghali, figure emblématique des rébellions azawadiennes des années 1990 reconverti dans le « djihadisme ». À la différence de l’EIGS, le JNIM combine une vision politico-religieuse plus souple avec un ancrage local et communautaire fort qui lui permet de tisser des réseaux d’allégeance souterrains. Il s’appuie notamment sur des structures touarègues au nord, les réseaux peuls du centre du Mali, via la Katiba Macina, ainsi que sur les composantes ethniques et sociales de tous bords marginalisées.
Sa stratégie repose sur une hybridation entre guerre asymétrique, négociation avec les élites locales et enracinement social, dans une logique plus « nationalisée du djihadisme ».
Moins orienté vers l’imposition d’un califat que vers l’établissement d’une gouvernance alternative dans les zones délaissées par l’Etat, le JNIM exploite les frustrations identitaires, l’absence de services publics et les logiques de représailles communautaires (touaregs et peuls) pour élargir sa présence au Mali et voire au-delà.
Pour Bamako, le JNIM constitue une menace complexe, car il se trouve au croisement de la lutte contre le terrorisme et des dynamiques ethno-politiques du conflit inter-malien. Cette intelligence stratégique, combinée à sa résilience militaire, fait de ce groupe un acteur durable, pouvant s’imposer comme un interlocuteur potentiel dans des contextes de crise.
C’est ce qui le rend dangereux pour l’agenda anti-Azawad : trop autonome, trop enraciné, et parfois même en interaction ponctuelle avec des segments azawadiens, il devient une cible à épuiser indirectement. Le pousser dans une guerre de position contre l’EIGS revient à le neutraliser sans affrontement frontal, tout en créant l’illusion d’une dynamique de lutte contre le terrorisme.
Cette instrumentalisation du chaos sécuritaire révèle une volonté délibérée de redéfinir l’ennemi prioritaire. Dans cette configuration, le JNIM n’est plus seulement une cible pour ses actions terroristes, mais aussi en raison de sa composition ethnico-identitaire : un groupe « terro-ethnique », composé en grande partie de combattants issus des communautés touarègue et peule, dirigé de surcroit par Iyad Ag Ghaly, un chef touareg.
Ce cadrage ethno-sécuritaire prend une tournure particulièrement dangereuse quand, peu avant la dénonciation unilatérale de l’Accord d’Alger, les principaux groupes rebelles touaregs et leurs dirigeants, dont Alghabass Ag Intalla, Bilal Ag Acherif, ont été officiellement qualifiés de terroristes par une décision de la justice malienne.
Cette criminalisation politico-opportuniste a offert une couverture légale aux opérations militaires punitives contre les populations civiles azawadiennes et a permis de brouiller les lignes entre le terrorisme, rébellion et revendication identitaire. Dans cette même logique, la communauté peule se retrouve stigmatisée, accusée de collusion avec le JNIM et donc traitée comme ennemi de l’intérieur à abattre.
Solidement enraciné dans le tissu social local, le JNIM repose majoritairement sur des composantes autochtones structurées, alors que la présence d’éléments étrangers y demeure marginale.
Sa stratégie privilégie l’ancrage communautaire : infiltration progressive des villages, négociations avec certains chefs traditionnels, et construction de réseaux de loyauté durables. Cette approche, fondée sur la cooptation et la recherche d’une forme de légitimité locale, s’oppose frontalement à la logique de la junte au pouvoir et à celle de l’EIGS, toutes deux marquées par la brutalité et le rejet de toute médiation communautaire, car une telle intégration contrarie leurs projets de contrôle coercitif.
Sur le plan opérationnel, le JNIM concentre ses attaques sur des cibles stratégiques : zones de cantonnement et bases des FAMa, infrastructures étatiques, aéroports et axes logistiques majeurs. A l’inverse, l’EIGS privilégie la terreur aveugle et la prédation, visant aussi bien les forces armées que les civils, sans chercher à établir une relation de dépendance ou de reconnaissance mutuelle avec les communautés locales. Cette différence de méthode confère au JNIM une résilience particulière dans certaines zones rurales, là où l’EIGS ne peut se maintenir que par la violence immédiate.
Sur le plan politique national, cette instrumentalisation du chaos sécuritaire permet à la junte de renforcer sa posture « souverainiste » et de mobiliser un discours martial à usage interne. En brouillant volontairement les lignes entre groupes armés rebelles, terroristes et simples civils des régions maliennes du Centre et du Nord, la junte désigne un « ennemi total » qui légitime la répression à grande échelle. Cela lui permet d’étouffer toute forme de contestation et de s’arroger le monopole du patriotisme et de la lutte antiterroriste.
Mais cette stratégie, loin d’apporter la stabilité promise régionale, engendre une polarisation communautaire profonde, nourrit une guerre ethno-idéologique, sape les fondements d’un dialogue inclusif et compromet durablement toute sortie de crise viable au Mali, au Burkina Faso et au Niger deux pays de l’Alliance.
3. Accord Bamako-EIGS : la fabrique régionale de l’insécurité et du chaos :
Depuis son arrivée au pouvoir en 2020, la junte s’obstine à imposer à ses voisins une conception biaisée de la lutte contre le terrorisme, sans équivalent ailleurs. Son principe est simple : « soit vous adoptez ma vision, soit vous êtes désignés comme soutiens du terrorisme ». De ce fait, tous les pays voisins se voient, d’une manière ou d’une autre, accusés de complicité ou de complaisance avec les groupes armés à l’exception des deux Autres pays de l’Alliance des États du Sahel qu’elle instrumentalisée à des fins de propagande.
En se repliant sur elle-même, la junte malienne refuse toute coopération réelle avec certains voisins, alors même que la situation sécuritaire se détériore. Ainsi l’Etat malien ne contrôle plus que quelques grandes villes du sud et certains axes stratégiques, tandis que l’emprise sur l’arrière-pays s’effrite.
Au-delà des jeux d’influence autour de l’Alliance des États du Sahel (AES), la junte parie sur une stratégie dangereuse consistant à exporter l’instabilité vers les pays voisins. Elle instrumentalise des dynamiques sécuritaires pour traiter un problème essentiellement politique que les autorités précédentes n’avaient pas su résoudre, dans un contexte d’Etat affaibli et capturé par des intérêts prédateurs.
Ainsi, depuis l’accord tacite et sinistre de juillet 2023 sur entre la junte à l’EIGS sur conseils du Makhzen, un terrorisme dévastateur, s’est déplacé vers Burkina Faso et le Niger.
Selon le rapport mondial sur le terrorisme de Global Terrorisme Index 2025 le Burkina Faso, pour la seconde année, occupe le premier rang de ce classement des pays les plus affectés par le terrorisme dans le monde suivi par le Mali occupe avec le 4ᵉ rang et le Niger à la 5ᵉ place.
Selon plusieurs analystes, un déplacement des foyers de violence s’est opéré rendant la situation alarmante comme suit dans les trois pays de l’AES :
- Burkina Faso : pour la deuxième année consécutive, il figure au premier rang des pays les plus affectés par le terrorisme. En 2024, 61 % des décès attribuables aux terroristes (soit environ 6 389 morts) y ont été recensés.
- Niger : après le putsch de juillet 2023, les violences attribuées à l’EIGS ont fortement augmenté (+66 % par rapport à 2023), totalisant environ 1318 morts, et 86 % des attaques visaient des civils.
- Mali : la part relative des morts imputables aux groupes islamistes a marqué un recul (environ 23 %), mais la situation demeure grave du fait des violences internes et des atteintes aux civils Concernant ce pays, 76 % de la violence ciblant les civils est aujourd’hui imputée à l’armée et aux milices qui lui sont alliées, soit le taux le plus élevé des trois pays de l’AES.
Cette situation n’est pas le fruit du hasard, mais résulte de la tendance de la junte à recourir à des mercenaires extra-continentaux tout en refusant la coopération avec les pays de la région. Elle cherche en outre à imposer sa propre ligne de conduite aux deux autres pays de l’AES, une orientation qui, fort heureusement, n’est pas suivie de manière significative par le Niger et le Burkina Faso. A titre d’exemple, le Mali, suivi par le Burkina Faso, a décidé de ne pas participer au «Sommet africain sur la défense » organisé au Nigeria du 25 au 27 août 2025. Les autorités nigériennes, en revanche, se sont montrées plus sages et plus conscientes de la gravité de la menace terroriste en prenant part à cette rencontre. Ce rapprochement est d’autant plus significatif que le président nigérian, Bola Ahmed Tinubu, avait publiquement menacé le général Abdourahmane Tchiani d’une intervention militaire de la CEDEAO, à la suite du coup d’État de juillet 2023.
Ceci dit, la crise malienne ne se limite pas au chaos sécuritaire. Elle s’accompagne de l’instauration progressive d’un régime autoritaire, fermé et répressif, qui criminalise systématiquement toute forme d’opposition. Ce processus se traduit par la multiplication des arrestations arbitraires, les disparitions forcées, ainsi que le verrouillage du champ politico-médiatique, réduisant à néant les espaces d’expression et de contestation.
En brouillant volontairement les frontières entre revendications politiques légitimes, actes terroristes et simples défaillances de l’État, la junte cherche à délégitimer toute voix dissidente. Dans cette logique, l’éviction et l’emprisonnement de certaines figures politiques, y compris celles qui, comme Choguel Maïga, avaient initialement soutenu les auteurs du coup d’Etat et qui traduisent un repli sur une gouvernance fondée sur la méfiance et l’exclusion.
Une telle dérive autoritaire risque de provoquer une recomposition des alliances internes. Les différentes composantes de la société malienne, qu’elles soient politiques, sociales ou ethniques, pourraient être amenées à se coaliser contre la junte. Dans ce contexte de tensions accumulées, la probabilité d’une nouvelle tentative de coup d’Etat, à l’image de celui du début août 2025, demeure un scénario plausible, voire de plus en plus prévisible.
Ce jeu politique ne peut en aucun cas être l’apanage d’acteurs dépourvus de compétences stratégiques, encore moins de ceux dont la formation a été façonnée par des parrains eux-mêmes minés par la corruption et l’opportunisme. Les renversements de situation peuvent survenir à tout moment : si les novices français disent « jamais deux sans trois », les Anglais raffinent avec leur « third time’s the charm ». Après la tentative du 16 mai 2022 et le bis repetita du début aout 2025, il ne manquerait plus qu’un ter repetita. Et s’il devait advenir, nul doute qu’il porterait la signature de pana-fricaniste de façade, des fameux donneurs de cadeaux et autres amis de circonstance post-2021, toujours prompts à protéger leurs intérêts vacillants.
Et pour terminer : « Quand on s’allie au diable, on risque de recevoir la facture en enfer. »
A bon entendeur, tant pis !!!
Je m’en tiens à cela… et à la suite. Le feuilleton sera long.