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Derrière les murs des prisons israéliennes

Par Nora Abdelkrim

Depuis le 19 septembre, les 1400 détenus  palestiniens du camp de prisonniers de Ktzi’ot, dans le Néguev, mènent à nouveau des actions contre la répression pratiquée par l’administration pénitentiaire à leur encontre. Soutenus par le « Club des prisonniers* », ils protestent contre la fermeture punitive des sections 26 et 27, pour la restitution des repas,  contre l’interdiction de recevoir des vêtements malgré les conditions climatiques  très dures et autres mesures répressives. Le 13 août dernier, les sections 26 et 27 avaient fait l’objet d’un assaut par les unités de répression de l’administration pénitentiaire d’occupation, des soldats qui ont servi dans diverses unités militaires de l’armée israélienne, qui ont reçu une formation spéciale pour réprimer et maltraiter les prisonniers.  

La Commission des Affaires des détenus et ex-détenus et le Club des Prisonniers ont déclaré que l’ « administration pénitentiaire d’occupation cherche quotidiennement à imposer et à créer des mesures de représailles croissantes contre les détenus, dans le cadre du processus d’isolement et du système permanent de  punition collective appliqué aux  détenus ».

Selon l’agence palestinienne de presse Wafa dont le siège est à Ramallah, la commission des Affaires des détenus et ex-détenus et le Club des prisonniers ont expliqué dans un communiqué commun, qu’ « en plus des mesures générales qui affectaient les nécessités de base de la vie des détenus (eau, nourriture, soins et électricité), les unités de « répression », dont «Yamam» ont agressé et battu les détenus lors d’opérations d’assaut dans les sections ».

Le communiqué ajoute que l’une des mesures actuelles les plus dangereuses affectant la vie des détenus est « le refus d’emmener les détenus malades dans des cliniques ou des hôpitaux, ce qui signifie que l’administration pénitentiaire a effectivement cessé de les soigner ».

De plus, le communiqué souligne qu’il existe de grandes craintes quant à la possibilité de propagation de maladies, car l’administration pénitentiaire « refuse d’évacuer les déchets des cellules des détenus, en plus de continuer à réduire la quantité d’eau ou de la couper, n’autorise plus  qu’un vêtement supplémentaire par détenu, et interdit aux détenus d’utiliser les toilettes pour prendre des douches ».

Selon Wafa,  les détenus sont confrontés à une réalité extrêmement difficile et complexe à l’intérieur des prisons et sont exposés aux sanctions collectives systématiques les plus graves depuis des décennies. L’augmentation permanente du nombre de nouveaux détenus dans les prisons principalement en Cisjordanie, et la forte surpopulation qui en résulte, rendent les conditions des détenus toujours plus difficiles et entravent  le travail des équipes juridiques et judiciaires.

La commission et le Club ont renouvelé leurs appels à toutes les instances internationales « pour mettre fin à ces crimes, au premier rang desquelles le Comité international de la Croix-Rouge ».

Ouvert en 1988, le camp de prisonniers de Ktzi’ot, dans le désert du Neguev, est situé  à environ 180km au sud de Jérusalem et 10km à l’est de la frontière égyptienne. Il avait été fermée en 1995 après la signature des accords d’Oslo qui officialisait   la reconnaissance de l’ « État » d’Israël par l’OLP. Il fut  réouvert en 2002, au moment de l’Intifada Aqsa, la Seconde Intifada. 

Occupant une surface de 40 hectares, Ktzi’ot comprend 3 grandes sections formées de six camps faits de caravanes ou de cellules mobiles installées en 2008 après l’incendie de la prison par les détenus. C’est le plus grand centre de détention dans le monde. Pendant la première Intifada, Ktzi’ot détenait les trois-quarts des Palestiniens prisonniers de l’armée israélienne, soit, en 1990, selon Human Rights Watch, un homme sur cinq de Cisjordanie et de Gaza, âgé de plus de 16 ans. 

Le camp s’étend au pied de la colonie de Ktzi’ot,  un kibboutz fortifié créée en 1953 et occupé par des membres des  Forces de défense israéliennes pour surveiller la jonction al-Auja, une zone démilitarisée de 145km2 créée dans le cadre de l’accord d’armistice Israël-Égypte. Pour ce faire, les  survivants de la tribu des Azazme qui dépendaient du puits d’al-Auja, avaient été attaqués et expulsés en Égypte. 

En 1988, environ 700 prisonniers y furent transférés des prisons de la bande de Gaza. Yitzhak Rabin annonçait, aloros,  l’arrestation de 3000 Palestiniens et conséquemment, l’ouverture d’une nouvelle prison dans le Neguev. En juillet 1989, le quotidien israélien Davar rapportait que 4275 prisonniers palestiniens étaient détenus dans les prisons israéliennes, la plupart en détention administrative, c’est-à-dire sans être jugé, et avec un délai illimité. En 1992, ils étaient  6049 dont 710 détenus administratifs. Le rapport de HRW constatait les conditions « rudes et inhumaines du camp de Ktzi’ot » :  Surpopulation, tentes  exposées aux conditions climatiques extrêmes du désert, visites familiales interdites, attaques et vols par les gardes, pas de soin médicaux, pas de procédure spécifique pour les mineurs emprisonnés entre 16 et 17 ans, courrier censuré par 4 censeurs, pas de journaux, sport interdit,   violence au quotidien à l’égard des prisonniers, difficultés de contacts avec les avocats.

En 2021, des videos fuitèrent montrant des gardes entassant des prisonniers dans une salle au sol bétonné, parfois jetés les uns sur les autres, frappés violemment avec des bâtons. Le quotidien Haaretz écrivait : « La preuve est clairement faite qu’il n’y avait pas de bagarre (comme le prétendaient les responsables de la prison), mais un abus envers les  prisonniers ». L’enquête demandée aux autorités pénitentiaires tourna court. Un avocat de l’organisation des droits de l’homme Hamoked déclarait : « L’incident à Ktzi’ot est un cas de violence brute  de masse contre des gens sans défense. La tentative des  services d’investigation d’esquiver les responsabilités malgré les images vidéo est une honte pour les officiers  de l’unité national d’investigation et les services d’investigations en général. »

Il y avait avant l’offensive du Hamas le 7 octobre,  plus de 5200 prisonniers palestiniens entassés dans les geôles de l’occupation israélienne, dont 36 femmes, 170 adolescents, 1264 détenus administratifs,  559 prisonniers condamnés à la perpétuité.

*Le Club des prisonniers palestiniens est une organisation non-gouvernementale palestinienne créée en 1993 qui regroupe des anciens prisonniers ayant passé au moins une année dans une prison israélienne. Le Club apporte son soutien aux prisonniers, de l’aide juridictionnelle au soutien des familles et à l’action  politique pour leur libération.  

                                                                                                            

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