Par Nedjma Baya Merabet
A la veille du scrutin du 26 aout prochain que d’aucuns qualifient d’insolite par son aspect triple (présidentiel, législatif et local en même temps), un scandale politique des plus étonnants éclate dans la capitale du pays.
Dans son journal du 21 aout au soir, Gabon première, la télévision publique a diffusé un enregistrement audio présenté comme une conversation entre Albert Ondo Ossa et Alexandre Barro Chambrier. Le premier a été désigné candidat unique de la plate forme Alternance 2023 à l’issue de la réunion de l’opposition le 17 aout, une coalition qui comprend également le parti RPM (rassemblement pour la patrie et la modernité) du second cité.
Dans ces enregistrements, les deux hommes évoquent leur stratégie, leurs « alliances dans des pays étrangers », la « nécessité de mobiliser les gabonais » ou encore d’entamer un « rapport de force avec le pouvoir ». Pendant que certains responsables tels le ministre de la jeunesse et des sports Franck Nguéma, s’insurgent contre ce qu’ils estiment être de funestes dérives mettant en « grave danger l’unité nationale », les concernés eux dénoncent une « utilisation infâme de l’intelligence artificielle ».
Le 23 août, dans une communication rendue publique, le procureur de la République de Libreville affirme la mise sous protection du témoin et auteur de l’enregistrement dévoilant la conversation compromettante pour le candidat unique de l’opposition Albert Ondo Ossa. Le témoin affirme avec certitude avoir procédé à l’enregistrement dans les locaux du parti REAGIR où il s’est retrouvé sur invitations des responsables que l’on entend dans l’audio.
«à la suite de l’enregistrement audio qui circule sur les réseaux sociaux depuis quelque temps, et qui dévoile une conversation d’une vingtaine de minutes entre messieurs Ondo Ossa Albert, candidat à l’élection présidentielle du 26 août 2023 et Alexandre Barro Chambrier, conversation axée sur une déstabilisation du pays et de ses institutions, une enquête a été ouverte par le parquet à la demande aussi de la plateforme Alternance 2023, à la faveur d’un comité datant du 21 août 2023 et signé de son président, plateforme à laquelle appartient les précités», ajoute le communiqué du procureur.
Auparavant, ces élections avaient déjà été marquées par de nombreux remous. On peut citer l’absence de plusieurs représentations consulaires sur la liste des bureaux électoraux établis. Le CGE ( centre gabonais des élections ) et le ministère de l’intérieur se renvoient la balle. Selon RFI, le CGE prétend que la décision vient du ministère, tandis qu’une source qualifiée de bonne par le média français affirme que c’est le CGE qui a établi la liste. Des représentations consulaires dans des villes où peu de gabonais vivent figurent sur la liste tandis que d’autres où des centaines de citoyens vivent ont été supprimés à l’instar de celle du Burkina Faso.
Des consultations politiques entre le parti au pouvoir PDG (parti démocratique du Gabon) et plusieurs partis d’opposition ont eu lieu en février 2023 et ont permis d’atteindre plusieurs accords : la réintroduction du scrutin à un tour pour toutes les élections (remplaçant le système à deux tours), l’instauration de mandats de 5 ans pour le président, les sénateurs, les députés et les élus locaux (au lieu des mandats de 7 et 6 ans), et la levée des limites imposées au nombre de réélection pour toutes les fonctions politiques (les élus étaient auparavant limités à deux mandats). L’absence de limite de mandat pour la présidentielle a quant à elle été maintenue.
Le Gabon n’a connu que trois présidents depuis son indépendance, dont 41 ans de règne pour le défunt Omar Bongo Odimba, père de l’actuel président candidat à sa succession.
Rappelons que la famille Bongo Odimba a connu de nombreux scandales liés à la corruption et à l’accaparement des deniers de l’Etat, fuite de capitaux, biens mal acquis à l’étranger.
Nedjma Baya Merabet