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Barbie, une poupée qui vous veut du bien

Par Betchine Islam Abdessamad

Avec plus d’un milliard de recettes, Barbie est devenue assurément aussi célèbre que Coca-cola, Marvel ou Google. La puissance de l’art ?! Pour qu’une icône « en plastique » symbole du consumérisme, devienne une égérie féministe et wokiste en un tour de pellicule, il aura bien fallu déployer les artifices de la machine idéologique néolibérale, sinon ne soyez pas étonné(e)s si on confond entre Rosa Parks, Gisèle Halimi, Marie Curie, Barbie, Greta Gerwig. 

Petit éclairage sur ce film « commandé » par « Mattel », en attendant les quatorze prochains…

Au commencement était…

Au commencement était la mercatique Mattel. Le film visait en effet à relancer la vente de la poupée iconique et à augmenter le chiffre d’affaires de l’entreprise qui était en net recul au premier trimestre 2023 (22%). Pari réussi, étant donné que Mattel a récolté au minimum 350 millions de dollars, sur un investissement de 100 millions et le 1 milliard pourrait être atteint, uniquement en produits dérivés. Qu’ils sont beaux les billets verts du féminisme…

Le ticket gagnant, on le doit à un seul mot d’ordre : « Faire que Barbie soit partout et omniprésente. » comme le résume la vice-présidente du marketing Barbie, Lisa Mcknight. Bien entendu, ne soyez pas surpris(es) d’avoir du rose plein les yeux, jusqu’à croire que Barbie est votre horizon indépassable.  Selon The Guardian plus de 100 marques ont signé avec Mattel, à l’instar d’Airbnb et la maison de Ken, de la Xbox barbie, du cabriolet rose de l’icône dans Forza Horizon 5, des rollers Barbie, et des collaborateurs comme Primark, Gap, Zara ou cerise sur le gâteau, une Barbie  géante en 3D au pied de Bordj Khalifa.  Avec ce niveau de bombardement publicitaire et médiatique, il est presque indécent que certains artistes face à la censure répandue dans le monde arabo-musulman réagissent avec ce slogan bien ridicule et creux : « Je suis Barbie ».

Une autre arme puissante de cette campagne d’endoctrinement  est le « rose shocking » que l’on voit partout, qui est devenu à lui seul un emblème  des thèses idéologiques du film. A l’origine de cette couleur, on trouve un parfum d’Elsa Schiparelli sorti dans les années 30, enveloppé d’un rose entre le bleu et le violet. Cette couleur devient iconique quand Marylin Monroe porte sa célèbre robe dans le film : « Les hommes préfèrent les blondes », puis il traverse le temps et l’espace et se décline différemment selon qu’il soit : artistique pour Freda Kahlo, visuel dans les concerts de Lady Gaga, ou politique lors des marches écologistes ou féministes, même les influenceuses se l’approprient  avec le « Barbicore ». 

Autant dire que les studios Warner Bros n’ont fait que cueillir ce fruit d’un rose intense au profit d’un marché bien « juteux », la preuve étant qu’ aucun film Warner « depuis cent ans que la firme existe n’a rapporté autant, aussi vite. » aux dires de Jeff Goldstein, un responsable important à la Warner.

Un autre symbole coloré a trouvé un écho favorable dans les bonnes grâces du studio Warner, j’ai nommé « l’arc-en-ciel ».

LGBarbie Queer+

Tout d’abord, Mattel, 2e fabricant de jouets au monde, qui a bien révisé son abécédaire des tendances du marché passe de la Barbie stéréotypée aux barbies trans dès 2022, nul doute désormais qu’homo-economicus adore les minorités surtout quand elles se déclinent en chiffre d’affaires. Ensuite l’idéologie LGBT est en phase d’hyper-propagande si bien que dans le film avant même le début, on annonce « la couleur », on distingue clairement Mattel sous forme de fleur arc-en-ciel. Le symbole réapparait plus subtilement, au milieu du film, dans la salle de réunion de Mattel, où le rose shocking et l’arc-en-ciel se mêlent harmonieusement. Dans cette même salle de réunion, le PDG, incarné par Will Ferrel, essaie de justifier l’absence de femmes, en tenant un galimatias bien «transgenre» : « tous les hommes sont des femmes. »

Quant au niveau du casting, trois figurants sont ouvertement LGBT, et ont ardemment promu le film, le présentant comme exceptionnel et révolutionnaire. La réalisatrice, Greta Gerwig, elle-même, revendique la propagande ou le projet, dirons certains par euphémisme : « Nous ouvrons des portes dans l’univers de Barbie. Nous ne pouvions pas raconter cette histoire sans y intégrer la communauté LGBTQ+ ».

Enfin, deux personnages méritent une certaine attention, le premier étant évidemment Barbie, censée avoir tous les critères d’une poupée, elle finit chez le gynécologue, par je ne sais quel miracle (chirurgical assurément). Le second personnage, bien ambigu,  se nomme Allan, rien de bien extraordinaire à première vue, sauf qu’il est le seul bien atypique (trans) car n’appartenant ni aux Barbies, ni aux Ken’s, en version unique et cache mal son manque d’intégration, il ne s’épanouit réellement qu’au moment de la reconquête de Barbieland et n’hésite pas à donner main forte aux Barbies afin d’abolir « Le patriarcat ». 

Greta Gerwig, l’Ultra-féministe:

Ce film, dit « « fantastique », bute sur un nombre de contradictions flagrantes dans la mesure où la réalisatrice a intégré sur plusieurs dimensions : capitalisme /féminisme,  utopie/réalité, Barbies/ Kens, discours/émotions, si bien qu’un sentiment d’étrangeté  suinte du film lui-même, pourtant si ordinaire. C’est la différence fondamentale entre une œuvre artistique qui nous réconcilie avec la complexité humaine et la production « idéologique » qui nous restreint et rétrécie le monde. Même un Elon Musk, ironise sur l’aspect idéologique du film en invitant à prendre « un shot d’alcool à chaque fois que Barbie prononce le mot « patriarcat », vous vous évanouirez avant la fin du film. »

Ainsi, ce film « séparatiste » et « woke » brise le lien séculaire ente les hommes et les femmes au profit  d’un matriarcat produit artificiellement et maintenue sous perfusion capitaliste, alliée de minorités libidineuses et irréconciliables entre elles-mêmes (L/G/B/T/Q…) et qui sont aussi récentes que le smartphone.

En termes plus concrets pour aller jusqu’au bout de cette « dissonance cognitive » chère aux néo-féministes  de salons et de salles de spectacle, ces mêmes femmes n’hésiteront pas à être dans la prédation vénale et la sournoiserie humaine au même titre que  ces chers hommes machistes et belliqueux qu’elles conspuent tellement. Le film tout au contraire nous peint une sororité lisse, parfaite et harmonieuse (excluant les femmes enceintes) si caricaturale qu’elle met fin au patriarcat « américain » de Barbiland, en un après-midi. « Yes, she can ». Et après ??? Vivre pour consommer, consommer pour vivre.

Alors que les pauvres Ken’s à peine capables de mettre leurs pantalons, espiègles, bruts, accessoirement interchangeables, vivent dans un nihilisme existentiel,  se vautrant devant ces barbies. Ryan Gosling l’interprète du « Ken-alpha » décrit son personnage comme étant « sans identité propre, si bien qu’il évolue dans un enfer existentiel. »  L’issue « thérapeutique » de ce « mâle » absolu  se profère en une phrase ridiculement émancipatrice: « Ken, c’est moi ». Autrement dit, Descartes revu et corrigé par Barbie. Ce slogan révèle une  subversion aussi retentissante qu’un pétard mouillé étant donné son caractère individualiste et capitaliste. Ainsi, aucune réconciliation n’est possible entre les hommes et les femmes, à moins de se soumettre au « Matriarcat », et au néo-féminisme, un soft-power « rose Barbie ». Maxime Didat, politologue, commente le succès du film en parlant «  de soft-power occidental […] si soft-power américain il y a, c’est par son succès économique. »

Toutefois, Greta Gerwig n’est pas à son premier « lèse-patriarcat ». En effet, dans son film « les filles du docteur March », bien plus sophistiqué et sérieux que Barbie, elle  met en scène cinq jeunes femmes en quête d’épanouissement et de liberté, dont « Joe » (incarnée par Saoirse Ronan) qui représente l’archétype  de cet ultra-féminisme qui ronge toutes les attaches sociales et les liens sociaux afin de s’abandonner un tropisme féminin et individualiste.

En résumé, Barbie, au-delà des postures médiatiques et des polarisations politiques, est le signe d’un nouveau phénomène où les sociétés sont entièrement soumises à l’ingénierie capitaliste. Il faut croire que les petits écrans téléphoniques, désormais en « rose-girly », ont le contrôle de nos petites cervelles. 

En somme, rien de bien révolutionnaire, ni de nouveau avec « Barbie », « Money, just money ».

Betchine Islam Abdessamad

Sources :

  • France culture : Barbie : à l’origine d’un rose iconique.
  • L’Obs : Comment « Barbie » a repeint le monde en rose.
  • Slate : « Barbie », un film féministe mais pas trop.
  • Huffpost : le film « Barbie », dernier tour de force de Mattel pour redorer l’image de sa célèbre poupée ?
  • Out : Barbie is an LGBTQ+ Party, Attest Out’s Cover Stars.
  • TSA : l’interdiction de Barbie en Algérie suscite la polémique.

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