Algérie54: La survie de la presse nationale est liée à la publicité institutionnelle, mais cette dernière avait été otage, des passe-droits et du clientélisme, au détriment de la profession et la corporation et au profit de certains éditeurs qui se sont enrichis, et qui ont rarement défendu l’Algérie ?
Ammar Belhimer: Agent exclusif de l’État en matière de gestion de la publicité institutionnelle, l’Entreprise nationale de communication, d’édition et de publicité (Anep) a engagé un assainissement du secteur en instituant de nouvelles règles du jeu en matière de distribution de sa manne publicitaire représentant 60% du marché national.
L’Anep a entrepris de renouveler ses conventions avec les médias en fixant de nouvelles règles –15 critères transitoires auxquels doit obéir tout média aspirant à bénéficier de la publicité institutionnelle.
Outre les documents administratifs d’usage (agrément auprès du ministère de la Communication, registre du commerce, déclaration d’existence/impôt, attestation NIS/NIF…), les bénéficiaires ne doivent pas être une publication d’un parti ou d’une association, et sont tenus d’être en règle avec la Cnas, mais aussi de publier leurs comptes sociaux annuels ainsi que leurs tirages du jour.
Mieux encore, pour pouvoir avoir accès à la publicité publique, ces médias doivent respecter l’éthique, ne pas faire l’objet d’une condamnation infamante, notamment pour diffamation, chantage, faux-usage de faux ou corruption.
Les chantiers de réformes de l’audiovisuel
Ammar Belhimer:Les chantiers de la réforme tiennent de deux grandes préoccupations : 1-Le raffermissement de l’exercice démocratique,
2-L’encadrement juridique des activités de communication.
Au titre de la première préoccupation, nous avons retenu :
–Le renforcement du cadre référentiel (au titre de la vision constitutionnelle),
–La préservation du cadre pluriel et concurrentiel de l’activité de communication (loin des abus de positions dominantes et des concentrations),
–Le développement de la communication institutionnelle,
–Le développement de la communication de proximité.
Au titre de l’encadrement juridique des activités de communication, nous pouvons citer :
–La codification de l’activité de presse électronique multimédias (écrite, web radio et web télé),
– Une loi sur la publicité,
–L’encadrement de l’activité de sondage d’opinion,
–Une assise juridique pour les agences de communication,
–L’autorégulation de la presse écrite : Conseil national de la presse écrite (CNPE),
–Le rapatriement juridique et technologique des chaînes de télévision privées.
Votre question porte sur ce dernier point.
Les changements apportés au statut de TDA répondent pour partie au volet du rapatriement technologique puisque les chaines privées n’auront plus à recourir au marché parallèle de la devise pour honorer leurs frais de mise en orbite.
Le changement du statut de TDA s’est opéré en modifiant et en complétant certaines dispositions du décret exécutif n°12-212 du 9 mai 2012 modifié, fixant le statut de l’Établissement Public de Télé Diffusion d’Algérie
La première modification est liée au lancement du satellite ALCOMSAT-1 de l’Agence Spatiale Algérienne (ASAL).
Le recours à la diffusion pour un objectif purement commercial de chaînes dont les régies finales de diffusion sont établies en dehors du territoire national sur ALCOMSAT-1 est une alternative pour l’optimisation de son exploitation et sa rentabilisation.
Le cadre réglementaire institué par le décret exécutif n° 12-212 du 9 mai 2012, modifié, fixant le statut de l’établissement public de Télédiffusion d’Algérie, ne permettait pas la diffusion de chaînes dont les régies finales de diffusion sont établies en dehors du territoire national, et les chaînes télévisuelles « offshore » diffusant en Algérie, ne disposent pas d’autorisations, telles que prévues par les dispositions de la loi n°14-04 du 24 février 2014 relative à l’activité audiovisuelle.
La première modification concerne les dispositions de l’article 7 dudit décret exécutif, pour rendre possible la conclusion, après accord du Ministre Chargé de la Communication, tout contrat commercial afin de :
– fournir une prestation de service de diffusion directe par satellite pour les services audiovisuels, par tout moyen technique approprié, la location des capacités satellitaires appropriées sur des satellites nationaux ou étrangers ;
– fournir, sur des satellites nationaux ou étrangers, des prestations de service de diffusion directe par satellite des programmes de chaînes audiovisuelles dont les régies finales de diffusion sont établies en dehors du territoire national.
S’agissant de l’autre volet de la question, avec ses deux grands dossiers que sont l’appel et candidature et le cahier de charges, l’ARAV s’en acquittera dès que nous aurons mis en conformité la loi organique relative à l’information avec les nouvelles dispositions constitutionnelles, notamment l’article 54 de la constitution.
S’agissant d’une déclinaison réglementaire d’une loi organique (elle se rapporte à une matière que cette dernière englobe), il nous faudra attendre l’élection de la nouvelles Assemblée populaire nationale.
Parallèlement nous ne perdons pas de vue le renforcement du secteur public, avec le lancement des chaines dédiées à la mémoire et au savoir, en attendant celles de la jeunesse et parlementaire.
Le même effort est déployée en direction e notre diaspora. Un récent décret exécutif (n° 21-118, en date du 24 mars 2021) modifie et complète le texte antérieur du 20 avril 1991 érigeant l’entreprise nationale de télévision en Entreprise Publique à caractère Économique et Commercial.
Son concernées par la modification deux dispositions de l’ancien texte, les articles 14 et 21.D’abord l’article 14, pour élargir les missions du Conseil d’administration et lui donner pouvoir « d’ouvrir des bureaux à l’étranger ».
L’article 21 modifié soumet cette décision à « l’accord de l’autorité de tutelle ».
La guerre électronique est une réalité
Algérie54: Dans vos récentes interventions, vous avez mis l’accent sur la guerre électronique menée contre l’Algérie, par des forces hostiles et ennemies, pouvez-vous nous éclairer davantage sur le sujet ?
Ammar Belhimer:Cette guerre électronique est une réalité. Les pays développés poursuivent une démarche encore ambiguë qui consiste à exploiter le potentiel offensif des plateformes tout en s’efforçant de les contrôler.
Tous les États se dotent aujourd’hui d’une doctrine officielle de lutte informatique offensive (LIO) pour encadrer les actions entreprises dans le cyberespace.
L’objectif qui leur est imparti est de produire des effets à l’encontre des systèmes adverses, pour en altérer la disponibilité ou la confidentialité des données.
La guerre numérique, déclarée ou non, engage des armées connues, d’autres moins. Des acteurs clandestins, résolus, s’attaquent à la sécurité intérieure des États et aux libertés individuelles et collectives.
La nouvelle puissance numérique a ceci de particulier qu’elle est redoutable par sa puissance (en raison de l’effet multiplicateur des dégâts qu’elle cause), sa vitesse d’exécution, sa portée planétaire et la saturation des réseaux et le refus d’accès qu’elle génère.
Les défis attachés à la détention, des données sont également de trois d’ordres : moral (droits et libertés fondamentales) ; économique (monopoles et abus de positions dominantes) ; sécuritaire (menaces à la souveraineté nationale).
Les opérations clandestines qu’abrite le cyberespace touchent à l’espionnage et le sabotage, mais également la subversion par la propagande et la désinformation, dans l’intention de saper les fondements de l’autorité en l’attaquant et en la discréditant sur les valeurs pour la rendre illégitime.
Efficacité et instantanéité caractérisent les cyberattaques.L’immédiateté se conjugue avec la globalisation de l’interconnexion.
On retiendra également l’hyperpersonnalisation et l’opacité. Parce que l’identité numérique est déclarative, il est très aisé de recourir à des identités fictives.
L’anonymat et l’impunité qu’il procure temporairement alimentent les fakenews et toutes sortes de dérives idéologiques.
Autres caractéristique majeure : l’horizontalité et l’interactivité, puisque chaque récepteur ou consommateur d’information en est également producteur et diffuseur potentiel.Les guerres froides qui se livrent dans le cyberespace empruntent des voies jusque-là insoupçonnables.
Si les médias traditionnels emploient des humains pour produire et diffuser leurs messages en observant des lois et réglementations, des règles éthiques ou coutumières, générant un degré rassurant de responsabilité, ce n’est plus le cas des conservateurs d’algorithmes de robot de Facebook-Google-Twitter qui, placés sont mis sur pilotage automatique, un peu comme des drones tueurs sur lesquels aucun humain n’assume sa responsabilité.
Les opérations clandestines qu’abrite le cyberespace touchent à l’espionnage et le sabotage, mais également la subversion par la propagande et la désinformation, dans l’intention de saper les fondements de l’autorité en l’attaquant et en la discréditant sur les valeurs pour la rendre illégitime.
Entretien réalisé par Mehdi Messaoudi