La diplomate Fatiha El Kamouri,consule générale du Maroc à Las Palmas (îles Cnaries) en Espagne a été condamnée par le Tribunal social n° 9 de Las Palmas de Gran Canaria. Une condamnation susceptible d’appel devant la Chambre sociale de la Haute Cour de justice des îles Canaries, sachant qu’elle est accusée d’abus de pouvoir , de traitements dégradants et d’avoir créé un climat de peur et d’angoisse .
Le 1er septembre 2022 restera à jamais gravé dans la vie de Mohamed, pseudonyme de cet employé du consulat du régime du Makhzen aux îles Canaries, dont le calvaire vient d’ être reconnu par la justice. C’est à cette date que son calvaire a commencé, le contraignant à un arrêt maladie et à une forte dépendance aux antidépresseurs et aux anxiolytiques. La responsable de sa descente aux enfers n’est autre que Fatiha El Kamouri , la diplomate qui a pris ses fonctions de consule générale à Las Palmas en septembre de cette même année .
Mohamed relate au juge en détail les mauvais traitements qu’il avait subi , en sa qualité d’employé administratif de l’ambassade embauché en 2008, rétrogradé au poste de chauffeur et coursier de la consule, puis isolé dans un bureau sans contact avec ses collègues et privé de toute activité professionnelle.
Avant l’arrivée dela consule, il travaillait à l’accueil du consulat, où il effectuait diverses tâches : encaissement, gestion et mise à jour des dossiers, accueil des citoyens marocains, aide à l’identification des mineurs marocains non accompagnés et liaison avec les centres d’accueil. En septembre 2022, unilatéralement, sans préavis ni justification, la consule a nommé l’homme qui travaillait comme chauffeur portier de l’immeuble et Mohamed son chauffeur, à sa disposition totale. De plus , elle l’a empêché de communiquer avec ses collègues du consulat, l’obligeant à rester dans la voiture jusqu’à ce qu’elle lui demande de partir.
« Elle l’appelle à toute heure pour lui demander de lui apporter à manger, que ce soit du supermarché ou un restaurant, du lait, de l’eau, du pain, etc., d’emmener ses filles à l’école et à leurs activités de loisirs, et en général pour tout ce qu’elle juge nécessaire », détaille le compte rendu du jugement qui condamne la diplomate Fatiha El Kamouri pour « atteinte au droit fondamental à l’intégrité morale ».
Le tribunal l’ordonne de verser 20 000 € de dommages et intérêts et lui enjoint de « cesser le harcèlement au travail ». Il fait également allusion au comportement délictueux de la diplomate .
« Son mépris était tel que, malgré le fait qu’il lui ait dit qu’il prenait des médicaments et ne pouvait pas conduire, elle lui a dit de demander à son médecin de lui fournir « un document attestant qu’il pouvait conduire ou au moins modifier son traitement », faisant preuve d’un mépris total pour la santé du travailleur et les conditions minimales d’un travail décent . »
Cette attitude relève davantage d’un système d’esclavage et n’est pas un cas isolé. Fatiha El Kamouri, qui a précédemment exercé les fonctions de consule au Pays basque, a appliqué ce comportement à d’autres membres du personnel. Selon la décision de justice, quatre des six agents locaux sont actuellement en arrêt maladie pour le même diagnostic : anxiété liée à un conflit au travail. « Cette situation a été signalée à l’Inspection du travail, au ministère marocain des Affaires étrangères et au Médiateur, entre autres », précise le compte rendu du jugement.
La condamnation de la consule du régime du Makhzen fait suite à d’autres procédures judiciaires . « Après le dépôt de la plainte auprès de l’Inspection du travail, la consule a suggéré au plaignant de signer un faux relevé de présence, lui promettant une prime déjà approuvée par le ministère marocain des Affaires étrangères le 20 février 2023, mais qu’il n’a jamais versée aux travailleurs sans aucune justification. Malgré l’approbation de cette prime, le plaignant ne l’a toujours pas reçue, le contraignant à engager une action en justice et à attendre son procès », indique la même source.
Par ailleurs, « la modification des conditions de travail mise en œuvre par la consule, transformant le salarié de ses fonctions administratives à l’accueil en chauffeur personnel », a également fait l’objet d’une action en justice.
En février dernier, après sa sortie de l’hôpital, la victime Mohamed a repris le travail et, loin de se conformer à la décision de justice qui l’avait réintégré à son poste administratif, il a été affecté au cinquième étage du consulat, démis de toutes ses fonctions. Ce harcèlement psychologique, auquel la consule le soumettait depuis, a ainsi perduré et a abouti à un arrêt maladie de longue durée dont il vient de sortir.
À partir de cette date, le harcèlement au travail s’est considérablement aggravé, avec de nouvelles manifestations, notamment un contrôle excessif (isolement physique et surveillance), le blocage de toute communication avec la consule et ses collègues, ainsi qu’une sous-utilisation importante de son temps de travail. « Ces nouvelles manifestations ont largement contribué à l’intensification et à la chronicisation du préjudice psychologique existant », indique la décision de justice.
« Compte tenu de cette situation, la victime a demandé à prendre les jours de congé accumulés suite à son arrêt maladie et en bénéficie actuellement », indique le jugement.
En avril dernier, Mohamed a refusé les 55 000 € proposés par le consulat à titre d’indemnité de départ et a choisi d’engager une action en justice pour prouver le préjudice moral subi du fait de la diplomate Fatiha El Kamouri.
Le tribunal des îles Canaries a confirmé le diagnostic médical de trouble de stress post-traumatique complexe (TSPT-C) présenté par le plaignant, ainsi que la nécessité d’un traitement pharmacologique et psychothérapeutique afin de prévenir le risque de chronicisation.
« Il présente un tableau clinique caractérisé par des symptômes de reviviscence de l’événement traumatique (tels que des flashbacks et des cauchemars), l’évitement des lieux et des personnes qui évoquent le traumatisme, des troubles cognitifs et de l’humeur, et un niveau élevé d’excitation psychophysiologique », précise le jugement.
La juge du Tribunal social considère que « le harcèlement au travail et les traitements dégradants subis par le plaignant sont avérés, notamment par sa mutation au poste de chauffeur puis par son affectation à un poste administratif sans aucune fonction réelle ». « En conséquence, la gravité des agissements reprochés est telle qu’il est raisonnable de penser que le congé du plaignant est dû à ce climat de harcèlement . Il faut donc conclure que ses droits fondamentaux ont été violés et que sa demande est accueillie », conclut-le jugement.