Au moment ou le ministre espagnol des affaires étrangères José Manuel Albares annonce la tenue d’un sommet de haut niveau hispano-marocain,les 3 et 4 décembre prochain à Madrid , une enquête publiée ce jeudi 27 novembre, effectuée par le centre CIS sur les craintes et les incertitudes, publiée ce jeudi,indique que près de 28 Espagnols sur 100 soit un sur quatre n’excluent pas une guerre avec le Maroc .
La même enquête estime que 66,2 % des Espagnols ont déjà envisagé la possibilité d’un conflit armé impliquant le pays dans les années à venir. Parmi les Espagnols ayant envisagé la possibilité d’un conflit, 42,2 % estiment que le Maroc serait le pays contre lequel l’Espagne serait susceptible de s’affronter, sachant que l’enquête, est menée sur 2 000 entretiens téléphoniques menés entre le 3 et le 11 novembre.
Selon l’Institut royal Elcano, la perception des pays susceptibles de représenter une menace pour l’Espagne a évolué. Le Maroc demeure en tête, avec un pourcentage de réponses plus élevé que lors des précédentes éditions de cette enquête, tandis que la Russie conserve sa deuxième place
Le PSOE, de plus en plus isolé
Eclaboussé par des scandales de corruption, dont la mise en détention du ministre des Transports, le PSOE dirigé par le président du Conseil espagnol Pedro Sanchez est de plus en plus acculé sur la question du Sahara Occidental. Son ministre des affaires étrangères José Manuel Albares, est convoqué le 10 décembre devant le Congrès des députés pour s’expliquer sur la politique du gouvernement espagnol vis‑à‑vis du Sahara Occidental.
L’initiative de convoquer le chef de la diplomatie espagnole provient de plusieurs groupes parlementaires, notamment ERC (Gauche républicaine de Catalogne / Esquerra Republicana de Catalunya), EH Bildu et le BNG (Bloc nationaliste galicien / Bloque Nacionalista Galego). Les groupes parlementaires demandent qu’Albares clarifie la position du gouvernement sur les résolutions de l’ONU concernant le Sahara Occidental .
Le soutien conjoint du PP et de Sumar (regroupement de partis de gauche, dont Izquierda Unida et Podemos) pour cette convocation est significatif : ces partis idéologiquement opposés s’accordent pour critiquer le virage diplomatique du PSOE.
Depuis plusieurs mois, Sumar, IU (Izquierda Unida / Gauche unie) et Podemos (parti de gauche radicale) critiquent la posture d’Albares. Ils lui reprochent une opacité , notamment après une réunion avec son homologue marocain Nasser Bourita tenue en secret et sans communication officielle. Pour ces partis, le plan d’autonomie proposé par Rabat viole le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui et s’écarte des résolutions de l’ONU.
Cette convocation marque une mise sous pression du chef de la diplomatie espagnole et illustre une fracture profonde dans la coalition entre la posture du PSOE et les alliés de gauche exigeant le respect du droit international. Le PP , parti d’opposition saisit également cette opportunité pour remettre en cause la cohérence du gouvernement, tandis que Sumar pousse le débat au Parlement pour forcer l’exécutif à clarifier sa position sur le Sahara Occidental.
Le PP ne chôme pas puisqu’ilcompte organiser une grande manifestation dimanche contre la politique de Pedro Sanchez, marquée par les scandales répétés de corruption et son alignement à la position de l’occupant marocain sur la question du Sahara Occidental, qualifié de trahison àla position historique de neutralité de l’Espagne.
Les visées expansionnistes du régime du Makhzen
Comme nous l’avons souligné dans un précédent article en date du 18 mars 2024 ” Mont Tropic: la nouvelle guerre maroco-espagnole“, l’occupant des territoires du Sahara Occidental, que le PSOE, de Pedro Sanchez soutient aveuglément,ne lésine pas sur les moyens pour s’accaparer outre des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, de l’îlot Persil et des îles Canaries, du Mont Tropic, un mont sous-marin lié à la formation des îles Canaries et riche en minéraux critiques et en terres rares.
Situé à quelque 420 kilomètres au sud-ouest d’ El Hierro , émerge des profondeurs abyssales un imposant édifice volcanique : le mont Tropique . Il ne s’agit pas d’un élément isolé sur la carte de la région. Ce mont fait partie d’ une chaîne de plus d’une centaine de monts sous-marins, ou volcans submergés, connus sous le nom de « Grand-mères des îles Canaries » , ancêtres géologiques de l’archipel.
Riche en minéraux et en terres rares, le mont Tropique est devenu le dernier trésor quele régime du Makhzen convoite, s’appuyant sur son occupation illégale établie des eaux territoriales du Sahara Occidental.
Pour les scientifiques espagnols, cela ne fait aucun doute : ces monts sous-marins constituent le prolongement naturel submergé des îles , formés par le même point chaud qui a donné naissance à Tenerife, La Palma et Gran Canaria.
Cette continuité est à la base de la demande que l’Espagne a soumise en 2014 à la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies afin d’étendre ses droits sur les fonds marins à 350 milles marins. Aucune décision n’a encore été rendue. De son côté, Rabat a formulé sa propre proposition : la souveraineté en échange d’une « sécurité juridique renforcée pour les îles Canaries et d’un accès réglementé aux opportunités stratégiques », selon un document publié par Atalayar , un média hispanophone proche du régime du Makhzen.
L’Union européenne a désigné cette zone comme réserve stratégique de matières premières critiques . Cependant, le paradoxe sous-jacent est que cette richesse se trouve dans des eaux dont la souveraineté n’est pas reconnue (territoires non autonomes selon le droit international). Juridiquement parlant, Tropic est situé dans une zone où personne ne peut extraire de ressources, et, par conséquent, où chacun aspire à pouvoir le faire un jour.
D’après les estimations publiées dans la revue Science , les réserves de tellure des îles Canaries (estimées à environ 2 600 tonnes) et de cobalt pourraient à elles seules couvrir les besoins de production de 277 millions de voitures électriques et fournir suffisamment de panneaux solaires pour alimenter la moitié du Royaume-Uni en électricité.
Les découvertes de la dernière décennie, comme celle publiée en 2017 par l’Institut géologique et minier espagnol , ont révélé des concentrations d’éléments stratégiques et rares « supérieures à celles de nombreux gisements terrestres, présentes dans les croûtes ferromanganésifères des monts sous-marins des Canaries ». Le tellure n’est pas le seul élément stratégique contenu dans ces monts sous-marins ; des terres rares et du cobalt, utilisés dans les technologies émergentes, y ont également été identifiés.

« Ils découvrent des matériaux riches en potentiel pour de nouvelles technologies, qui seront utilisés, par exemple, dans les énergies renouvelables, pour la construction de panneaux solaires ou d’éoliennes, ou encore dans les batteries de véhicules électriques », a expliqué Helenio Hoyos, chercheur à l’Université de La Laguna, au journal El Independiente . « La maîtrise du mont Tropic offrirait un accès privilégié à des matériaux stratégiques et des avantages industriels à forte valeur technologique », a-t-il ajouté.
Le contrôle du mont Tropic offrirait un accès privilégié à des matériaux stratégiques et des avantages industriels à haute valeur technologique.
Par ailleurs, ilfaut préciser que les visées coloniales et expansionnistes du régime du Makhzen qui n’ont ruien à envier à celles de l’entité sioniste avec ses voisins en Syrie, Liban et dans les territoires palestiniens, le Maroc a adopté en 2020,deux lois (37-17 et 38-17) définissant une zone économique exclusive (ZEE) de 200 milles marins au large de toutes ses côtes, y compris le littoral du Sahara Occidental, que Rabat considère comme faisant partie intégrante de son territoire, en violation du droit international.
Il a également ouvert un cadre de négociation fondé non pas sur la ligne médiane équidistante – principe qui établit traditionnellement les frontières entre États aux côtes opposées – mais sur « l’équité », un critère qui lui permettrait d’étendre sa présence vers l’ouest et de réduire la projection maritime de l’Espagne sur les îles Canaries.
La position expansionnise du régime du Makhzen a récemment été exposée dans un document publié par Atalayar, une source propagandiste marocaine . Ce texte soutient que le principe d’équité devrait prévaloir sur la ligne médiane pour la délimitation des eaux entre un vaste littoral continental et un archipel. Il propose de remplacer la ligne médiane par un accord correctif en faveur de Rabat, de créer une zone de développement conjoint au Monte Tropic pour de futures opérations minières et d’instaurer un transfert progressif du contrôle de l’espace aérien au-dessus du Sahara Occidental.
Mensongèrement, Atalayar met l’accent sur la dernière résolution 2797 du Conseil de Sécurité de l’ONU, adoptée le 31 octobre dernier, en prétendant que le Maroc a “légitimement ” le droit sur ce territoire.
Pour rappel, cette résolution,, ne modifie pas le statut juridique du Sahara Occidental, dernier territoire africain en attente de décolonisation.
Juan Soroeta, professeur de droit international public à l’Université du Pays basque, réfute point par point cet argument dans des déclarations au média espagnol El Independiente.Il estime que la résolution 2797 n’accorde aucune souveraineté au Maroc, que la description d’un “Sahara marocain” est déporvue de toute validité juridique et que tout accord bilatéral concernant les eaux liées au territoire en cours de décolonisation constituerait pour l’Espagne « une violation flagrante du droit international ».
« Le mont Tropique est situé au large des côtes du Sahara Occidental, au sud du cap Bojador ; le Maroc n’y a donc aucun droit. L’article lui-même le reconnaît : “les limites proposées par l’Espagne empiètent sur le plateau continental au large de ses provinces méridionales” », souligne Soroeta.
D’un point de vue juridique, Eduardo Jiménez Pineda, professeur de droit international public et de relations internationales à l’Université de Cordoue , souligne que le différend concernant le mont Tropic s’inscrit dans le contexte de la délimitation maritime en cours entre l’Espagne et le Maroc.
« La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à laquelle l’Espagne et le Maroc font parties, établit que le critère de délimitation entre côtes opposées – les côtes entre le Maroc et l’Espagne – est la ligne médiane. Autrement dit, toutes les revendications formulées par le Maroc dépassent clairement la ligne médiane et sont illégales au regard du droit international. L’Espagne pourrait contester ces revendications pour affirmer ou défendre ses eaux territoriales », argumente-t-il, ajoutant que Rabat n’a aucun droit sur les eaux du Sahara occidental. « Outre les ressources halieutiques, cette zone intermédiaire recèle également des ressources pétrolières », souligne-t-il.
Toutes ces revendications formulées par le Maroc dépassent clairement la limite médiane et sont illégales du point de vue du droit international.