La sortie du chef de la diplomatie espagnole José Manuel Albares ce mercredi 10 décembre , sur la question du Sahara Occidental,devant les membres du Congrès des députés, accentue l’isolement du gouvernement espagnol dirigé par le socialiste Pedro Sanchez.
La position d’Albares et du PSOE reste aussi isolée que l’image prévisible mise en scène ce mercredi 10 décembre,au Congrès des députés, résume la majorité des membres du parlement espagnol.
Convoqué en séance plénière par les partis EH Bildu et BNG,pour s’expliquer sur la récente résolution du Conseil de Sécurité sur la question du Sahara Occidental, José Manuel Albares s’employa à minimiser un sujet qui le met mal à l’aise, s’illustrant au passage à une lecture sélective de la résolution 2797 du Conseil de Sécurité de l’ONU
Contraint d’aborder le conflit du Sahara Occidental, il a eu recours à des esquives constantes et à une interprétation sélective de la résolution 2797. Albares a lu textuellement un extrait de la résolution, le présentant comme un tout, comme s’il s’agissait du texte intégral.
Mais Albares a délibérément omis de mentionner l’intégralité du contenu de la résolution soumise à la Chambre, notamment la section reconnaissant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination – conformément au statut juridique du territoire occupé et non autonome en attente de décolonisation – et l’exigence que les négociations soient menées sans conditions préalables.
Une interprétation partiale dénoncée. Cette tactique a déjà été employée dans la déclaration conjointe signée jeudi dernier par l’Espagne et le Maroc à l’issue de la brève réunion de haut niveau qui s’est tenue à Madrid.
Le député Jon Iñarritu du parti EH Bildu ne tarda pas à critiquer frontalement Albares : « Lorsque plusieurs partis vous ont demandé de clarifier la position du gouvernement espagnol sur la résolution 2797, vous l’avez fait dans le document de la semaine dernière, un document commun de 119 points, si je ne m’abuse, sur 23 pages. Mais bien sûr, au point numéro 8, vous avez ajouté des phrases qui ne figurent pas dans la position des Nations Unies, que vous prétendiez pourtant soutenir, comme l’affirmation selon laquelle « une véritable autonomie sous souveraineté marocaine pourrait être la solution la plus réaliste pour parvenir à un résultat mutuellement acceptable ».
» Cela n’y est pas. C’est la proposition du Maroc, qui a été refusée. Vous avez été dupé, vous avez été trompé. Ou peut-être que c’est le Maroc qui a rédigé le texte, que vous l’avez signé et accepté, et que vous avez été dupé . De même, vous omettez de mentionner que tout cela doit reposer sur le principe d’autodétermination. Je vous ai déjà interrogé à ce sujet, et je vous le repose… « J’insiste. Monsieur le Ministre, reconnaissez-vous que le peuple sahraoui a le droit à l’autodétermination ? »
Iñárritu est allé jusqu’à l’accuser de ressembler davantage à un vizir, un ministre marocain, qu’à un ministre espagnol. «
Pour sa part, le député de Vox, Carlos Flores, a également interpellé Albares, lui reprochant de soutenir le discours marocain et de bafouer le droit international, qu’Albares prétend pourtant respecter. « Vous vous êtes engagé à adopter le plan marocain d’autonomie du Sahara Occidental comme base privilégiée pour un futur statut du Sahara. Connaissez-vous ce plan ? Disposez-vous d’informations à son sujet ? Pouvez-vous nous l’expliquer ? En quoi consiste ce plan d’autonomie ? », a-t-il lancé.
« Nous sommes membres du Congrès espagnol. Nous vivons dans un système de communautés autonomes. Nous savons ce qu’est un statut d’autonomie. Nous savons ce que signifie l’autonomie pour les communautés autonomes. Expliquez-nous ce plan. Tout d’abord, ce plan reconnaît-il l’identité du Sahara ? Car lorsqu’on parle des provinces du Sud, il semble que l’objectif principal du Maroc soit de diviser ce territoire, de le dépouiller de son identité, de le traiter comme un territoire subordonné et morcelé. Que penseraient les membres d’Esquerra si nous parlions de l’autonomie catalane comme de l’autonomie des provinces du Nord-Ouest de l’Espagne ? Quels pouvoirs auront le Sahara ou les provinces du Sud dans ce plan d’autonomie ? Quelles institutions auront-ils ? Y aura-t-il un Parlement ? Des élections ? Un recensement est-il prévu pour ces élections ? Si un recensement est prévu, qu’il serve à garantir que le peuple sahraoui puisse décider de son propre avenir, en tenant compte de toutes les possibilités offertes par la loi. » « Les questions internationales sont également à l’ordre du jour », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, Abdallah Arabi, représentant du Front Polisario en Espagne, « le ministre a tenté de justifier la position de l’Espagne par son soutien “sans équivoque” aux Nations Unies ». « Or », a-t-il ajouté,
« il ne s’agit là que d’une énième esquive visant à éviter d’expliquer rationnellement l’effondrement du plus grand consensus jamais atteint en matière de politique étrangère espagnole. Aujourd’hui encore, près de quatre ans plus tard, aucune explication solide n’a été fournie, hormis l’invocation d’“intérêts stratégiques”. » Le diplomate sahraoui a poursuivi : « Il est clair que la nécessité d’adopter une stratégie politique audacieuse à l’égard du Maroc devient imminente, car l’avenir du Sahara Occidental en dépend, au même titre que celui de Ceuta, de Melilla et des îles Canaries. »
José Manuel Albares, que plusieurs parlementaires espagnols ont dépeint comme un agent pro-marocain soumis aux diktats de Rabat, a éludé la question avec une extrême prudence. Carlos Floriano, du Parti populaire (PP), l’a accusé d’éluder le fond du problème. « Lorsque vous évoquez la résolution 2797 du Conseil de sécurité de l’ONU, vous ne pouvez pas vous permettre d’en donner des interprétations partiales. Vous n’avez mentionné ni les négociations inconditionnelles ni le droit à l’autodétermination, pourtant inscrits dans la résolution, et vous proposez une interprétation qui semble destinée à tromper… je ne sais pas qui », a-t-il souligné.
Cristina Valido, députée de la Coalition des Canaries et l’une des plus soucieuses de faire la lumière sur les revendications territoriales persistantes du Maroc sur l’espace aérien du Sahara Occidental et les eaux entourant l’archipel, a quitté la séance plénière comme elle y était entrée : sans aucune information.
« J’aimerais vous poser quelques questions aujourd’hui, car certains médias marocains utilisent des sources officielles et nous entendons fréquemment parler d’annonces aux Canaries dont nous n’avons aucune information. Maintenez-vous que rien de ce qui a été discuté, rien de ce qui est inclus dans ces 14 accords signés, ne concerne les Canaries ? Allez-vous nous fournir ces documents signés, ces 14 accords, afin que nous puissions en examiner les détails et comprendre ce que signifient les investissements et le développement des ports, de la navigation aérienne et d’autres secteurs comme l’agriculture et la pêche ? Et comment est-il possible que, alors que vous ne participez même pas à l’Eurovision avec Israël, vous n’ayez rien dit au sujet de la licence que le Maroc vous aurait accordée pour explorer les eaux proches des Canaries à la recherche d’hydrocarbures ? Avez-vous mentionné Mont Tropic , au sud d’El Hierro, où il semble que le Maroc envisage d’explorer les ressources minérales rares ? » Une litanie de questions qui, comme toutes les autres, se sont heurtées au silence le plus profond de la part d’Albares.