Par Khider Mesloub
Comme nous l’écrivions dans un précédent article, en France le barragisme est ce mouvement réactionnel dressé électoralement par la clique prédatrice gouvernementale et politique pour contrer un parti supposément réactionnaire ou incendiaire de remporter les élections législatives ou présidentielles au second tour du scrutin.
Le barragisme, mouvement impulsif et intempestif électoraliste interclassiste, surgit à chaque scrutin où le parti d’extrême droite française, le Rassemblement national, et dorénavant LFI, rafle massivement le suffrage des électeurs au premier tour.
Ce mouvement réactionnel est, en effet, initié à chaque déconvenue électorale présidentielle ou législative essuyée par les mauvais perdants de droite comme de gauche, ces enragés autoproclamés défenseurs de la République bourgeoise française, déterminés à s’accrocher au pouvoir pour préserver leurs privilèges. Leurs sinécures et prébendes. Leurs rentes gouvernementales, parlementaires, institutionnelles, politiques.
Les protagonistes du mouvement barragiste, tous membres des partis institutionnels et dirigeants gouvernementaux établis, bataillent ainsi pour empêcher, y compris par des manœuvres dolosives et tractations secrètes, le parti en lice d’extrême droite (RN) ou d’«extrême gauche» (LFI) de concrétiser sa victoire obtenue au premier tour, que ce soit à l’Elysée ou au Parlement.
Ces manœuvres dolosives et tractations secrètes, ourdies par le bloc gouvernemental et les partis institutionnels affidés, épaulés par leurs alliés intellectuels et médiatiques, trahissent tout à la fois l’imposture de la démocratie bourgeoise et le mépris des élites de la souveraineté populaire, du vote du peuple.
Pour parvenir à leurs fins, les barragistes réactionnels exercent la pression et le chantage au fascisme sur les électeurs afin d’obtenir leur suffrage, arracher leur vote par le dol. D’aucuns diraient le vol d’un consentement électoral obtenu par des pressions politiques et médiatiques dignes des méthodes employées couramment par la mafia.
Ces barragistes s’autoproclament comme exclusifs directeurs de conscience et uniques maîtres dans l’exercice de la parole divine républicaine. Aussi penser bien et voter correctement revient-il à penser comme eux et à voter pour eux.
Dorénavant, une première sous la Ve République, au barragisme électoral initié par les partis institutionnels vient s’adjoindre l’entravisme présidentiel, innové par Emmanuel Macron.
En effet, en dépit de l’échec de la macronie, battue aux élections législatives, le président Macron entrave la formation d’un gouvernement composé d’élus du NFP, pourtant placé en tête, certes, sans obtenir une majorité absolue. Macron tente ainsi de faire obstruction au NFP en fixant les conditions du prochain gouvernement.
Par voie épistolaire, le despote Macron, qui ne communique dorénavant avec son peuple et ses élus que par lettres pour dicter ses ordres et directives, dans une missive envoyée à la presse régionale, a fixé discrétionnairement les conditions pour la nomination d’un nouveau Premier ministre, qui devra émaner, selon lui, d’une coalition majoritaire. Traduction : une majorité issue de la macronie et de la droite institutionnelle (LR). Au pire, également du PS.
Malgré la défaite de son camp aux législatives, le despote Macron impose ainsi sa volonté de façon totalement bonapartiste et antidémocratique. Une position totalitaire qu’il pousse jusqu’à s’immiscer dans le programme du futur gouvernement, en exigeant que celui-ci «devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible et prendre en compte les préoccupations que vous avez exprimées au moment des élections».
Ce veto présidentiel vise non seulement à entraver la formation d’un gouvernement NFP, réclamé par la gauche, mais également à maintenir au pouvoir le gouvernement actuel jusqu’à l’émergence d’une coalition issue de la macronie, de la droite (LR), du parti socialiste et de EELV (les Verts).
Pour ce faire, rencontres secrètes, tractations s’enchaînent en coulisses. Les ténors du camp présidentiel assurent être en capacité à gouverner et affichent leur refus d’abandonner le pouvoir. En tout cas, le camp macroniste ne veut pas lâcher le pouvoir. Il «joue l’entravisme» pour priver le NFP de former un gouvernement.
L’ancienne présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré cette semaine : «Avec les centristes, l’UDI et Les Républicains, nous sommes capables de représenter une autre force politique alternative.» De son côté, Sylvain Maillard, chef du groupe Renaissance à l’Assemblée lors de la précédente législature, a proposé «une alliance, qui nous permette, sur des items et des projets très clairement identifiés, de pouvoir gouverner le pays dans les trois prochaines années».
Une chose est certaine, les macronistes, en particulier l’aile droite, ont affiché leur volonté d’entraver, notamment par le vote d’une motion de censure, la formation de tout gouvernement comprenant un ministre de la LFI ou reprenant le programme du NFP. Autant de manœuvres antidémocratiques de la macronie pour éviter de rendre le pouvoir.
En attendant, par ces manœuvres, Macron, en jouant la montre, escompte exacerber les divisions apparues au sein de la NFP, grâce notamment à la campagne médiatico-politique de diabolisation de LFI. Une diabolisation qui s’étend également à EELV.
Cela étant dit, on savait que la France glisse, économiquement, vers la tiers-mondisation, on découvre qu’elle emprunte, politiquement, dorénavant les sentiers de la République bananière.
La macronie, au pouvoir depuis sept ans, ne veut ni reconnaître sa défaite électorale aux dernières élections législatives ni accepter de céder la gouvernance au Nouveau Front Populaire.
La passation normale et pacifique du pouvoir est censée être une caractéristique déterminante de la démocratie bourgeoise. Or, avec l’entravisme de Macron, tout porte à croire que la France s’achemine vers un putsch présidentiel perpétré par la macronie.
Pour information, tous les correspondants des médias européens, invités sur les plateaux télés des chaînes audiovisuelles françaises, ont dénoncé l’obstruction de Macron. L’obstination de la macronie à ne pas reconnaître sa défaite. Pour ces journalistes, dans tous les pays occidentaux dits démocratiques, c’est au parti arrivé en tête d’une élection qu’échoit la prééminence de former un gouvernement composé de ministres issus de ses rangs.
Apparemment, tel n’est plus le cas de la France qui a basculé de la démocratie vers le bonapartisme, le totalitarisme.