A la une, Contribution

ANALYSE, TRIBUNE

 France : le vrai danger c’est la démocratie capitaliste belliciste

En France, le score électoral du Rassemblement national au premier tour des élections législatives du 30 juin aura constitué un événement historique, selon les médias. Pour la première fois, le RN se hisse en tête des suffrages lors du premier tour des élections législatives.

Par Khider MESLOUB 

En France, le score électoral du Rassemblement national au premier tour des élections législatives du 30 juin aura constitué un événement historique, selon les médias. Pour la première fois, le RN se hisse en tête des suffrages lors du premier tour des élections législatives.

Les mauvais perdants, les « partis de gouvernement », dénoncent en unisson la victoire de la « honte ». Ces démocrates à géométrie politique variable ont aussitôt déchaîné une opération anti RN, polarisant l’attention de toute la population, réveillant dans tous les esprits le spectre du spectaculaire fascisme fantasmé.

Depuis le soir du premier tour, on assiste à un déferlement d’hystérie démocratique, à la multiplication de manifestations citoyennes pour « faire barrage » à l’extrême-droite. L’ensemble des forces démocratiques hypocrites de l’État bourgeois belliciste, depuis le Nouveau Front Populaire jusqu’à la macronie, appellent à voter au second tour pour un « candidat républicain ». Un esprit malicieux dirait un « candidat putain » du capital. Les prolétaires français devront ainsi se résigner à choisir entre un candidat putain ou un candidat de Pétain. 

Instrumentalisant la défaite cuisante de la majorité présidentielle et la percée électorale du RN, tous les politiciens de la bourgeoisie française, à droite comme à gauche, s’activent pour entraîner les prolétaires derrière la fausse alternative : démocratie contre fascisme. 

La bourgeoisie française propose un remake de sa grande peur du « fascisme ». Les sondages et les pronostics des politologues placent complaisamment les candidats du RN en tête dans la grande majorité des circonscriptions. Au deuxième tour des élections législatives, le RN décrocherait la majorité absolue à l’Assemblée nationale, selon ces propagateurs de peur politique. 

Et les médias et les politiciens « républicains » de tirer la sonnette d’alarme. Cette fois, ce n’est plus comme en 2022, 2017 ou 2002, c’est l’apocalypse génocidaire qui est annoncée à l’issue du scrutin du 7 juillet : « la fin de la démocratie », « l’avènement de la dictature », « du fascisme », la perpétration de « pogroms », de « ratonnades ». 

Autant d’horreurs génocidaires qui attendraient les Français, en particulier d’origine immigrée, s’ils ne votent pas selon les recommandations des biens pensants de l’establishment gouvernemental et médiatique, à savoir pour les candidats « républicains », « démocrates ». Ceux-là même qui s’apprêtent, en cas de leur réélection, à dégrader encore davantage leurs conditions de vie par l’application de nouvelles lois antisociales, à les expédier sur les fronts de guerre, notamment en Ukraine. Ceux-là même qui ont permis aux idées lepénistes de franchir les portes de l’Élysée, de pénétrer grandement dans toutes les rédactions des médias.  

Une chose est certaine, le « barrage démocratique » jugulera certes l’accès au pouvoir du Rassemblement national, mais pas ses idées, déjà amplement prégnantes et régnantes au sein de la République française, de la société civile, instillées par les partis « de gouvernement », les « démocrates ». 

Aussi, le vrai danger, c’est la démocratie bourgeoise. En effet, le principal danger qui menace aujourd’hui les prolétaires de France n’est pas le fascisme fantasmé, mais la pression démocratique, le chantage, la culpabilisation exercée sur leur conscience, au moment ils se posent des questions sur la fiabilité de la démocratie, sa sincérité, son authenticité. Au moment où la démocratie capitaliste est de plus en plus contestée, rejetée. 

En tout cas, à chaque période de crise, dès lors que la classe dominante n’a plus de « pain » à accorder aux prolétaires, elle se met à organiser des jeux (électoraux) pour les distraire. Mais, surtout, pour leur faire oublier la dégradation de leurs conditions de vie. 

Les élections constituent un efficace dérivatif, un salutaire exutoire. Un esprit malicieux dirait un excellent suppositoire, administré par les puissants aux prolétaires, pour qui la prosternation électorale a remplacé la protestation sociale. 

L’enjoué Macron, le jouet du capital, a compris l’enjeu des jeux électoraux. C’est les seuls jeux où ce sont toujours les riches qui gagnent, les nantis qui remportent la mise. Le capital qui rafle automatiquement la victoire. Et les prolétaires demeurent toujours les dindons de la farce électorale de la démocratie bourgeoise. 

Aujourd’hui, dans une période marquée par une crise économique systémique, tous ces requins de la politique, responsables de la dégradation des conditions de vie de la population laborieuse, mettent à profit l’opportunité de la montée du RN pour porter un nouveau coup à la conscience des travailleurs de France en accréditant l’idée selon laquelle leur survie et avenir se jouent sur le terrain de la mascarade électorale. La croyance selon laquelle la démocratie capitaliste est leur bien le plus précieux, leur ultime planche de salut. 

Aussi, n’ont-ils pas d’autre perspective que de se mobiliser électoralement pour la sauver. D’assiéger massivement les bureaux de vote le 7 juillet prochain pour défendre, non pas les intérêts de la classe exploitée, celle des travailleurs et des couches populaires menacées d’extinction sociale et physique par la crise économique et la guerre en préparation par la bourgeoisie française belliciste, mais la démocratie capitaliste, présentée comme « le bien commun le plus précieux ».

Ainsi, l’hystérique campagne d’embrigadement électorale vise à semer l’illusion suivant laquelle l’avenir de la société n’est pas dans la lutte de classe entre exploiteurs et exploités mais dans un front uni du « peuple de la France républicaine », toutes classes confondues, contre le « fascisme fantasmé ». 

Quand bien même serait-il réel, le fascisme est d’essence capitaliste, l’œuvre de la bourgeoisie, du capital. Cela revient à s’associer avec ceux qui ont contribué à le créer, les pyromanes du fascisme, les gouvernants et les politiciens « démocrates ».

Pour rappel, comme nous l’enseigne histoire du 20e siècle : c’est par la mobilisation de dizaines de millions de prolétaires derrière les drapeaux de l’antifascisme dans les années 1930 que les partis de gauche, au nom de la défense de la démocratie bourgeoise, ont pu embrigader les prolétaires dans la Seconde Guerre mondiale pour la défense du capital national. C’est au nom de la défense de la démocratie contre le fascisme que les prolétaires ont été sacrifiés, utilisés comme chair à canon pour une cause qui n’était pas celle du prolétariat mais du capital impérialiste. 

Les prolétaires ne doivent jamais oublier cette vérité historique : la démocratie et le fascisme sont les deux faces de la même médaille, les deux visages de la même dictature implacable du capital. La démocratie est la feuille de vigne derrière laquelle se dissimule la dictature du Capital. Dans l’histoire, Démocratie et Dictature, deux modes de régulation politique au sein du même mode production capitaliste, se succèdent alternativement, au sein du même État, au gré des conjonctures économiques et sociales, autrement dit de l’exacerbation ou de l’assoupissement de la lutte des classes. Mais également de l’aggravation des tensions inter-impérialistes. 

C’est le capitalisme décadent qui a donné naissance au fascisme. C’est la respectable république démocratique de Weimar qui a fait le lit du nazisme. C’est ce même capitalisme moribond français qui a permis la percée historique du parti lepéniste, le Front national. 

C’est au nom de la défense des valeurs démocratiques que les États occidentaux, notamment la France, arment et soutiennent l’État fasciste d’Israël qui commet depuis 9 mois un génocide contre le peuple palestinien. C’est au nom de la démocratie que la France mène ses guerres impérialistes, détruit des pays souverains. 

C’est toujours ce système capitaliste déliquescent, dirigé par des délinquants politiciens « démocrates », qui est le seul et unique responsable de la décomposition généralisée de toute la société française, entretient le délitement des liens sociaux, l’insécurité permanente, la violence aveugle, la xénophobie, le racisme, la haine inter-ethnique, le terrorisme, l’apologie du sionisme génocidaire, le bellicisme suicidaire des Ukrainiens. 

Ces abominations sont engendrées et propagées, non pas sous la gouvernance du Rassemblement national, qui n’a jamais accédé au pouvoir, mais des partis de gouvernement démocratiques de droite et de gauche. Ce sont les gouvernements démocratiques de droite et de gauche qui ont précipité les Français dans la paupérisation, le déclassement social, le chômage endémique, la détresse sociale et psychologique ; qui ont nourri les ressentiments et les haines, le racisme et la xénophobie. Des poisons inoculés notamment par les médias « démocratiques ».

Une chose est certaine, comme le notait le révolutionnaire français Auguste Blanqui : « Mais, pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocat, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours ».

Jamais une transformation sociale n’a jailli des urnes « démocratiques ». Ni les urnes « démocratiques » ont contrecarré l’avènement du fascisme.

Aussi le seul moyen efficace et radical de combattre l’extrême-droite, cette « Arlésienne fasciste » dont tout le monde parle et annonce l’avènement, c’est de mener la lutte, non pas sur le terrain électoral, de manière donquichottesque  en se battant  contre les moulins à vent, mais sur le terrain social et économique, en combattant directement son géniteur : le système capitaliste et ses véritables fidèles mandataires, défenseurs et protecteurs, les politiciens démocrates de droite et de gauche. 

Khider MESLOUB 

Partager cet article sur :

publicité

Dessin de la semaine

Articles similaires