Par Nora Abdelkrim
Arrêtés le jour du coup d’État au Gabon, le 30 août dernier, Noureddin Bongo Valentin, le fils aîné d’Ali Bongo Ondimba, le président déchu, et une dizaine de proches ont été inculpés, le 20 septembre et incarcérés à « Sans famille », la prison centrale de Libreville. Les charges sont lourdes selon les cas, allant de « troubles des opérations d’un collège électoral » à « corruption » en passant par « contrefaçon et usage de sceaux de la république, « falsification et usage d’imprimés officiels d’une institution », « remise et obtention de sommes indues », « détournement de deniers publics », « blanchiment de capitaux » ou « usurpation de titres et de fonctions ».
Le coût d’État a été perpétré par les militaires menés par le général Brice Oligui Nguema, moins d’une heure après l’annonce en pleine nuit de la réélection d’Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009, alors qu’il succédait à son père, Omar Bongo, fleuron de la « Françafrique » installé à la tête du pays par le général de Gaulle et Jacques Foccart. Omar Bongo, fort du soutien des Français, fut vice-président de la République gabonaise du 2 décembre 1967 à sa mort, le 8 juin 2009. L’arrestation de Noureddin Bongo Valentin marque, sans doute, la fin de la dynastie gabonaise des Bongo.
Ali Bongo Odimba qui a été victime d’un AVC en 2018, n’avait pas été placé en résidence surveillée le soir du coup et était « libre de ses mouvements », pouvant même « se rendre à l’étranger », avait déclaré le 6 septembre, le général Oligui. Son fils et son épouse, en revanche, sont accusés d’avoir été « les véritables dirigeants du pays » et d’avoir construit un réseau de corruption généralisée.
Le 13 septembre, le général Oligui Nguema, nommé président de transition, avait annoncé la mise en place d’une commission d’enquête sur les marchés publics pour révéler les fraudes, telles que surfacturations, rétrocommissions, passations frauduleuses de marchés publics, ou « délit de corruption des sociétés pétrolières », comme Elf Aquitaine, aujourd’hui TotalEnergies. Il avait sommé les chefs d’entreprises de mettre fin immédiatement à ces pratiques et ordonné à des centaines de fonctionnaires, hauts fonctionnaires et cadres du secteur public de restituer les fonds détournés « sous 48 heures, sinon (nous) viendrons vous chercher et vous verrez la différence », avait-il déclaré.
La famille Bongo grand-père, grand-mère, père, mère, fils, fille jouissent d’un confortable patrimoine immobilier en France, frauduleusement acquis, évalué à 85 millions d’euros, auquel il faut ajouter au moins 29 voitures de luxe – Rolls Royces, entre autres pour une valeur de 15 millions d’euros environ, bijoux etc…. Neuf enfants Bongo (Omar Bongo en avait plusieurs dizaines, il en a reconnu une cinquantaine) sont mis en examen en France pour recel de détournement de fonds publics dans le cadre de l’enquête sur les « biens mal acquis ». En 2008, une plainte avait été, en effet, déposée par les ONG’s Transparency International et Sherpa visant les familles Bongo (Gabon), Sassou-Nguesso (Congo-Brazzaville) et Obiang (Guinée Équatoriale), soit des piliers de la Françafrique. Il a fallu plusieurs années pour qu’elle aboutisse. La fortune des Bongo a été évaluée à 460 millions d’euros par le journaliste Fabrice Arfi qui a eu accès aux archives de la famille.
Brice Oligui Nguema, président de la transition, était, avant le putsch, un homme du pouvoir et de la famille Bongo, cousin germain du président déchu par ses soins. Il fut lui-même soupçonné d’enrichissement personnel, mais non cité dans l’affaire des « biens mal acquis », ayant, dit la rumeur, préféré acheté des propriétés dans la banlieue de Washington, aux États-Unis.
