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Guinée : Rafiou Sow met la pression sur la junte « ni le CNRD, ni Doumbouya, n’a la légitimité de réconcilier les Guinéens… »

Rafiou Sow est un visage connu du landerneau politique guinéen. Président du Parti du Renouveau et du Progrès (PRP), également membre fondateur de l’alliance nationale pour l’alternance démocratique (ANAD). Dans cette présente interview, le président du PRP alerte la façon dont le CNRD mène la transition ; hésite sur la fiabilité du dialogue politique initié récemment par le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation, Mory Condé. Le jeune leader politique étrille vigoureusement les Assises nationales prévues le 22 mars 2022, annoncées naguère par le CNRD. Il s’agit dans cet entretien toute une grille de lecture politique que Rafiou Sow nous offre pour comprendre la conduite de la transition dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya.

Comment accueillez-vous la main tendue de la junte pour le dialogue politique ?

Rafiou Sow : Écoutez, ce que nous réclamons en tant que parti politique, nous n’allons pas vers cela. Pour moi, c’est encore une diversion du ministre du MATAP, qui aide le CNRD à retarder cette transition. Nous n’allons jamais à l’essentiel. Si le ministre Mory Condé voulait que les choses aillent, il aurait pu nous écrire une lettre, en mettant l’objet du débat, mais nous recevons une lettre où l’objet n’y est pas. Simplement nous sommes conviés à la clôture des concertations qui ont débuté depuis. Vous savez que ces concertations, c’était de venir s’assoir, écouter le CNRD, qui transmettait ses messages à chaque fois, et aussi, venir regarder un match de football avec nous les leaders politiques, c’était ça leur concertation.

Ce que nous réclamons aujourd’hui, c’est quoi, ce qu’on ait un cadre de dialogue permanent où il aura le CNRD, le gouvernement, forces sociales, partis politiques et nos partenaires techniques et financiers. Voilà ce que nous demandons aujourd’hui. C’est ce cadre de dialogue qui doit décider des grands axes de la transition ; c’est-à-dire, de l’organe de gestion des élections, du chronogramme de la transition. Qu’est-ce qu’il faut faire pour aller rapidement aux élections puisque la vocation d’une élection, c’est cela.

Aujourd’hui, quel est le bilan de la transition, du 5 septembre à maintenant ?

Rafiou Sow : C’est extrêmement mitigé. Aujourd’hui, la transition ne prend pas le chemin qu’elle doit prendre. Nous ne parlons même pas de la transition. Tout ce qui a été mis en place par le CNRD est renvoyé aux calendes grecques.  Et cela ne peut pas marcher. Ils parlent des récupérations des domaines de l’Etat qui ne sont pas faites selon la loi. Nous déplorons. Nous avons salué la mise en place de la Cour de répressions des infractions économiques et financières (CRIEF), mais aujourd’hui, nous avons l’impression que cette Cour est devenue un organe du CNRD pour disons s’en prendre à des citoyens, simplement parce qu’ils n’aiment pas leurs têtes ou ils veulent éliminer ces personnes de la course. Et ça, ne peut marcher.

Et quand vous voyez les autres actions, vous regardez le gouvernement, qu’est-ce qui fonctionne aujourd’hui ? Rien du tout, rien du positif. C’est simplement ce qu’Alpha Condé avait mis en œuvre, peut-être ce qui marche, ça va lentement, mais autre chose, toutes les annonces de Doumbouya, il n’y a rien tout.

Quand on parle d’Assises nationales, c’est parler de réconciliation, de paix, de pardon, mais comment vous voulez, quand vous menez unilatéralement, vous donnez le nom de l’aéroport à Sékou Touré, et tout le monde sait que son nom divise le peuple de Guinée. Ce que vous ne voulez pas de réconciliation, de paix et de pardon. Vous prenez les cases Belle-vue, vous retournez à la famille Sékou Touré sans passer par la loi, sans donner de preuves, et imposer cela, ce que vous ne voulez pas de réconciliation. Vous êtes venus poursuivre l’œuvre de Sékou Touré. C’est ce que nous on peut avoir comme impression. Et nous ne pouvons le pardonner. Je pense, aujourd’hui, ni le CNRD, ni Doumbouya, n’a la légitimité de réconcilier les Guinéens. Je pense que cela reviendra au président qui sera élu par le peuple de Guinée. C’est dans ce sens qu’il faudrait qu’on aille aux élections pour que les institutions soient mises en place et que le président élu essaye de conduire dans l’objectif que les Guinéens souhaitent.

Comment accueillez-vous les Assises nationales qui démarreront le 22 mars prochain ?

Rafiou Sow : Les Assises nationales ne nous concernent pas. Nous ne prendrons pas part. Nous pensons que c’est de la ‘’Mamaya’’ comme le dit le guinéen simple. C’est une façon de retarder les élections. C’est du copier-coller. Le Mali l’a fait. Aujourd’hui, nous essayons de copier les maliens de le faire. Parce que ces Assises ont permis à la junte malienne de prétendre passer 5 ans au pouvoir. C’est ce qu’eux veulent faire. Ça ne marche pas. Ça ne nous intéresse pas. Nous savons quoi souffre la Guinée. Il est grand temps qu’il ait un cadre de dialogue permanent, qu’avec les acteurs importants de la société civile, des partis politiques, du CNRD, qu’on en discute. Et puis qu’on s’attend. C’est tout ce qui donne la légitimité aux actions qui seront prises pendant cette transition. Sans cela, il n’y a aucune légitimité, puisque Doumbouya n’est pas élu, dans ce cas, pas de légitimité. Celui qui viendra demain peut remettre tout en cause. Je conseille au CNRD pour qu’il ait un cadre de dialogue où nous pouvons dégager une certaine légitimité quand les partenaires techniques et financiers sont là, les partis politiques, les forces sociales puis le CNRD. Tout ce qu’on décidera pourra être légitime et nous conduire rapidement à des élections apaisées.

Propos recueillis par Makoura

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