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Pour domestiquer les jeunes et les apprivoiser au climat de guerre: Macron instaure le SNU

Par Khider Mesloub

Comme nous l’avons souligné dans notre précédent article consacré à l’instauration du Travail Obligatoire,1 le régime macroniste œuvre sur le front du Travail qu’il compte militariser, mais également sur le front de la Patrie, qu’il s’acharne à blinder et à armer, idéologiquement et militairement. Ne vient-il pas de voter un budget de 413 milliards d’euros de financement des Armées pour les sept années à venir. La plus importante hausse enregistrée depuis plus de 60 ans. Preuve du tournant militariste de l’État français en voie de durcissement autoritaire et de bellicisme forcené, les deux fondements constitutifs du fascisme. 

Il est utile de rappeler que, pour imposer son ordre nouveau, le régime de Vichy instaure un état policier et une société militarisée. En juillet 1940, le nouveau régime de Vichy annonce la naissance des « groupements de jeunesse », qui deviendront, en janvier 1941, « les chantiers de la jeunesse », où tous les hommes de 20 ans passent obligatoirement huit mois. Lors de leur enrôlement, ces jeunes doivent apprendre « L’amour du travail, de la discipline, de la patrie, du Maréchal et de son régime ».

Aujourd’hui, en 2023, dans cette nouvelle ère marquée par la militarisation de la société et la caporalisation des esprits, aux fins d’inculquer aux jeunes le respect de l’autorité, autrement dit, les valeurs par excellence des soldats de l’armée impérialiste, le gouvernement Macron décide de réinstaurer le service militaire obligatoire, sous une nouvelle forme : le Service national universel (SNU). Le dispositif pourrait concerner tous les jeunes âgés de 15 à 17 ans. Tous les élèves de seconde et ceux de première CAP de 6 départements devraient participer obligatoirement au SNU à partir de janvier 2024. Puis, un élargissement progressif à l’ensemble du territoire devrait avoir lieu. En tout cas, la secrétaire d’État à la jeunesse, Prisca Thevenot, a annoncé que le gouvernement souhaite aller vers une « obligation et une généralisation » du Service National Universel (SNU). Après plusieurs mois d’atermoiements, le gouvernement opte finalement pour un SNU obligatoire. 

Dans le cadre de la domestication de la jeunesse, de l’apprivoisement et de l’habituation au climat de guerre, ces adolescents, en intégrant le Service national universel, devront apprendre à se lever à l’aube, enfiler l’uniforme, participer à la levée du drapeau français, chanter La Marseillaise avant de se rendre à des activités diverses autour de l’autodéfense et de l’engagement.  Mais aussi s’intégrer dans des modules d’apprentissage sur des enjeux liés à la défense, à la mémoire et à la transmission « des valeurs de la République » (c’est-à-dire valeurs bourgeoises françaises impérialistes et belliqueuses, les valeurs patriotiques et réactionnaires réactivées dans un contexte de course à la militarisation de Europe).

L’instauration du SNU s’inscrit dans la politique de durcissement autoritaire impulsée par le régime totalitaire macroniste, qui a fait de la question de l’ordre à l’école une de ses priorités. Le gouvernement Macron entend discipliner la jeunesse et imposer les valeurs réactionnaires patriotiques dans un contexte de militarisation de l’ensemble de la société. Selon certaines sources, le gouvernement Macron « réfléchirait à interdire le passage du baccalauréat pendant 5 ans à quiconque refuserait de réaliser son Service National Universel ».

Ces exercices militaires encadrés par l’armée seront bientôt une réalité pour les 800 000 lycéens. Une formation d’une durée de 12 jours sera imposée à tous les lycéens, et ce, sur le temps scolaire. La journée commencerait à 6H30 pour s‘achever à 22H30, selon plusieurs sources. « Les rituels républicains (levée du drapeau, marseillaise…) font partie intégrante des éléments qui rythment et donnent un cadre à chaque journée », souligne l’une de ces sources.

Les jeunes devront porter un uniforme et le téléphone portable sera proscrit en journée, pour s’assurer que les jeunes ne soient pas distraits pour leur apprentissage des « valeurs républicaines », selon le document officiel relatif au SNU. 

Pour information, ces stages militaires ne sont pas ouverts aux journalistes. Les seules images diffusées sont celles de l’État. Aussi, pour connaître les réelles conditions du déroulement de ces stages militarisés, il faut s’en remettre aux témoignages des stagiaires. Un stagiaire interrogé par France Info a raconté son expérience : « Ils ont fait une soirée et ils ont réveillé tout le monde avec une alarme incendie. Ils ont jeté des fumigènes et ont simulé une fusillade. Plusieurs ont perdu connaissance, fait des malaises et des crises de paniques ». Selon ce témoin, il semblerait qu’un des « cadres s’amusait à humilier les jeunes et à leur faire peur ». L’année dernière, le journal Le Canard enchainé dévoilait que lors d’une session une vingtaine de jeune avaient fait des malaises à Besançon et également à Nevers. Pareillement, une dizaine avait fait des malaises à Dieppe. Au total, 31 jeunes avaient fini leur stage aux urgences.

Cela étant, le coût du SNU est évalué à 3 milliards d’euros par an (au vrai, 6 milliards selon un rapport sénatorial). 

« Ces milliards seraient bien plus utiles pour le service public de l’Éducation nationale, qu’aux mains des militaires », estiment nombre de syndicalistes du corps enseignant. En effet, près de 3 500 euros seront dépensés pour chaque jeune lycéen mobilisé dans le dispositif SNU. Et ce, au moment où les établissements scolaires souffrent d’une pénurie de plusieurs milliers de professeurs, entraînant une dégradation des conditions d’apprentissage pour des centaines de milliers d’élèves. 

« Encadrement militaire, levée du drapeau, chant guerrier, uniforme, parcours du combattant, raid commando, etc. contribueront à l’endoctrinement des jeunes. La propagande visera à banaliser encore plus le rôle de l’armée, alors que celle-ci est en pointe dans la répression, sur le territoire français, dans les colonies et diverses régions du monde », écrivent dans leur tract plusieurs organisations politiques et syndicales.

En tout cas, le Service national universel suscite un déluge de critiques virulentes. « SNU : c’est une certaine conception de l’engagement des jeunes… bien loin du militantisme solidaire mais bien proche des organisations paramilitaires… », dénonce un syndicaliste de l’Éducation nationale. 

Dans un contexte de réarmement impérialiste et d’embrigadement militariste de la jeunesse, outre les lycéens, le gouvernement Macron compte enrôler également des étudiants. Les étudiants sont encouragés à devenir réservistes pour l’armée française en échange de l’attribution d’une allocation de 2 500 euros par an pendant cinq ans, et le financement du permis de conduire.  « À côté du militaire, il y a le civil et je souhaite que nous renforcions nos capacités à nous défendre face aux nouveaux risques à travers une mobilisation de la Nation tout entière et une augmentation des réservistes aux côtés des forces de sécurité intérieure », avait déclaré Macron lors de sa campagne électorale de 2022.

Voici l’avenir « radieux et pacifique » offert par le gouvernement Macron à la jeunesse : les carrières militaires, les champs de bataille, les fronts de guerre. 

Hitler voulait une jeunesse allemande « dure comme l’acier ». Macron veut façonner une jeunesse française idéologiquement sûre pour l’armée. Macron n’attend pas qu’elle soit « dure comme l’acier », mais sûre pour le sacrifice. Dans les deux régimes aux affinités totalitaires électives, le dessein est identique. 

 

Lire notre article Le pouvoir macroniste réinstaure le Travail Obligatoire cher au régime fasciste de Vichy, publié dans Algérie54 le 30 septembre 2023.

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