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Ahmed Mizab à Algérie54: la Libye ,l’équation sécuritaire, liée à la perception de la sécurité nationale

Dans  un entretien accordé à Algérie54, l’expert algérien en questions sécuritaires et stratégiques, Ahmed Mizab livre sa lecture sur la dernière sortie médiatique du président de la république Abdelmadjid Tebboune, sur les crises libyenne, malienne, l’instabilité dans la région du Sahel et les causes palestinienne et sahraouie  à l’occasion de son allocution lors de la réunion Gouvernement-walis tenue samedi et dimanche à Alger.

Algérie54:A l’occasion de son intervention lors de la rencontre gouvernement-walis, le président de la république Abdelmadjid Tebboune a indiqué que la diplomatie algérienne  était absente durant la dernière décennie au sujet du dossier libyen, et aujourd’hui l’Algérie est disposée à intervenir pour défendre les richesses du Peuple Libyen, quelle lecture faite vous au sujet du nouveau ton ferme exprimé par le Chef de l’Etat?
Ahmed Mizab: Laissez- moi l’opportunité d’affirmer que le président de la république a minutieusement diagnostiqué la diplomatie algérienne, notamment en ce qui concerne les dossiers stratégiques et les dossiers vitaux, ou exactement les dossiers liés à notre sécurité nationale. Evoquer avec insistance le dossier libyen, reflète la perception du président de la république de la complexité de la question, qui dépasse le statut d’un pays voisin, mais au delà. Premièrement, la Libye est l’équation sécuritaire, liée à la perception de la sécurité nationale. Toute agitation signifie l’instabilité pour l’Algérie. Il est clair que la facture de la crise libyenne, est considérée comme absence de l’équation sécuritaire, et par voie de conséquence, elle aura ses répercussions sur la région. Il ne faut pas oublier, que le développement de la crise libyenne depuis 11 ans a eu des effets désastreux sur la région, dont celui de la sécurité. Nous pensons que le président Tebboune a déterminé que l’Algérie pouvait jouer un rôle important au début de la crise libyenne, permettant la préservation de la sécurité , la stabilité de la Libye, l’unité et la souveraineté de son territoire, et plus précisément la préservation de l’Etat libyen, ce qui permet par voie de conséquence la stabilité et la sécurité de toute la région. L’absence de la diplomatie algérienne a eu des effets en ce qui concerne cette question, car aujourd’hui, on est loin de porter un diagnostic, mais de relever que cette question a plusieurs intervenants, qui nourrissent le conflit et les divergences intérieures, à savoir des acteurs libyens, et autres agendas étrangers en confrontation, en plus de l’absence d’une réelle initiative des pays voisins. Nous pensons que le ton ferme du président Tebboune, résume bien la position de l’Algérie à tenir, et ne pas tolérer la pérennisation de la situation actuelle. Le règlement politique de la question est indispensable, car les voies de la confrontation ou de la guerre n’ont pas de chance à aboutir. Une feuille de route politique acceptée et adoptée par le Peuple Libyen, permet la tenue des élections, synonymes d’un projet d’Etat, dont l’Algérie pourrait jouer un rôle incontournable et fondamental. L’insistance du président Tebboune sur ce point me parait important et d’essence, sachant que l’Algérie pourrait jouer un rôle de premier ordre, dans la mesure ou elle détient des cartes, et jouit d’un statut impartial accepté par les parties libyennes en conflit, et aussi par les acteurs internationaux sur les scènes régionale et internationale. La diplomatie algérienne est la mieux placée grâce à son acquis, pour entreprendre des initiatives permettant le règlement définitif du conflit libyen.
Algérie54:Le Chef de l’Etat marque le territoire de la position algérienne, soutenant les résolutions onusiennes favorables à la tenue d’élections présidentielles et législatives, pour élire des institutions démocratiques représentatives des différentes franges de la société libyenne susceptibles de garantir la paix et à la stabilité à la Libye. Qu’en pensez-vous?
Ahmed Mizab: Evoquant les solutions à la crise libyenne, on n’a pas d’alternative à la tenue des élections pour édifier des institutions. La feuille onusienne dont l’Algérie adhère, suggère la tenue d’élections sur la base d’une conception rationnelle et logique. Nous avons déjà évoqué l’impossibilité de la tenue d’élections le 24 décembre 2021, pour des raisons objectives. Veut-t-on une solution durable à la crise ou une solution formelle avec la tenue d’élections de façade, faisant naître des institutions illégitimes et malades?
Si on veut une solution durable, on doit travailler pour la concrétisation de la carte politique, avec un dialogue politique inter-libyen. A travers, le dialogue en découlera des chantiers , permettant d’élaborer une constitution qui déterminera la nature du pouvoir, le visage des institutions, et des instruments réels et efficaces, c’est à dire l’organisation d’élections, en vue de la mise en œuvre de la forme et le fond de l’Etat. Le dialogue intr-libyen permettra aussi d’ouvrir le chantier de la réconciliation des libyens, en vue de garantir l’unité du Peuple Libyen. L’autre chantier, est d’ordre sécurité avec la dissolution des milices, et l’éradication de l’anarchie des armes, la mise en œuvre des mécanisme de lutte contre le terrorisme. Donc, nous saluons la position de l’Algérie qui soutient la carte onusienne qui œuvre pour la tenue d’élections démocratiques et libres, permettant la naissance d’un Etat libyen démocratique doté d’institutions représentatives.
Algérie54:Le président Tebboune indiqua que la région du Sahel constitue la profondeur stratégique de l’Algérie. Est-ce une nouvelle démarche algérienne plus entreprenante dans cette région ravagée par le terrorisme, les conflits ethniques et la pauvreté, sachant que l’Algérie est impliquée dans d’importants projets structurants dans le cadre de l’inTégration régionale. Que dira Monsieur Mizab sur ce sujet?
Ahmed Mizab: Ici, permettez-moi de dire que le président de la république parle du concept de la sécurité nationale de l’Algérie, des frontières de la sécurité nationale, défense des intérêts stratégiques de l’Algérie, conformément à la constitution du premier novembre 2020. Des frontières qui ne sont nullement déterminées par la géographie, et liées essentiellement aux intérêts stratégiques et vitaux du pays. Aujourd’hui, la sécurisation de l’Algérie, la préservation de sa sécurité et sa stabilité, n’est nullement liée à la ligne de démarcation, mais à la nécessité d’éloigner la menace réelle. Nous estimons que la région du Sahel n’est pas uniquement une  profondeur stratégique, mais un jardin-arrière de l’équation sécuritaire pour l’Algérie. La sécurisation de la région du Sahel, est une garantie pour la sécurité et la stabilité de l’Algérie. Et pour mieux illustrer cet état de fait, il faut consulter les communiqués quotidiens du Ministère de la Défense Nationale MDN, au sujet des opérations sécuritaires, la saisie d’armes et les opérations d’éviter  l’infiltration des organisations terroristes et criminelles, voire toutes les opérations de lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et l’immigration clandestine. Nous estimons que le président Tebboune a évoqué le rôle stratégique de l’Algérie, dans l’élaboration de la décision dans la région du Sahel, pour faire face à l’ingérence étrangère qui avait investi dans l’absence de l’Algérie, et la facture est confirmée par les chiffres. Dire que la région du Sahel est une profondeur stratégique n’est pas une audace, mais une réalité ou il faut mettre les points sur les I. L’Algérie est un Etat-pivot, le mieux indiqué pour rétablir l’équilibre dans la perspective de la stabilité dans la région. Cela est nullement notre discours, mais celui des partenaires stratégiques et de la confirmation du Conseil de Sécurité, et cela dérange les ennemis de l’Algérie qui ne cessent de comploter, en vue de maintenir le statuquo de l’instabilité dans la région. Sur ce plan, l’expérience algérienne pour le Mali, est une expérience réussie, ayant détruit la conception de l’intervention étrangère qui a démantelé les Etats, divisé les peuples et piller les richesses. L’approche de l’Algérie, associant la paix au développement donne aujourd’hui des résultats.
Algérie54:Le président Tebboune considère la Palestine comme une cause nationale et non une question internationale à l’instar de certains pays. L’Algérie est-t-elle plus engagée dans le dossier palestinien par rapport aux années précédentes comme l’indique le prochain dialogue inter-palestinien prévu à Alger, avant le sommet arabe?
Ahmed Mizab: Dire que la cause palestinienne est une cause nationale, s’inspire de nos constantes et le lourd tribut payé par les Algériens pour l’indépendance et le recouvrement de la souveraineté nationale. La cause palestinienne est le ciment qui unifie la maison arabe, au même titre qu’elle est la cause qui divise les arabes. N’oublions pas que l’Algérie considère son indépendance incomplet sans celui de la Palestine, ou l’Algérie est avec la Palestine juste ou injuste. Aujourd’hui, l’Algérie ne regarde pas à la cause palestinienne comme une simple cause, mais une récompense du processus de libération, entrepris par notre pays. L’implication de l’Algérie dans ce dossier d’honneur de la nation arabe est totale, comme en témoigne ses efforts déployés ces derniers temps couronnés par une avancée notable en vue de réunifier les rangs des palestiniens avant la tenue du Sommet arabe d’Alger prévu au début du mois de novembre prochain. L’Algérie travaille d’arrache-pied pour consolider les assises intérieures palestiniennes, pour contenir le plan sioniste « Sykes-Picot II », qui débuta par ce qui est appelé « printemps arabe » dans le but de démanteler la zone arabe, et la reconfiguration d’une nouvelle carte politique acquise au diktat sioniste. Une reconfiguration débarrassée de la Palestine.
Algérie54:La RASD gagne  de plus en plus de reconnaissance internationale. La présence du président sahraoui à Tunis pour y assister au Sommet TICAD 8, a accentué l’isolement du Makhzen qui espérant sauver son plan d’autonomie en normalisant avec l’entité sioniste; quel est votre avis sur les derniers développements de la question sahraouie?
Ahmed Mizab: Permettez- nous de dire qu’à partir d’un postulat, que la cause sahraouie est inscrite dans le 4ème comité onusien de décolonisation et que cette question est liée au droit à l’autodétermination du Peuple Sahraoui. Le Conseil de Sécurité de l’ONU a chargé dans ce cadre la MINURSO, de préparer les conditions adéquates pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Des conditions piétinées par le régime du Makhzen, qui n’a pas hésité à normaliser ses relations avec l’entité sioniste dans sa stratégie d’hostilité à l’égard de l’Algérie, en vue d’assoir sa politique expansionniste. Les erreurs stratégiques du régime du Makhzen se sont répercutées sur la situation interne du pays, de plus en plus explosive. On a relevé ces derniers temps, que ce régime a reçu plusieurs gifles sur la scène internationale. Ainsi, la Tunisie avait accueilli le président sahraoui, conformément aux résolutions de l’Union Africaine, et en sa qualité de pays membre de l’instance continentale, sachant que nous sommes conscients des complots que trame le Maroc à l’égard de la Tunisie. Le Maroc s’est fait encore ridiculisé en exhibant un tweet du président kenyan, dont le pays n’a pas tardé à réitérer sa position conforme aux résolutions de l’UA, dont la RASD est un membre fondateur. Le Kenya est rejoint par le Soudan du Sud, dont les dirigeants refusaient le chantage de bas étage du Makhzen, et qui s’ajoute de facto aux échecs diplomatiques du régime marocain en Amérique Latine, ou la cause sahraouie gagne de plus en plus de soutiens et de défenseurs.
Entretien réalisé par Zakaria Habibi

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