Dans une interview accordée à Algérie54, le journaliste et auteur français Jacob Cohen, répond avec une grande franchise et parfaite maitrise aux questions sur l’interprétation de la liberté d’expression par le président français Emmanuel Macron, l’exigence du pass sanitaire en France, le scandale du logiciel espion Pegasus, la lune du miel entre Rabat et Tel-Aviv et son impact sur l’Algérie, et enfin le boycott des sportifs de l’entité sioniste par des sportifs arabes opposés à toute normalisation avec l’occupant des terres arabes dont la Palestine.
Algérie54:Le président Emmanuel Macron vient de déposer plainte contre l’auteur Michel-Ange Fiori ,un artiste varois qu’il a représenté en Führer du parti Nazi, pour dénoncer sa politique sanitaire, n’a-t-il pas été favorable à la publication blasphématoire de Charlie Hebdo à l’encontre du Prophète Mohamed ?
Jacob Cohen:C’est le double discours classique. Une spécificité de l’homme politique français qui ne craint pas la contradiction et même l’assume avec suffisance. Rappelez-vous la déclaration publique et solennelle de Macron refusant la vaccination obligatoire. Depuis les caricatures de Charlie-Hebdo, l’establishment politique français a réaffirmé la main sur le cœur que la Liberté avec un grand L était une valeur suprême, inattaquable, illimitée. On se gargarisait du slogan : « Le droit au blasphème ». Sarkozy et Hollande avaient surenchéri. Macron aussi y est allé de son laïus sur le caractère sacré de la Liberté. Oui mais, il s’agissait de dénigrer les musulmans. Et sur ce plan la chasse est ouverte. On peut tout se permettre sans risque. C’est même une attitude qui peut faire sortir un musulman renégat de l’anonymat (Sansal, Sifaoui, Chalgoumi, dans les domaines littéraire, politique, religieux, entra autres). Seulement, essayez de faire le dixième avec la communauté juive, le sionisme, ou le tabou des tabous : l’holocauste. La moindre incartade jugée inconvenante par le CRIF vous mènera devant la Justice sans échapper à une campagne de diabolisation massive.
Algérie54:Les Français décrient de plus en plus le Pass vaccinal, le considérant comme une atteinte à leurs libertés. Le weekend dernier, une forte mobilisation a été enregistrée en France, augurant une rentrée sociale des plus chaudes à quelques mois de la prochaine présidentielle. Qu’en pensez-vous ?
Jacob Cohen:La mobilisation des Français a surpris beaucoup de monde. Pendant presque un an et demi, la majorité des Français semblaient encore dans un état de sidération, d’apathie, et tous les grands corps sociaux, universitaires, juristes, artistes, enseignants et magistrats, ne semblaient pas voir les dérives autoritaire ni les manipulations médicales. Il a fallu le discours du 12 juillet imposant le pass sanitaire, qui aurait interdit de fait aux non-vaccinés l’accès aux cinémas, aux théâtres, aux musées, aux bibliothèques, aux salles de sport, aux centres de loisirs, aux centres commerciaux, et même aux hôpitaux, pour amener le peuple à sortir dans la rue. Mais autant que le contenu, il y a eu le ton de Macron, méprisant, autoritaire, impérial, vindicatif. L’erreur de Macron aura été de croire que le peuple était définitivement anesthésié et qu’il pouvait lui asséner toutes les contraintes, même celle d’ « évincer » selon le mot du ministre de l’éducation les élèves non-vaccinés. La révolte semble toucher la nation française dans toutes ses composantes, même dans tous les petits patelins, et la prochaine présidentielle en sera assurément affectée.
Algérie54: Dans une de vos dernières sorties, vous avez dénoncé les propos d’Eric Zemmour,en les qualifiant d’une stratégie de soumettre les musulmans au diktat du lobby sioniste, dans le sillage de la loi sur le séparatisme, quelle est votre approche sur le sujet ?
Jacob Cohen:Avant de s’attacher à la personnalité et au discours d’Eric Zemmour, il faut comprendre d’où il parle. C’est un juif traditionaliste et sioniste qui selon toute probabilité a rejoint le camp des milliers de «sayanim » qui collaborent avec le Mossad dans le domaine de leurs compétences. Vu sous cet angle, les positions qu’il défend prennent leur véritable signification. En se faisant admirer par une partie de la droite nationale par la réhabilitation de Pétain et la détestation de l’islam, Eric Zemmour l’entraîne aussi dans l’admiration d’Israël, avant-garde de l’Occident. C’est ce que d’aucuns ont qualifié de « national-sionisme ». In fine, et concernant la prochaine présidentielle, et quelle que soit la nature de son implication, Zemmour fera en sorte que le futur président continuera à se soumettre au lobby judéo-sioniste.
Algérie54:Le Maroc est de plus en plus dans le collimateur, après l’éclatement du scandale du logiciel espion Pegasus, le palais royal s’en sortira-t-il, ou sera sacrifié par ses alliés français et sionistes ?
Jacob Cohen:Le Maroc est un atout trop important pour qu’il soit sacrifié pour une maladresse, ou pour le chapeau qu’on veut lui faire porter. Après tout, le Maroc n’aura été dans cette affaire que l’intermédiaire de puissances amies qui l’ont chargé de cette tâche. L’Oligarchie mondialiste sait bien se protéger, et ce n’est pas un petit scandale – que les médias aux ordres sauront faire oublier – qui va l’ébranler. Des affaires d’écoute de responsables politiques par la NSA (dont Merkel, Hollande et Macron) ont agité les esprits pendant 48 heures avant de disparaître dans les oubliettes de l’Histoire.
Algérie54:Le monarque marocain vient d’appeler les dirigeants algériens, à rouvrir les frontières terrestres. Pensez-vous que son appel soit entendu après la normalisation de Rabat avec Tel Aviv , le scandale de l’espionnage et son soutien au mouvement séparatiste du MAK ?
Jacob Cohen:C’est le genre de manœuvre diplomatique lancée dans une position de force supposée pour mette en difficulté un adversaire qui ne peut y répondre, positivement ou négativement. Cela me rappelle les exhortations des sionistes dans les années 50 et 60 appelant à rencontrer les dirigeants arabes « n’importe où n’importe quand et sans conditions préalables ». Ce que ces derniers avaient toujours rejeté, car aboutissant à une reconnaissance sans aucune avancée pratique. Le souverain marocain l’a fait dans un des discours les plus importants de son règne, celui de la fête du Trône. C’est dire le caractère officiel et solennel de la proposition, mais qui en font ressortir paradoxalement la fausseté et le cynisme. Car un des aspects fondamentaux de l’alliance entre le Maroc et Israël porte sur l’encerclement de l’Algérie et les menées subversives tendant à la déstabiliser. Avec l’appui de l’axe américano-sioniste, le Maroc s’est lancé dans le combat pour sa prééminence dans la région au détriment de son voisin algérien. Si le Maroc avait réellement souhaité un début d’apaisement, il aurait emprunté les canaux diplomatiques discrets pour en définir les possibilités et les conditions.
Algérie54: Certains sportifs arabes se sont retirés de la compétition pour ne pas affronter des athlètes de l’entité sioniste, à l’opposé d’une judokate saoudienne, dont le régime wahabite, en fait l’éloge. Ne pensez pas que l’entité sioniste qui persiste dans sa politique d’Apartheid, profite de la charte de l’olympisme pour assoir une normalisation avec des États arabes réticents par la voie du sport ?
Jacob Cohen:Le régime sioniste a su admirablement s’insinuer dans les interstices les plus inoffensifs pour désarmer l’hostilité profonde ancrée dans les sociétés arabes. Les normalisations ne sont pas arrivées d’un coup de baguette. Il y a eu de longues préparations qui ont amené une partie des Arabes à accepter la présence israélienne. Dans les petites monarchies du Golfe, le régime sioniste avait régulièrement envoyé des rabbins pour évoquer les origines bibliques communes et entamer un dialogue religieux. Des Israéliens avaient commencé à participer à des tournois sportifs sans enjeux officiels, comme les échecs, avant de se faire accepter dans des tournois officiels et d’entendre leur hymnes national en cas de victoire. Au Maroc, la pénétration sioniste remonte au début des années 80 avec l’arrivée du « sayan » André Azoulay et sa nomination comme conseiller du roi. Un orchestre israélien de musique andalouse participait aux nombreux festivals. Des hommes politiques israéliens supposés plus ouverts comme Tsipi Livni venaient dire aux Marocains combien ils souhaitaient une paix juste et durable. Les autorités marocaines avaient accepté de célébrer la tragédie de la Shoah, et la dimension « juive » du Maroc est désormais enseignée dans les livres d’histoire. Le sport vient corroborer cette politique de coexistence possible entre Israël et les Arabes tout en reléguant la question palestinienne aux calendes.
Entretien réalisé par M.Mehdi
