« On est contraint de se retourner vers les eaux de rejets, manque de précipitations oblige, afin de pouvoir surmonter le stress hydrique dont souffre notre pays », a indiqué le Pr Brahim Mouhouche de l’Institut national supérieur de l’Agriculture (INSAA).
« Les choses vont en s’aggravant, pour cette année aussi, si le mois de mars passe tel que l’indiquent les indicateurs du climat qui tendent plutôt vers un stress sévère alors qu’on a 1 milliard 200 mille de mètres cubes d’eau de rejets versés dans la nature et dont on utilise que 5% d’eau recyclable seulement », relève M. Mouhouche.
S’exprimant de cet aspect de rejet de cette énorme quantité d’eau, l’invité de la rédaction de la chaine 3 de la Radio Nationale, suggère de « passer impérativement à des protocoles fiables d’utilisation des profils variés de l’eau qui sont plus pratiques et rationnels afin de profiter efficacement de cette énorme perte au profit de notre agriculture au nord comme au Sud ».
L’expert estime que « par complément on peut irriguer avec ces eaux usées recyclées jusqu’à 500 à 600 mille hectares, voire un maximum de 8%, alors que des pays arrivent à utiliser jusqu’à 80% de leurs potentiels sachant que la moyenne mondiale est de 45-55% ».
Toujours sur cet aspect, M. Mouhouche souligne que « l’Algérie ne manque pas d’eau pour les produits agricoles en général, toutefois elle manque d’eau pour les produits stratégiques seulement à savoir les céréales particulièrement, les légumes secs, les fourrages pour alimenter le bétail ».
Ce qui n’est pas, de son avis, des moindres, voire c’est énorme ! « Ce qui représente presque la moitié des espaces que nous cultivons sous irrigation », indique-t-il déplorant le fait qu’en dépit de ce déficit l’utilisation de cette eau ne dépasse pas les 5-6% jusqu’en 2020.
« Il faut réorienter ces eaux vers l’irrigation en l’utilisant à bon escient et la rendre davantage efficace », conseille-t-il.
L’impératif d’acheminer techniquement cette eau aux zones de production
Malheureusement nos 160-180 stations d’épuration de l’eau ne sont pas raccordées à ces espaces irrigables, fait savoir le spécialiste, car, dit-il, elles étaient construites pour l’entretien de l’environnement et ne sont pas dotées de réseaux pouvant évacuer l’eau vers les terres agricoles, indiquant que pour combler ce déficit, cela ne coûte qu’1% du projet (d’une station, ndlr).
« A ma connaissance, il n’y a que deux stations seulement qui sont raccordées à ce type de réseau », se désole le professeur, recommandant qu’« Il est grand temps, de par ces années maigres en pluie, de lancer un programme d’installation de réseaux pour évacuer les eaux recyclées vers les sites d’utilisation que ce soit environnemental, collectivités locales, industriel ou l’agriculture ».
M. Brahim Mouhouche ne manque pas de rassurer quant aux soupçons des consommateurs sur la salubrité de ces eaux traitées que « ces stations sont dotées de laboratoire d’analyse pour veiller, conformément au décret de 2012 qui régit cette utilisation des eaux de rejets, à l’observation et l’examen de ces eaux à l’entrée et à la sortie de ces stations ».
L’impératif de l’irrigation intelligente
L’invité de la radio tient à préciser que la réutilisation des eaux recyclées n’est pas une philosophie, mais plutôt une problématique de savoir et de savoir-faire.
« Si un agriculteur ne sait pas la dose d’arrosage liée au sol, s’il ne sait pas le taux de transpiration de sa culture ou ne sachant pas la perméabilité de son sol, il ne pourra jamais savoir lui donner ce que lui faut », explique-t-il. D’où l’intérêt, selon lui, de pratiquer l’agriculture intelligente, car il y a les moyens pour le faire. « On a plus le droit de rester sur les pratiques d’il y a cent ans ! », critique-t-il.
« Même si l’on ne peut pas tout faire par le goutte-à-goutte, on utilise l’irrigation par aspersion pour économiser jusqu’à 60% d’eau et cette situation ne peut pas durer », souligne M. Mouhouche.
Ce qui représente, d’après lui, pas moins de 25% de nos potentialités d’irrigation si l’on exploite 80% seulement des 1,2 milliard de mètres cubes de ces eaux de rejets. « Il y a lieu de dire que la tension sur l’eau peut être atténuée aussi par la déminéralisation des eaux souterraines », dit-il.
Le dessalement de l’eau de mer coûte excessivement cher, précise-t-il, quand on sait qu’un litre contient entre 30-33 grammes de sel. « Alors que si l’on déminéralise l’eau albienne existante au Sud à teneur de 2 à 3 grammes de sel/litre seulement ça revient 1000 fois moins cher que l’eau de mer à 33 grammes/litres », prévoit-il.
« De tous les points de vue, on gagne du temps, on gagne de l’énergie et même du côté process c’est plus pratique et il y a des entreprises qui peuvent utiliser de l’eau saumâtre du Sud et la rendre potable et sûre », conforte-t-il citant pour preuve les nombreuses villes du Sud qui consomment aujourd’hui de l’eau déminéralisée.
« Il faut mettre en valeur ces eaux-là sachant que l’Algérie est l’un des pays les plus riches en albien dans la durée de vie est de 3000 ans », sollicite l’expert développant qu’on a un potentiel énorme à subtiliser si l’on veut surmonter les inconvénients existants tels la profondeur et la chaleur caractérisant ces eaux souterraines.
Selon M. Mouhouche, un sérieux avantage incitatif reste de mise : c’est qu’« il y a des cultures qui tolèrent cette salinité d’eau des nappes phréatiques ».