Les yeux du monde sont rivés sur la trêve signée entre le mouvement de la résistance palestinienne et l’entité sioniste, et qui coincide avec l’investiture de Donald Trump à la tête du pouvoir aux Etats-Unis d’Amérique. Algérie54, comme à son accoutumée interrogé le journaliste et auteur Jacob Cohen, connu pour ses analyses pertinentes, sur les questions liées à la cause palestinienne, et l’impact des derniers développements sur la géopolitique internationale en général et sur la question palestinienne en particulier.
Algérie54: La trêve dans la bande de Gaza est entrée en vigueur dimanche 19 janvier, une journée avant l’investiture de Donald Trump. Quelle lecture faîtes- vous de cette trêve et son impact à court terme sur l’échiquier géopolitique de la région proche- orientale?
Jacob Cohen: Cette trêve devait arriver au plus tard avant l’investiture de Donald Trump. Pour lui donner un crédit et une autorité supplémentaires. C’est un allié qui mérite d’être ménagé. Il a de grands projets pour la région et on sait dans quel sens ils vont depuis son premier mandat. Cette trêve reste dependant fragile et aléatoire. On ne doit se faire aucune illusion sur le respect des accords, des traités, des résolutions et autres décisions de justice internationale par l’entité sioniste. Et ce depuis 1948. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe au Liban et en Syrie. Lorsque les autorités israéliennes sentiront le moment opportun de reprendre les hostilités, au niveau qu’elles décideront, rien ne pourra les arrêter. Les pays et les peuples de la région sont donc suspendus à leurs délires. Cette situation n’encouragera pas les velléités des voisins arabes, si elles devaient s’exprimer, de marquer une opposition ferme aux agressions sionistes et/ou d’apporter une solidarité effective au peuple palestinien.
Algérie54: Quelles seront selon vous les retombées de ce développement sur la politique intérieure de l’entité sioniste et l’avenir politique du génocidaire Benjamin Netanyahou?
Jacob Cohen: La société israélienne est entrée dans une nouvelle phase, inimaginable jusqu’alors, sauf par tous ceux, inclus de hauts responsables israéliens mais à la retraite, d’un fascisme assumé et teinté de messianisme. Un ancien numéro 2 de Tsahal avait déclaré en 2018 que la situation (après l’adoption de la « loi sur la nation du peuple juif ») lui rappelait les début des années 30 en Allemagne.
L’occupation et la colonisation ont produit en deux générations une nouvelle race de sionistes imbus de leur puissance, insensibles aux malheurs d’autrui, ivres de vengeance et de massacres. Le sentiment dominant en Israël aujourd’hui est la frustration d’avoir à libérer des détenus palestiniens kidnappés par milliers et de ne pas avoir réduit à néant toute vie à Gaza. Qu’on se le dise, il n’y a plus rien à attendre de la société israélienne. Et ce sera pire d’année en année. Il y a une fuite des cerveaux, des plus lucides et des plus libéraux. Les autres, une majorité de plus en plus grande, s’enfoncent dans une radicalité raciale sans nuance. Netanyahou passera, mais l’héritage qu’il a mis en place ira en s’accentuant.
Algérie54: Certains sources évoquent un nouveau plan d’exode forcé d’une partie de la population de la bande de Gaza en Indonésie . Qu’en est-t-il de ce sujet?
Jacob Cohen: Il y a 3 ou 4 semaines, j’avais relayé un article d’un média israélien, sur des négociations entre Israël et l’Ouganda et le Soudan pour accueillir des Palestiniens de Gaza. L’Indonésie ne pourrait pas résister à des pressions considérables américaines pour accueillir – temporairement mais on sait ce que cela veut dire chez les sionistes – des milliers de Gazaouis. On commencerait avec les Palerstiniens qui auraient un niveau d’éducation suffisant pour les intégrer plus facilement. De toute façon, l’objectif d’Israël est clair et a été annoncé : vider Gaza du maximum de ses habitants. On ne doit pas prendre ce plan à la légère. Il ne faut pas oublier que des gisements considérables de gaz ont été découverts au large de Gaza, que des contrats ont été négociés avec des multinationales début 2023, impliquant l’Egypte et l’Autorité palestinienne, et sur lesquels l’Europe, privée de gaz russe, lorgne avec beaucoup de gourmandise.
Algérie54: Le retour de Donald Trump aux affaires à la tête de la Maison Blanche suscite l’inquiétude de nombreux dirigeants européens quant au conflit ukrainien. Est-ce le début de la dislocation de l’Union Européenne?
Jacob Cohen: L’Europe est mal barrée, pour le dire familièrement. Les instances de l’UE s’accrochent, contre toute rationalité, à un soutien total de l’Ukraine, pays corrompu et destiné à se désintégrer. Des dizaines de milliards sont dépensés en vain, alors que les peuples européens s’enfoncent dans le chômage et la misère. Des pans entiers de l’industrie allemande se délocalisent à l’étranger. Toute contestation de la doxa est brutalement réprimée. Les élections en Roumanie ont été annulées pour éviter un président nationaliste qui défend les intérêts de son pays. L’UE promet de faire pareil si les élections en Allemagne ne donnent pas des résultats conformes. Le contrôle de l’information se durcit, voir les campagnes menées contre Elon Musk et son média X, ; pour avoir supprimé les contrôles. Les peuples en ont assez. Des jours sombres nous attendent ici.
Algérie54: Donald Trump a annoncé son intention de mettre la main sur Groenland , le canal de Panama. Est-ce le début d’une guerre non déclarée avec la Chine et la Russie?
Jacob Cohen: A mon avis ,la guerre il y aura, mais elle ne sera pas militaire, les Etats-Unis n’en ont plus les moyens, et ce n’est pas la vision de Trump. Cette guerre économique, financière, industrielle, commerciale, sera dure et brutale. C’est quasiment une question de survie pour l’Amérique.
Interview réalisée par M.Mehdi
