Comme d’habitude,le journaliste et auteur de la “26e tribu” et “printemps des sayanim” Jacob Cohen n’a pas éé avare en déclarations au sujet des questions liées aux tensions entre l’Algérie et la France, le génocide des palestiniens par l’entité sioniste, et le prochain sommet américano-russe sur le conflit en Ukraine, à l’occasion d’une nouvelle interview accordée à Algérie54.
Algérie54: Un rabbin vient de proférer des menaces de mort à l’égard du président français Emmanuel Macron. Son ministre de l’intérieur a réagi 5 jours après la diffusion de la vidéo du rabbin David Daniel Cohen. Que diriez-vous sur ce sujet?
Jacob Cohen: La réaction un peu tardive du ministre – à comparer avec la célérité des convocations et des condamnations des partisans de la paix en Palestine – vient du fait que l’information soit parue dans Le Parisien, le journal du peuple de Paris et de la région parisienne. Et il n’aurait pas pu fermer les yeux sous peine de justifier une justice à deux vitesses. Cela dit le rabbin ne risque pas grand-chose, comme de voir la police débarquer chez lui à 6 heures du matin et d’être emmené en garde à vue. Tout au plus sera-t-il convoqué devant un officier de police judiciaire, accompagné d’un avocat du CRIF, où il écoutera un petit sermon qui finira par un rappel à la loi. La mansuétude de la justice pour les citoyens juifs est bien connue. Plusieurs cas de dénociations abusives d’actes antisémites – commis par les auteurs qui les dénonçaient à la police – ou même d’une automutilation par un rabbin, ont fini devant la justice par quelques mois de sursis
Algérie54: Les relations entre Alger et Paris s’orientent vers une rupture, confirmée par la suspension des accords de 2013 concernant l’exemption des visas pour les porteurs de passeports diplomatiques par la partie française et l’annulation pure et simple par la partie algérienne. Quelle lecture faites-vous de cette nouvelle escalade qui survient quelques jours après la visite officielle effectuée par le président Algérien Abdelmadjid Tebboune à Rome et la signature d’importants accords économiques allant dans le sens du renforcement d’un partenariat stratégique entre l’Algérie et l’Italie?
Il semble que Macron soit tenu, d’une part par le lobby judéo-sioniste qui a su mobiliser avec lui la droite nationale et l’extrême-droite, et d’autre part par ses alliés de l’OTAN, emmenés par les Etats-Unis, qui ont pris fait et cause pour le Maroc, et par contrecoup contre l’Algérie. Du fait de ces alliances, quasi comminatoires, le président sacrifie les intérêts fondamentaux de la France sur l’autel des calculs internes et des coalitions étrangères. Ce n’est pas la première fois que Macron joue contre son pays. Sous sa présidence, les fleurons de l’industrie sont passés sous le contrôle des sociétés américaines, comme Alstom, mettant en danger la filière nucléaire française ainsi que la viabilité des sous-marins qui constituent l’essentiel de la force de frappe française. C’est terrible pour une nation comme la France qui a connu une grande période d’équilibre et d’indépendance entre les deux grandes puissances et dont la voix était écoutée partout dans le monde. Et c’est encore plus terrible de voir un pays comme l’Italie, supposé moins important, lui chiper la première place.
Sans compter que Macron, qu’il l’ait voulu ou non, a laissé utiliser l’affaire Boualem Sansal pour d’une part diaboliser le régime algérien et faire accepter une éventuelle agression, et d’autre part insinuer l’idée d’une révision des frontières au profit du Maroc.
Algérie54: Au moment où de nombreux pays européens annoncent leur intention de reconnaître un Etat palestinien en septembre prochain, à l’occasion de la tenue de l’assemblée générale des Nations Unies, l’entité sioniste annonce un plan militaire pour recoloniser la bande de Gaza. Comment expliquez-vous cette situation, qui témoigne de l’absence totale du droit international?
Jacob Cohen: Le droit international n’a jamais été qu’un paravent auquel les Etats ont recours lorsque cela les arrange ou lorsqu’il se plaque sur leur conduite. Mais ils ne peuvent pas le reconnaitre publiquement. D’où le décalage parfois abyssal entre leurs engagements moraux et leurs actions, ou leur abstention d’actions. Dans cette affaire, les Pays européens ont montré depuis plusieurs décennies un soutien sans faille au régime sioniste, quelques exactions il pouvait commettre. Pourtant il existe un accord économique entre l’UE et Israël, très favorable à ce dernier, et dont un article prévoit que les parties s’engagent à respecter le droit international. Mais jamais l’Union européenne n’a pris la moindre mesure concrète pour obliger le partenaire israélien à s’y conformer. Ces reconnaissances sont donc un pur acte formel qui n’apportera aucun changement sur le terrain et destiné à calmer la colère des peuples européens et arabes.
Algérie54: Le prochain sommet Trump-Poutine tant attendu et prévu le 15 août prochain à Alaska, vise la fin du conflit en Ukraine et l’annonce de la victoire russe, selon les dires des experts. Quelle est votre opinion sur le sujet?
Jacob Cohen: Je reste assez méfiant sur la volonté des Américains de renoncer à leur suprémacisme. Ils ont cela dans leur ADN national. Par ailleurs, l’Occident a tout fait depuis deux siècles pour soustraire la Crimée à la Russie, pour dépecer ce pays et lui voler ses ressources naturelles. Et en 2022, en violation des accords de Minsk, qu’il avait seulement signé pour préparer l’Ukraine à l’affrontement, il était sur le point d’utiliser son proxy ukrainien pour affaiblir la Russie. J’espère que Poutine, las de la guerre et impatient de normaliser les relations économiques avec l’Occident, ne va pas se laisser gruger encore une fois.
Algérie54: La signature d’un accord sur les droits de douane entre Washington et Bruxelles, confirme l’allégeance de l’Europe au diktat américain. Quel sera le devenir du vieux continent avec cet accord , selon vous?
Jacob Cohen: L’Europe est en déclin, et ses élites semblent tout faire pour le précipiter. Ça sent la fin d’une civilisation, ou son suicide. C’est bizarre et incompréhensible. Et maintenant elle veut dépenser des centaines de milliards, qu’elle n’a pas, pour se réarmer. Et contre qui ? Ses services publics ressemblent de plus en plus à ceux des pays en voie de développement. Et même ses valeurs démocratiques sont en train de fiche le camp. Nous entrons dans une ère de totalitarisme et de contrôle de la pensée.
Inerview réalisée par M.Mehdi
