Dans sa nouvelle interview accordée à Algérie54, le journaliste franco-marocain ,auteur de « Printemps des sayanim » revient sur son dernier livre la « 26e tribu »et les tentatives du régime alaouite de le soudoyer pour faire la promotion de la propagande makhzenienne servant à faire du Maroc, une nouvelle colonie sioniste.
Jacob Cohen ne s’empêche pas de nous exprimer l’attitude du régime marocain et ses relais propagandistes à son égard et à son rejet du projet de André Azoulay, placé par le Mossad pour conseiller le roi, en fait pour orienter le Maroc dans la voie de la soumission au duktat sioniste.
Algérie54: Vous venez d’évoquer vos rapports avec le Maroc. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce sujet?
Jacob Cohen: Je pense que le régime chérifien est extrêmement déçu de mon évolution. Pour une fois qu’il tient un sujet juif qui a exprimé le regret du départ de ses coreligionnaires, qui a condamné le sionisme pour ce crime civilisationnel, qui a tenté de s’intégrer dans une institution universitaire marocaine, qui a publié des romans montrant sa connaissance de la société marocaine, de sa complexité et de ses ambitions, avec une acuité particulière.
Un universitaire-écrivain dont le régime aurait pu se targuer, tant les citoyens juifs ont quasiment disparu de la circulation. Or voilà que ce sujet (c’est ainsi que Hassan 2 aimait à qualifier les Marocains juifs) ne joue pas le jeu de la réconciliation nationale, qui pointe les difficultés au lieu de dépeindre une société qui va de l’avant sous la conduite éclairée du souverain.
Et pire : qui met à nu le projet de André Azoulay, placé par le Mossad pour conseiller le roi, en fait pour orienter le Maroc dans la voie que nous connaissons. Un sujet qui pointe les dangers de la normalisation avec un régime dont on connaît l’hypocrisie, le cynisme, la brutalité, et surtout le mépris des Arabes, de tous les Arabes.
Le régime chérifien, ainsi que André Azoulay, ont tenté de m’amadouer avec la fameuse hospitalité marocaine. J’aurais pu devenir l’ambassadeur de la « paix », répéter ces discours creux et inoffensifs qui trompent la vigilance des militants et produit de faux espoirs. Leur déception est telle qu’un organe quasi officiel Maroc-Diplomatie m’a insulté et m’a retiré ma condition de juif et de Marocain.
Le système chérifien n’aime pas les rebelles et le leur fait payer. Et ce n’est pas seulement le Makhzen. J’ai l’impression que toutes les institutions marocaines, notamment les médias, veulent m’ignorer, faire comme si je n’existais pas ni que je produis des oeuvres romanesques qui les concernent au premier chef. A l’instar de mon dernier roman qui a provoqué une chape de silence monumentale.
Algérie54: Sur ce registre, vous avez parlé de votre livre « la 26e tribu », quels liens entre le Maroc et le titre du livre?
Jacob Cohen: Le nombre 26 fait référence au nom de Yahveh (un des noms de Dieu qui fait 26 dans la numérologie hébraïque). La 26e tribu est le nom de code de l’équipe faite d’agents du renseignement et de religieux israéliens envoyée à Fès et chargée de ramener un certain nombre de Fassis vers la religion juive et en faire une cinquième colonne.
En se basant sur le fait historiquement établi qu’un certain nombre de juifs fassis ont été contraints de se convertir à l’islam vers le 18e siècle. Il s’agit pour l’équipe infiltrée à Fès de repérer des éléments plus ou moins fragiles ou en phase de redéfinition personnelle et de leur proposer cette alternative, en jouant sur les avantages matériels, sociaux ou même sentimentaux. C’est d’ailleurs le même processus qui a été enclenché en direction des Amazighs du Sud-Est marocain et que j’ai décrit dans le roman : « Main basse sur Tinghir ».
Algérie54: L’ancien Conseiller de Donald Trump à la Sécurité, en l’occurrence John Bolton a indiqué à un média espagnol, que le Maroc n’a aucune chance d’imposer au Congrès américain, son plan d’autonomie au Sahara Occidental, comme solution à la question de décolonisation des territoires sahraouis, considérés comme territoires non autonomes par l’ONU. Qu’en dites-vous?
Jacob Cohen: C’était peut-être valable du temps où John Bolton jouait encore un rôle dans la politique extérieure américaine. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Et même sous la première présidence Trump, l’état profond avait réussi à l’imposer avant que le président ne s’en débarrasse. Aujourd’hui, l’appui à la solution d’autonomie défendue par le Maroc, semble venir de tous les pays de l’OTAN. Je pense que c’est une position stratégique qui ne changera pas de sitôt sauf catastrophe internationale.
Algérie54: En compagnie de dizaines personnalités issues des quatre coins du monde, vous venez d’adresser une lettre au SG de l’ONU et la Directrice Générale de l’UNESCO, sur les graves violations de l’agression sioniste visant l’Iran. Y a-t-il des chances de voir la conscience de l’humanité se réveiller pour mettre fin à l’agression américano-sioniste visant les pays qui osent rejeter cette hégémonie?
Jacob Cohen: C’est difficile de juger de l’impact immédiat de telles mobilisations internationales. Mais je pense qu’elles font leur chemin, comme l’eau qui s’infiltre insidieusement dans tous les interstices et qu’on remarque une fois qu’elle a recouvert l’étendue visible.
Entreien réalisé par M.Mehdi