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La France à l’heure de l’austérité et de la récession

Le gouvernement français a prévu de réduire les dépenses publiques de 10 milliards cette année et de 20 milliards en 2025. Les coupes budgétaires surviennent dans la foulée du récent rapport publié par le ministère chargé des comptes publics le 4 mars fait état d'un trou dans les finances de l’État, et qui fait état d'une baisse des recettes fiscales de 2,3 milliards entre janvier 2023 et janvier 2024.

Le gouvernement français a prévu de réduire les dépenses publiques de 10 milliards cette année et de 20 milliards en 2025. Les coupes budgétaires surviennent dans la foulée du récent rapport publié par le ministère chargé des comptes publics le 4 mars fait état d’un trou dans les finances de l’État, et qui fait état d’une baisse des recettes fiscales de 2,3 milliards entre janvier 2023 et janvier 2024.

C’est un document passé presque inaperçu mais qui témoigne de la dégradation de la situation budgétaire de la France.

Ces annonces font revivre le spectre d’une nouvelle austérité non seulement en France mais aussi dans toute l’Europe. Une donne soutenue par les indicateurs géopolitiques et l’entêtement de certains dirigeants européens comme le président français Emmanuel Macron à s’impliquer davantage dans la guerre en Ukraine, ainsi que les tensions sociales, marquées par des grèves quotidiennes dans plusieurs pays de l’UA, et qui s’ajoute à la grande colère des agriculteurs français, espagnols, belges, allemands et polonais.

Ainsi, les gouvernements allemand et français se sont engagés à réduire les dépenses publiques, malgré leurs faibles perspectives de croissance du PIB ; voire une récession dans le cas de l’Allemagne qui nécessitent un coup de pouce public pour surmonter la situation actuelle. L’exécutif d’Emmanuel Macron a été l’un des plus clairs quant aux coupes budgétaires qu’il prépare : 10 milliards d’euros cette année et 20 000 en 2025.

Après avoir élaboré à l’automne dernier le budget 2024 sur la base d’une prévision de croissance trop optimiste –1,4 % du PIB et finalement abaissée à 1 % , le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a justifié les coupes en raison du ralentissement actuel. « La hausse des taux d’intérêt était essentielle pour arrêter l’inflation (…). Mais cela a un prix : le ralentissement économique », a-t-il déclaré, faisant référence aux politiques de la Banque centrale européenne.

Dans un entretien accordé au journal Le Monde le 6 mars dernier, le premier argentier de la France a réitéré l’objectif d’un déficit public «sous les 3% en 2027» et celui plus lointain d’un «budget à l’équilibre en 2032». Le ministre a évoqué la réduction des dépenses «à hauteur de 10 milliards d’euros» comme étant «une première étape». 

Même si l’Exécutif macroniste présente cette réduction des dépenses publiques comme une conséquence naturelle, elle a une dimension idéologique et politique évidente. Cela coïncide non seulement avec la fin du moratoire sur les règles relatives aux déficits publics appliqué pendant la pandémie, mais aussi avec la ratification en janvier au Parlement européen des nouvelles règles budgétaires. Négocié jusqu’en décembre sous la protection de l’Espagnole Nadia Calviño, cet accord est venu renforcer les règles européennes controversées d’un déficit public maximum de 3% et d’une dette de 60%. Et cela pourrait se traduire par des coupes budgétaires de « plus de 100 milliards d’euros à partir de l’année prochaine », a prévenu la Conférence syndicale européenne.

« La France préfère être un bon élève de Berlin et de Bruxelles plutôt que de nouer des alliances avec les pays du sud de l’Europe » pour faire face à cette austérité, explique l’économiste keynésien Thomas Porcher . Cela explique en effet la rapidité avec laquelle Macron a décidé de réduire les dépenses publiques. Après que l’Exécutif centriste de plus en plus acculé à droite ait approuvé les budgets de cette année l’automne dernier sans aucun vote parlementaire et en recourant à l’article « controversé « démocratique » 49.3 de la Constitution française, il applique désormais la réduction de 10 000 euros sur la base de décrets millions.

Ces coupes affectent principalement les politiques écologiques, outre les politiques du travail et de l’éducation. Le ministère de l’Ecologie prend la part la plus lourde, avec une diminution de 2 milliards. Ils ont réduit de 1 milliard les fonds alloués à la rénovation énergétique des logements. En outre, les montants du ministère du Travail ont été réduits de 1,1 milliard et ceux de l’Éducation de 700 millions. « Je ne serais pas surpris que la santé publique soit l’une des plus touchées l’année prochaine », explique le journaliste et analyste économique Romaric Godin, qui rappelle la précarité de ce secteur en raison du gel des dépenses sociales sous les présidences du conservateur Nicolas Sarkozy. (2007-12), le socialiste François Hollande (2012-17) et Macron.

En pleine urgence climatique et au milieu d’une décennie clé pour les transformations nécessaires pour faire face au réchauffement climatique, la réduction des allocations pour l’écologie est absurde. Et cela s’ajoute à des investissements déjà insuffisants. Les économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, peu soupçonnés d’être de gauche, ont publié en mai un rapport dans lequel ils estiment à 34 milliards les investissements nécessaires chaque année jusqu’à la fin de cette décennie « pour parvenir à une économie neutre pour le climat ».

Dans le cas du gouvernement Macron, il a prévu d’investir environ 8 milliards. Soit quatre fois moins que ce qui est recommandé.

Tout en réduisant les mesures visant à lutter contre le changement climatique, l’exécutif français a augmenté ses dépenses militaires de 3,3 milliards cette année. Son objectif : atteindre les 2% de PIB demandés par l’Otan. L’Assemblée nationale a approuvé mardi un accord bilatéral de sécurité entre la France et l’Ukraine, qui représente une augmentation à 3 milliards de l’aide militaire française. Or, 51% des Français s’opposent à cette augmentation des aides à l’armement, selon un sondage publié cette semaine par la chaîne BFM TV .

Le syndrome de Sarkozy

« C’est un pari absurde », déplore Godin à propos de ces politiques d’austérité « procycliques » qui ne feront qu’accentuer le ralentissement économique, retarder la transition écologique et diminuer le soutien français à la cause ukrainienne. «Au lieu de compenser les politiques monétaires par des mesures budgétaires, comme le font les Etats-Unis, Macron mise sur l’austérité. Même Goldman Sachs a déclaré que ces politiques auraient un impact négatif sur la zone euro », déclare Porcher. « Ils ont récupéré les mêmes discours que lors de la crise de 2008 », ajoute Godin, auteur de l’intéressant essai La guerre sociale en France .

Même si des hommes politiques comme Macron ou Le Maire ont affirmé pendant la pandémie « avoir appris de leurs erreurs », ils insistent sur les mêmes recettes du passé. Ils semblent victimes du syndrome de Sarkozy. Le président conservateur a promis en 2008 de « refonder le capitalisme », mais deux ans plus tard, il a imposé de dures mesures d’austérité, tant aux pays du sud de l’Europe qu’à l’État-providence français.

Contrairement à ce qui s’est passé en 2010 et 2011, il n’y a actuellement aucune pression particulière de la part des marchés. Du côté de l’exécutif français, ils justifient les réductions par l’endettement du pays, dont la dette publique est passée de 96% du PIB en 2018 à 109% l’an dernier. Mais la situation des caisses publiques pourrait parfaitement être améliorée en augmentant la pression fiscale sur les plus riches. Les entreprises de la Bourse de Paris ont enregistré des bénéfices records en 2023, allant jusqu’à 15 milliards pour le géant du luxe LVMH ou 11 milliards pour la banque BNP Paribas.

Une stratégie « suicidaire »

« La véritable boussole du gouvernement français n’est pas la réduction de la dette, mais sa politique de classe. Nous sommes dans la continuité de la politique menée par Macron depuis 2017 », souligne Godin. Si quelque chose caractérise le leader centriste depuis son arrivée à l’Elysée, c’est bien son dogmatisme néolibéral. Il s’agit d’un néolibéralisme à la française, dans lequel le poids de l’État n’est pas réduit, mais plutôt mis au service de la bourgeoisie. Une part considérable des dépenses publiques en France va aux entreprises : plus de 160 milliards, selon un rapport préparé par des experts pour la CGT.

Après la parenthèse idéologique due au Covid-19, Macron revient à ses anciennes habitudes du début de son second mandat. En témoigne l’année dernière l’impopulaire relèvement de l’âge minimum de la retraite de 62 à 64 ans (avec 43 années de cotisation pour bénéficier d’une pension à taux plein). Mais aussi avec une dure réforme de l’aide aux chômeurs, entrée en vigueur en février de cette année et qui a entraîné une réduction de 25% du délai maximum pendant lequel le chômage peut être perçu, passant de deux ans à un an et demi. « Nous allons poursuivre les réformes », a déclaré fin février le Premier ministre Gabriel Attal, évoquant de nouvelles coupes budgétaires pour les chômeurs.

Résultat de leur logique de classe et de leur dogmatisme néolibéral, ces coupes affaiblissent politiquement Macron. Après avoir obtenu 27 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle de 2022 marqué par l’expérience de la pandémie que le président français a géré avec un certain pragmatisme le macronisme pourrait subir un sévère revers lors des élections européennes du 9 juin. Actuellement, les sondages, à prendre avec précaution, ne lui donnent que 18 %, alors que le Rassemblement national de Marine Le Pen obtiendrait 31 %. « Alors que l’extrême droite est en position favorable pour remporter les prochaines élections présidentielles en 2027, appliquer des politiques d’austérité est une stratégie suicidaire », prévient Godin.

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