Par Dr. Benali
Après avoir sombré dans l’incompétence en matière de gestion des affaires internes et externes de la France, Macron et ses gouvernements successifs, au lieu de traduire leurs discours en actes d’apaisement, poursuivent une stratégie provocatrice en élargissant la fenêtre d’Overton, tout en recourant à l’inversion victimaire.
Depuis son indépendance, l’Algérie reste au cœur d’un discours politique français marqué par une nostalgie coloniale et une instrumentalisation des tensions historiques. Face aux transformations économiques et géopolitiques de l’Algérie, notamment la nationalisation des ressources et l’ouverture à de nouveaux partenaires, la France perçoit une perte d’influence stratégique ainsi que la disparition d’un marché autrefois lucratif.
Parallèlement, la revendication algérienne d’une reconnaissance des crimes coloniaux est souvent interprétée comme une provocation. Dans un contexte de crise interne, marqué par une paupérisation croissante et un endettement lourd, les autorités françaises exploitent ces dynamiques pour désigner l’Algérie comme bouc émissaire.
I- Le syndrome du Bouc émissaire :
Ce processus repose sur l’ouverture progressive de la fenêtre d’Overton, visant à légitimer un discours révisionniste, à détourner l’attention de l’opinion publique des véritables enjeux et à justifier le système colonial et néocolonialiste. Dans cet article je traiterai de la fenêtre d’Overton et l’inversion victimaire pour passer dans un prochain article à la bouc-émissairisation et la justification du système néocolonial prédateur.
1- L’Ouverture ou l’élargissement de la fenêtre d’Overton à la recherche du souffre-douleur.
L’ouverture de la fenêtre d’Overton permet d’introduire progressivement dans le débat public des idées autrefois considérées comme inacceptables et marginale, jusqu’à les rendre légitimes. Ce concept, forgé par le politologue américain, Joseph P. Overton, décrit l’évolution des idées acceptables dans le débat public. Une idée peut devenir mainstream ou dominante à travers des étapes progressives. :
Inacceptable → Radical → Acceptable → Populaire → Politique officielle.
La logique reste la même : ouvrir la fenêtre d’Overton sur une thèse d’abord marginale, la rendre discutable, puis la normaliser jusqu’à en faire une vérité dominante.
Dans le cas des relations franco-algériennes, ce mécanisme s’observe à travers la réhabilitation progressive du discours colonial. D’abord marginal, ce dernier a gagné en visibilité via des arguments sur les « aspects positifs » de la colonisation, la mise en avant de la « mission civilisatrice » ou encore la victimisation des pieds-noirs et des harkis. Ce déplacement discursif crée un cadre où la colonisation cesse d’être perçue comme une oppression ou crime, et où la remise en cause de cet héritage devient suspecte, facilitant ainsi la criminalisation des discours critiques.
A titre d’exemple, des pseudo-politicards recyclables comme Azemmour Ennagh, Moussa Eddarmani, le petit-fils de Mohand Séghir Mada, alias Jordan Bardella, Retalleau, ministre humilié et de la haine, ou encore Marine La Purge ont progressivement banalisé l’idée que la colonisation aurait apporté des « bienfaits » (écoles, infrastructures, médecine) aux peuples colonisés. Ce type de rhétorique, autrefois cantonné aux cercles nostalgiques de l’empire, est désormais amplifié par la réinfosphère et infusé dans la culture mainstream de la fachosphère.
Une fois ce cadre établi, l’Algérie et ses ressortissants sont désignés comme un bouc- émissaire commode permettant de justifier un système de domination toujours à l’œuvre. À travers un amalgame entre immigration postcoloniale, insécurité et islamisme, une continuité artificielle est tracée entre l’indépendance algérienne et des problématiques contemporaines.
Ce processus permet non seulement d’éluder la responsabilité française dans la persistance des inégalités héritées du colonialisme, mais aussi de justifier des politiques répressives, qu’il s’agisse du contrôle migratoire, des restrictions de visas ou du maintien d’une influence économique asymétrique, voire imposer des règles anti-démocratiques et dictatoriales contre des français en vue de contrer tout soulèvement ou réactions liés à la paupérisation.
L’hypocrisie des autorités françaises depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 a atteint son paroxysme, notamment dans la manière dont elles perçoivent les événements historiques et les crimes commis contre des peuples par d’autres Etats. Cette sélectivité se manifeste particulièrement lorsqu’on compare deux cas : les crimes et enfumades perpétrés par l’armée française en Algérie et la reconnaissance du génocide arménien.
À travers la fenêtre d’Overton, on observe :
– Un élargissement de la fenêtre d’Overton vers la criminalisation du génocide arménien de 1915, officialisé par la loi française n°2001-70 du 29 janvier 2001. Ce texte établit un précédent en matière de reconnaissance et de qualification juridique des crimes contre l’humanité et des génocides.
– Un déplacement inverse de la fenêtre d’Overton vers une réhabilitation du colonialisme français avec la loi du 23 février 2005. Plutôt que de considérer la colonisation comme un crime incontestable, cette loi introduit une tentative de réécriture de l’histoire en imposant la reconnaissance des « aspects positifs » de la colonisation. Elle marque ainsi la volonté de restreindre la condamnation du passé colonial et d’orienter le débat vers une vision plus apologétique du colonialisme.
À travers ces deux cas, on constate une duplicité flagrante et un jeu de cadrage idéologique, où la reconnaissance des crimes historiques dépend moins des faits que d’intérêts politiques et mémoriels opportunistes.
L’Algérie devient ainsi un élément central du récit politique français, non plus comme une ancienne colonie à laquelle il faudrait rendre justice, mais comme une menace perpétuelle à un ordre postcolonial prédateur.
Cette sélectivité dans la perception des crimes contre l’humanité et des génocides implique que certains cas peuvent être qualifiés d’inversion victimaire, en fonction d’objectifs et d’agendas spécifiques.
2- L’inversion victimaire :
Après l’élargissement du cadre du débat par l’ouverture de la fenêtre d’Overton, certains ministres recyclables français et avec eux la fachosphère, ont adopté l’inversion victimaire, une stratégie rhétorique et politique visant à renverser les responsabilités. Ce procédé rhétorique et politique vise à brouiller les responsabilités des crimes commis en Algérie par la France coloniale et de la prédation en se présentant comme une victime. Couramment employée dans les discours médiatiques et politiques français, cette tactique sert à délégitimer les revendications algériennes relatives à la reconnaissance des crimes commis en Algérie et les contestations algériennes à la diplomatie provocatrice de la France et au comportement néocolonial et suprématiste de la fachosphère au pouvoir.
Sur le plan rhétorique cette stratégie, permet d’esquiver toute remise en question en détournant le débat sur les questions mémorielles. Politiquement, elle contribue à préserver les rapports de force en essayant de discréditant l’Algérie sur le terrain moral et symbolique.
C’est dans cette optique que la France, puissance coloniale et néocoloniale, entendait se faire passer pour une victime des « ingrats » ou des « revanchards » algériens à travers des fantaisies cousues de toutes pièces. Cela est passé par la mise en avant d’un récit où la colonisation serait une « œuvre civilisatrice », et la guerre de libération nationale une « tragédie » pour ses enfants où la France aurait elle-même souffert, voire aurait été « trahie » par ses enfants qui ont été obligés de céder à la pression des éléments de l’Armée de Libération Nationale (ALN).
Dans le même cadre de cette inversion victimaire, je cite un cas flagrant : Pour occulter les actes terroristes de l’OAS, les crimes commis par les harkis contre la population algérienne et les responsabilités françaises dans l’abandon de ces supplétifs, les autorités françaises ont, en réponse à la demande de la droite nostalgique et des néocolonialistes, signé la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant « reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français. »
Une réparation intervenue, non pas pour service rendu à la France, mais une forme de provocation de la part des autorités françaises.
Après l’élargissement de la fenêtre d’Overton et le recours à l’inversion victimaire, les élites politiques et les médias français s’orientent désormais vers la bouc-émissairisation de l’Algérie.
A suivre…
Lire: La France ou le syndrome de l’échec du prédateur en Algérie ( 1ère partie )