L’accord de pêche conclu en 2019 entre l’Union européenne (UE) et le Maroc dépendait, presque exclusivement, des captures au large du Sahara occidental occupé, révèle un rapport récemment publié par la Direction générale de la pêche de la Commission européenne.
Selon une évaluation réalisée par les cabinets de conseil « Poseidon Aquatic Resource Management » et « F&S Marine » de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’UE et le Royaume du Maroc pour la période 2019/2023, « 99% des captures réalisées par la flotte de l’UE dans le cadre du Protocole, ont été réalisées par des navires de pêche industrielle ciblant les petits pélagiques », c’est-à-dire la pêche de catégorie 6, pratiquée exclusivement au Sahara occidental occupé.
En effet, le Protocole prévoit des permis de pêche dans six catégories différentes, correspondant à différents types de pêche dans différentes zones géographiques. La catégorie 6 concerne les espèces pélagiques. Pour cette catégorie, la pêche est pratiquée dans une zone qui est géographiquement limitée aux eaux du Sahara occidental occupé.
Les permis de pêche pour les cinq autres catégories dont certaines sont également applicables au Sahara occidental, étaient « largement sous-utilisées », indique le document, précisant que « seulement 22% des licences disponibles dans ces 5 catégories ont été utilisées ».
Seuls 24 navires sur un maximum de 110 navires autorisés à pêcher dans les catégories 1 à 5 ont saisi les opportunités », ajoute le rapport qui fait remarquer que même dans les catégories sous-utilisées (à l’exception des catégories 1 et 2 qui s’appliquent au Maroc), pratiquement toutes les captures ont été réalisées au Sahara occidental occupé . L’analyse du retour sur investissement de l’UE sur cet accord montre, en outre, que « chaque euro investi génère près de 3,3 euros en retour en valeur directe et indirecte ».
« La bonne utilisation des possibilités de pêche par la catégorie phare du Protocole, la catégorie 6 des navires de pêche industrielle ciblant les petits pélagiques, explique ce résultat », souligne l’étude d’évaluation, précisant que « cette catégorie représente 97% de la valeur ajoutée générée par l’ensemble de la flotte de l’UE pour le Protocole ».
Selon le Protocole, les navires de l’UE sont obligés de débarquer certains pourcentages de leurs captures dans des « ports locaux ». Toutefois, l’étude révèle que la plupart des captures débarquées par les navires de l’UE n’ont pas été vendues aux industries de transformation locales, mais sont transportées vers l’UE pour être vendues sur le marché intérieur, ou sont expédiées vers des pays tiers. Récemment, l’avocate générale de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), Tamara Capeta, a estimé que la Cour devrait annuler cet accord de partenariat dans le domaine de la pêche entre l’UE et le Maroc.
« En ne considérant pas le territoire du Sahara occidental et les eaux adjacentes à celui-ci comme étant séparés et distincts de celui du Maroc, le Conseil (européen) n’a pas respecté le droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental », a-t-elle affirmé dans ses conclusions.
En outre, selon l’avocate générale, l’absence d’un traitement séparé des deux territoires peut également avoir des répercussions sur le droit du peuple du Sahara occidental à jouir et à bénéficier de ses ressources naturelles, y compris les ressources halieutiques dans les eaux adjacentes à ce territoire.
En juin 2019, le Front Polisario a demandé devant le Tribunal de l’UE, l’annulation de la décision du Conseil européen qui a approuvé l’accord au nom des Vingt-Sept.
Dans sa requête, le Front Polisario a expliqué que le Conseil européen n’a pas respecté le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.
Suite à cette requête, le Tribunal a, dans son arrêt, annulé la décision du Conseil. En 2021, la Commission et le Conseil de l’UE ont chacun formé un pourvoi devant la Cour. L’arrêt de la CJUE devrait être rendu d’ici l’été.