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TRIBUNE

Le Maroc à l’assaut du Parc Safari

J’aime beaucoup le Parc Safari. Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, il s’agit d’un parc zoologique situé au sud de Montréal, près de la frontière américaine. Attraction prisée par les jeunes et les moins jeunes, il attire des milliers de visiteurs chaque année qui viennent admirer des centaines d’animaux déambuler en toute liberté. Un concept très attrayant qui fait le bonheur des amoureux de la nature.

J’aime beaucoup le Parc Safari. Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, il s’agit d’un parc zoologique situé au sud de Montréal, près de la frontière américaine. Attraction prisée par les jeunes et les moins jeunes, il attire des milliers de visiteurs chaque année qui viennent admirer des centaines d’animaux déambuler en toute liberté. Un concept très attrayant qui fait le bonheur des amoureux de la nature.


J’aimerais continuer dans ma lancée, mais, en réalité, ce n’est pas l’indéniable beauté du lieu ni sa variété animalière qui ont motivé ce texte. Il s’agit en fait d’une querelle de clocher qui passerait pour un anodin fait divers si cela n’avait pas été rapporté de manière très sérieuse par la journaliste Anne-Sophie Poiré dans le journal 24 Heures [1]. Elle y explique que des Canadiens d’origine marocaine ont demandé aux autorités du parc d’apporter des modifications à une carte géographique dans laquelle le Sahara occidental est séparé du Maroc. Inadmissible crime de lèse-majesté ! J’ignorais que le Parc Safari était une succursale de l’ONU  ou un des nombreux biens que le monarque marocain possède à travers le monde !

Les contestataires ont clamé que le royaume «aurait été amputé de son Sahara» dans une pétition signée par… «plus de 200 personnes» ! Non, ce n’est pas une erreur et, rassurez-vous, je n’ai oublié aucun zéro. 
Il y est mentionné que le Sahara occidental fait «partie intégrante du pays, dont les frontières sont internationalement reconnues». Je suis convaincu qu’après l’écriture de cette phrase, plus de 200 nez se sont allongés de plusieurs centimètres !
Le reste de l’article est une tentative très approximative d’expliquer le problème géopolitique où l’Algérie est citée pas moins de quatre fois ! Allez y comprendre quelque chose ! Que des Marocains fâchés par une carte géographique se plaignent au Parc Safari, soit. Mais qu’est-ce que l’Algérie vient faire dans cette affaire ? Serait-ce elle qui aurait dessiné la carte en question ?  

Mais revenons quand même au cœur du problème en rétablissant quelques vérités historiques :


1- L’ONU publie sur son site une carte détaillée [2] du Sahara occidental avec ses délimitations frontalières avec ses trois pays limitrophes : la Mauritanie (1561 km), le Maroc (443 km) et l’Algérie (42 km). Exactement comme celle du Parc Safari.

2- Concernant la situation politique du Sahara occidental, l’ONU précise que «le Sahara occidental a été inscrit sur la liste des territoires non autonomes établie par les Nations unies en 1963 après que l’Espagne eut communiqué les renseignements visés à l’alinéa e de l’Article 73 de la Charte des Nations unies » [3].


3- Sur le site du gouvernement du Canada, on peut lire : «Le Sahara occidental est un territoire non autonome dont le statut politique et juridique reste à déterminer par l’entremise de l’Organisation des Nations unies» [4]. Une position identique à celle de l’ONU.


4- Le 16 octobre 1975, la Cour internationale de justice rend un verdict historique à la suite d’une demande du roi du Maroc de l’époque : «La Cour a conclu que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n’établissaient l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental, d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien, d’autre part» [5].

5- Le 27 février 1976, le Front Polisario proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD) [6].


6- Le 26 juin 1981, le Roi Hassan II donne son accord pour un référendum d’autodétermination au Sahara occidental [7].


7-  Le 22 février 1982, la RASD est admise comme 51e membre de l’OUA (Organisation de l’unité africaine) [8].
8- Le 27 juin 1990, la résolution 658 du Conseil de sécurité de l’ONU approuve la tenue d’un référendum d’autodétermination comme plan de règlement du conflit au Sahara Occidental [9].
9- 29 avril 1991, la résolution 690 du Conseil de sécurité décide la création de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) [10].


10- Le 31 janvier 2017, le Journal officiel du Maroc numéro 6539 (page 78) reconnait tous les Etats membres de l’Union africaine y compris «la République arabe sahraouie démocratique», tel que mentionné dans le document [11]. Il s’agit d’une reconnaissance publique, officielle et explicite de la RASD.


Tous ces éléments juridiques, politiques et historiques indiquent que le Maroc et le Sahara occidental sont deux entités géographiquement et politiquement distinctes. Ainsi, le Parc Safari, comme toutes les institutions canadiennes, sont dans leur droit d’afficher les cartes approuvées par l’ONU.


Il est quand même curieux de voir des communautés néo-canadiennes vouloir importer au Canada les problèmes de leurs pays d’origine faisant fi de la politique de leur pays d’accueil et, pis encore, travailler à le mettre en contradiction avec le droit international, violant les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU.


En ce qui me concerne, cela m’a donné le goût de visiter, pour la nième fois, le Parc Safari avant sa fermeture hivernale. 
Les animaux sont des créatures tellement belles à admirer, contrairement à certains humains aux nez un peu trop longs.

Par Ahmed Bensaada

Références

1- Anne-Sophie Poiré, «Le Parc Safari au cœur d’un débat géopolitique : des Canadiens d’origine marocaine en colère», 24 Heures, 16 août 2024, https://www.24heures.ca/2024/08/16/le-parc-safari-au-cur-dun-debat-geopolitique-des-canadiens-dorigine-marocaine-en-colere
2- ONU, «Les Nations unies et la décolonisation, Sahara occidental», https://www.un.org/dppa/decolonization/fr/nsgt/western-sahara
3- Ibid.
4- Gouvernement du Canada, «Conseils aux voyageurs pour le Maroc», 22 août 2024, https://voyage.gc.ca/destinations/maroc
5- Cour internationale de justice, «Sahara occidental», https://www.icj-cij.org/fr/affaire/61
6- Université de Perpignan – Digithèque MJP, «Sahara occidental – Proclamation de la République arabe sahraouie démocratique »,  https://mjp.univ-perp.fr/constit/eh1976.htm
7- Khadija Mohsen-Finan, «Trente ans de conflit au Sahara occidental», Note de l’IFRI, Janvier 2008, https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/Trente_ans_deconflit_Finan.pdf
8- Université de Perpignan – Digithèque MJP, «Sahara occidental – Constitution du 4 septembre 1999», https://mjp.univ-perp.fr/constit/eh.htm
9- ONU, «La situation concernant le Sahara occidental», https://www.un.org/fr/sc/repertoire/89-92/CHAPTER%208/AFRICA/item%2008_Western%20Sahara_.pdf
10- Ibid.
11- Bulletin officiel du Royaume du Maroc, n° 6539 bis, 31 janvier 2017, http://www.sgg.gov.ma/BO/bo_fr/2017/BO_6539-bis_fr.pdf

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