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TRIBUNE

Le régime des laïcards français partage l’obsession du voile avec son égal islamiste

De nos jours, si l’islamisme sert d’alibi à la France laïcarde pour maintenir et pérenniser sa politique de stigmatisation et d’excommunication des musulmans, le dogme laïque sert également de repoussoir aux régimes islamistes, pour maintenir et pérenniser leur incendiaire politique d’aliénation religieuse.

Par Khider Mesloub

De nos jours, si l’islamisme sert d’alibi à la France laïcarde pour maintenir et pérenniser sa politique de stigmatisation et d’excommunication des musulmans, le dogme laïque sert également de repoussoir aux régimes islamistes, pour maintenir et pérenniser leur incendiaire politique d’aliénation religieuse.

L’islamisme et le laïcisme français ont des intérêts convergents, pour ne pas dire identiques, dans la mesure où ils justifient, garantissent et pérennisent l’existence l’un de l’autre. Leur ennemi commun est la femme musulmane, que la France laïcarde contraint à ôter son voile, et les islamistes à porter le voile. La France laïcarde comme les islamistes sont obsédés par le voile.

Au-delà de ces convergences d’intérêts, il existe également des homologies culturelles et sociétales entre les régimes islamistes et le régime laïcard fanatique français. Les deux régimes sont fondés sur l’apartheid sexuel. La ségrégation. La stigmatisation d’une partie de la population. Dans le cas des islamistes, il s’agit de la population féminine autochtone. Dans le cas de la France des laïcards, de la population féminine allogène musulmane. Les deux respectives populations féminines musulmanes sont soumises à la même oppression. Aux mêmes dispositions discriminatoires, fondées sur l’apartheid sexuel symbolisé par le voile, érigé en étendard gouvernemental d’imposition dans le cas des islamistes, et d’interdiction dans le cas de la France des laïcards.

Le slogan misogyne des islamistes est «portez ce voile que je souhaiterais voir !» Le slogan misogyne des laïcards français est «cachez ce voile que je ne saurais voir !»

Les deux régimes participent de la même logique religieuse fondée sur l’intolérance et la misogynie à l’égard de la femme musulmane.

L’islamisme  est l’autre face du laïcisme, un laïcisme fondé sur l’apartheid sexuel, le dogmatisme laïque revendicatif et vindicatif, la violence sexuée étatique, la militarisation de la société. En un mot, le fascisme religieux et la religion du fascisme. Deux modes de gouvernance réactionnaires inhérents aux Etats théocratiques et laïcards fondés sur l’apartheid sexuel, portés par la même mentalité religieuse. Ces Etats sont régis par la même pensée irrationnelle. Par des tabous, notamment le tabou vestimentaire féminin.

Les fous de Dieu ont trouvé en face d’eux, en France, des fous du laïcisme dogmatique, cette religion sécularisée de la bourgeoisie décadente française.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la France est demeurée un pays profondément religieux, imprégné par une logique hiératique.

La France n’est pas laïque. C’est un pays religieux réactionnel. La France, fille aînée de l’Eglise, n’est jamais parvenue à s’extraire de la religion de ses aïeux. La France a sombré dans ce que je nomme «l’esprit religieux réactionnel». La France est un reptile religieux qui se mord la queue religieuse. Pour rappel, certains serpents, sous l’effet du stress et de la panique, se mettent à se mordre la queue et à s’enrouler sur eux-mêmes, dans une boucle infinie. Autrement dit, dans le cas de la France, son «inconscient collectif historique» lui joue des mauvais tours au point de l’entraîner à tourner en rond en l’enfermant dans un cycle de ruminations obsessionnelles religieuses, incarnées par sa monomanie sur le voile, longtemps symbole de la chrétienté. Une obsession religieuse dont elle ne parvient jamais à s’arracher. Et pour cause.

Du point de vue de la psychanalyse, «une formation réactionnelle correspond à une attitude ou habitus psychologique s’opposant à un désir refoulé dans l’inconscient et en réaction à celui-ci». La «personnalité réactionnelle» (ou entité réactionnelle), par mécanisme de défense, développe un comportement opposé à ce qu’elle ressent au plus profond de son être (sa matrice). Le comportement réactionnel est une «attitude qui substitue un comportement acceptable à des pulsions inacceptables en s’opposant à un désir (religieux) refoulé». Du point de vue clinique, «c’est un contre-investissement d’un élément conscient dont la force apparaît équivalente et capable d’agir dans la direction opposée à l’investissement inconscient. Les formations réactionnelles peuvent être symptomatiques du fait de la rigidité ou de la fixation de ces comportements substitutifs, ceux-ci étant à la fois compulsifs et exagérés. C’est un mécanisme précoce mais fragile qui se développe avec prédilection pendant la période de latence au profit des valeurs mises en avant par les contextes historiques, sociaux et culturels, et au détriment des besoins pulsionnels frustes, agressifs ou sexuels directs, tout en cherchant à les drainer de façon indirecte».

Cette autre définition formulée par un psychanalyste s’applique, à juste titre, à la France laïcarde : «Il parle pour boucher, recouvrir, habiller ce trou, et le langage n’est, d’une certaine manière, qu’une formation réactionnelle au trauma.» La France laïcarde s’agite pour colmater la béance laissée par le traumatisme de sa violente Révolution de 1789, marquée par la politique terrorisante de déchristianisation menée par les Jacobins.

Jusqu’en 1789, date de la Révolution française, le christianisme était alors une composante essentielle de la société. En pleine période de la terreur, l’année 1793 débute par la décapitation du roi Louis XVI (le 21 janvier), et poursuit son œuvre d’anéantissement de l’ancien monde par la liquidation de l’Eglise.

Dès le mois d’août 1792, au lendemain de l’abdication du roi Louis XVI, la Commune de Paris prend des mesures restrictives contre le clergé catholique, matérialisées notamment par la prohibition du port du costume ecclésiastique en dehors des célébrations cultuelles, l’interdiction des processions et manifestations religieuses (on voit ici l’origine de cette politique de bannissement pathologique de tout signe religieux, de toute manifestation confessionnelle publique).

Pour soutenir l’effort de guerre, les ornements de bronze des églises sont réquisitionnés pour être fondus afin de fabriquer des canons, des objets précieux servant au culte sont également confisqués. Aujourd’hui, Macron, pour financer le réarmement de la France, réquisitionne l’argent du peuple, par l’inflation, la baisse des salaires et allocations sociales, la captation du livret d’épargne.

Cependant, la campagne de déchristianisation débute concrètement en l’an II du calendrier républicain, c’est-à-dire en 1793.

C’est au cours des années 1793-1794, sous la terreur, à l’instigation des clubs et sociétés jacobines, que l’incisive ablation chirurgicale de déchristianisation est entreprise pour extirper le christianisme de la société française.

Parmi les principales mesures déchristianisatrices, on peut citer, en premier lieu, la «déprêtisation». Cette mesure radicale a pour dessein de démanteler le pouvoir de l’Eglise. Pour ce faire, les révolutionnaires recourent à plusieurs méthodes drastiques : abdication des fonctions sacerdotales (parfois apostasie), déportation des prêtres réfractaires, obligation de mariage (interdiction pour les prêtres de demeurer célibataires).

En second lieu, la laïcisation. Cette mesure vise la sécularisation de la société par l’éradication des référentiels chrétiens, matérialisée notamment par le remplacement du calendrier grégorien par le calendrier républicain (le comptage des années ne se fera plus en référence à la naissance de Jésus mais l’an I commencera avec la proclamation de la République le 22 septembre 1792. La nouvelle organisation des mois fait disparaître le dimanche traditionnellement consacré à la prière collective catholique, le repos est désormais fixé tous les dix jours – décadi. Les noms des saints, jusqu’alors attribués aux jours de l’année, sont remplacés par des noms de légumes, d’outils agricoles ou de vertus) ; l’instauration de l’état civil régi par les maires et non par les curés ; la substitution des prénoms à connotations religieuses par des prénoms révolutionnaires, la fondation d’une éducation laïque totalement soustraite à l’influence de l’Eglise.

En troisième lieu, l’iconoclastie, objectivée par l’extirpation des symboles religieux, la démolition des édifices chrétiens, les autodafés des costumes ecclésiastiques, des ouvrages confessionnels, la confiscation des biens de l’Eglise. (La cathédrale Notre-Dame de Paris sera transformée en Temple de la Raison le 10 novembre 1793. On y célèbre la fête de la Liberté. Le 23 novembre toutes les églises de Paris sont fermées.)

En quatrième lieu, l’institutionnalisation de «cultes républicains» : culte de la raison, culte des martyrs de la liberté, cultes civiques, culte de l’Etre suprême.

En cinquième lieu, le changement de noms des communes. En effet, le 17 octobre 1793, un décret officialise les modifications de nom de milliers de communes précédemment rebaptisées par les sans-culottes.

Pour rompre avec l’ancien régime, incarné par la féodalité et la royauté, ces derniers s’attachent à composer des noms républicains originaux expurgés de toute référence religieuse ou nobiliaire. Des centaines de communes sont rebaptisées, affublées de noms révolutionnaires. Outre ces mesures déchristianisatrices révolutionnaires, la Convention vote le 18 septembre 1794 la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ainsi, contrairement à l’opinion communément répandue, c’est la France révolutionnaire lancée en croisade contre l’Eglise qui institue, la première, la séparation des pouvoirs politique et religieux, bien avant les politiciens du début du XXe siècle, en 1905.

Le budget des cultes est supprimé, l’Etat ne voulant plus subventionner aucun culte. Plus tard, cette mesure sera complétée par la promulgation d’une loi instituant l’interdiction de rétribution du clergé, de fourniture de locaux pour les cultes, d’apparition en public en habit religieux, d’exhibition de tout signe cultuel dans un lieu public. Dans l’article 6, la loi stipule que tout rassemblement de citoyens pour l’exercice d’un culte quelconque est soumis à la surveillance des autorités constituées.

La France est demeurée tellement prisonnière de l’emprise traumatique de son passé chrétien violemment profané par les révolutionnaires jacobins que même devenue républicaine et laïque, elle continue à s’enfermer derrière les barreaux de la prison mentale religieuse, d’où elle profère ses professions de foi de laïcité hypocrite. Laïcité hypocrite car la France ne s’est jamais libérée de sa prison religieuse chrétienne traumatique.

Force est de constater que, dans ce pays gaulois déchristianisé par la terreur révolutionnaire, économiquement et politiquement en plein ensauvagement, dans cette sénile nation de la liberté de conscience et d’expression à géométrie variable, faute de pouvoir légalement interdire la religion musulmane, au nom de sa démocratie laïque avariée tout signe religieux islamique, à plus forte raison un voile porté par une fille, devient suspicieux, délictueux, séditieux.

Comble de l’ironie : cette France qui exige que la religion doive refluer vers la sphère privée a fait de son laïcisme militant et éructant un indécent combat permanent public et médiatique. Toute sa politique gravite autour de l’islam et du voile, ses principales occupations dévotieuses et vicieuses. Toute son étroite pensée est obnubilée par les musulmans qu’elle stigmatise et vilipende à longueur de journée.

Un authentique pays laïque, libéré de la pensée religieuse pénitentiaire, ne s’avise jamais à retourner s’enfermer dans la prison de l’aliénation dévotieuse pour ressasser les mêmes pensées doctrinales confessionnelles laïcisées, quoique expectorées de manière outrancièrement critique et violemment dépréciative. Libéré de l’aliénation religieuse, ce pays ne s’enferme pas dans une autre aliénation : la critique pathologique récurrente et écœurante de la religion islamique, qui est une forme de fanatisme, de djihadisme laïcard. Il savoure en toute quiétude sa liberté de pensée qu’il s’efforce de partager et de propager en dehors des sentiers battus religieux.

Le diable de la religion habite encore le cerveau des Français laïcards, tourmentés par la culpabilité sacrilège d’avoir déchristianisé violemment leur pays, profané leur millénaire religion.

Quoique dotée d’un régime censément républicain et laïc, la culture de la France est marquée par l’immuabilité d’une nation clivée, rivée au christianisme profané par les Jacobins, son tréfonds psychique religieux. Un tréfonds religieux qu’elle a converti en laïcisme fanatique. Son obsession laïcarde s’est fixée sur le voile, véritable monomanie pathologique.

Tout se passe comme si les Français laïcards, encore traumatisés par cette déchristianisation violente, font subir le même sort aux musulmans en voulant les «déislamiser» de force et par la force.

Les Français laïcards sont des «djihadistes républicains» : à l’instar de leurs aïeux jacobins, ils mènent une véritable croisade contre les musulmans pour les convertir de force à leur dogme laïc fanatique, revendicatif et vindicatif.

Khider MESLOUB 

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